Greek Crisis

mardi 2 avril 2019

Vivi semplicemente !



Le soleil brille, le crépuscule est de saison. Athènes se transforme: pouvoirs, territoires, propriétés, règles d’urbanisme, et ainsi usages. Tout change progressivement pour être assujetti à un destin à un plus haut degré d’hétéronomie quasi-coloniale. La capitale de l’ex-classe moyenne grecque... “s’ouvre” enfin à sa métropolisation, celle très exactement que le globalisme de la Troïka et des marionnettes grecques auront pu imposer, rien qu’en une petite décennie d’adaptation aux normes, sous la violence de la dite “crise”. Athènes, nouvelle citadelle de la mondialisation, une globalisation “heureuse” profitant d’abord à ceux qui arrivent, et il faut dire qu’ils sont nombreux. Siècle nouveau, vielles recettes.

Chinois à Athènes, touristes et leur guide. Avril 2019

Pour à peine paraphraser le géographe Christophe Guilluy lorsqu’il décrit les réalités françaises actuelles, la Grèce est forcée de devenir une société globalisée comme les autres, inégalitaire et si possible même multiculturelle. D’un modèle largement égalitaire, acquis depuis de l’avènement de l’étendue classe moyenne à la fin de la dictature des Colonels en 1974, nous basculerons progressivement en une société socialement inégalitaire et sous tensions identitaires. Ce basculement, désastreux pour les classes populaires, en somme les deux tiers de l’ancienne classe moyenne désormais paupérisée, provoque déjà un chaos culturel et social sans précédent, (voir Christophe Guilluy, “Le crépuscule de la France d’en haut”, Flammarion 2017).

“La mondialisation a en effet généré l'existence de nouvelles citadelles, les métropoles, ou se concentre une nouvelle bourgeoisie qui capte l'essentiel des bienfaits du modèle mondialisé. Au nom de la société ouverte, elle accompagne et soutient ainsi les choix économiques et sociétaux de la classe dominante, dont la conséquence est de rejeter inéluctablement ceux dont le système économique n'a plus besoin dans les périphéries territoriales et culturelles”, écrit Christophe Guilluy.

“Dans la réalité, l’entre-soi et le réseautage n’ont jamais été aussi pratiqués. Cette aimable bourgeoisie participe ainsi directement ou indirectement au plus important processus de relégation sociale et culturelle des classes populaires, en excluant par ses choix économiques et sociaux les catégories modestes des territoires qui comptent, ceux qui créent l’emploi et les richesses. La prédation qu’elles opèrent sur l’ensemble du parc de logements privés des grandes métropoles, hier destiné aux classes populaires, n’a pas d’équivalent dans l’histoire. Mieux, il se réalise à bas bruit, sans qu’à aucun moment l’emprise de dépossession ne soit questionnée, encore moins remise en question. Il faut dire que la concentration des catégories supérieures sur les territoires qui créent l’essentiel des richesses et de l’emploi s’accompagne aussi d’une emprise de ces catégories sur le débat public et son expression.”

Travaux à Athènes. Avril 2019

Airbnbisation et nouvelles épiceries contemporaines. Athènes, avril 2019

Réhabilitation après huit années d'abandon. Immeuble athénien, avril 2019

En Grèce et d’abord à Athènes, la prédation qu’une partie de la bourgeoise grecque et en premier lieu, des rapaces internationaux, est ainsi opérée sur l’ensemble du parc de logements privés, en passant par celui des hôtels et des bureaux, hier encore propriété de l’immense classe moyenne grecque. Prédation qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire du pays. Sauf, sous l’autre Occupation (Allemande), celle des années 1940, lorsque en trois ans seulement, près de 250.000 biens immobiliers avaient changé de propriétaires, spoliés en réalité au bénéfice de la caste des profiteurs et autant collaborateurs de l’autre... Ordre Nouveau.

Votre... pauvre blog avait d’ailleurs considéré dès ses débuts que la dite crise grecque n’était qu’une forme de guerre alors déclarée contre la société et contre le peuple grec, un génocide parfois lent et quelquefois accéléré, génocide entre autres économique et autant démographique. Et ce n’est que par le biais de cette situation exceptionnelle, devenue ainsi la... norme, qu’une telle prédation ait pu devenir faisable en si peu de temps. Tout en neutralisant il faut dire, les réactions populaires... essentiellement grâce à l’aimable collaboration de la gauche, SYRIZA en tête.

C’était un jour de ce lointain mai 2010, lorsque le FMI, l’Union européenne et la BCE, constitués en une sainte alliance ultralibérale, missionnèrent aussitôt leurs experts et mirent le pays sous leur tutelle: la Troïka était formée, et ses... Troïkans entrés dans la place. Leurs traitements de cheval - faits de coupes budgétaires et de privatisations à tout crin - allaient mettre à genoux tout un peuple, tout à fait dépossédé de tout pouvoir sur le cours de son devenir. Les existences, les comportements, individuels et collectifs, bref toute la société en seraient profondément modifiés. Ces transformations, induites par la thérapie de choc, ont engendré une nouvelle situation dans un contexte d’accélération des temps nouveaux, accélération à la fois redoutée et pourtant acquise - dans les faits et dans tous les esprits - ceci entre 2010 et 2019.

Paupérisation. Athènes, avril 2019

Fermeture définitive. Athènes, avril 2019

Ex-petit commerce désormais... entrepôt privé. Athènes, avril 2019

Maintenant on sait. L’accélération du programme depuis 2015, ainsi que sa terrible composante géopolitique (affaire Macédonienne, Turquie, Mer Égée, Chypre), essentiellement incarnées et avec quel... culot par la gauche SYRIZA, ont-elles fini par rendre les évidences bien plus terribles. La Grèce, pays de la petite propriété, surtout immobilière devait alors être brisé et ceci d’ailleurs hâtivement. La surmultiplication de la fiscalité, elle a augmenté d’environ 400% depuis 2010, ainsi que la paupérisation rapide infligée faisant passer la classe moyenne de 70% à moins de 25% de la population, de même que l’arrivée massive de capitaux prédateurs et globalistes, ont fini par s’attaquer à l’épine dorsale du système économique, culturel, voire familial des Grecs, une prédation pour laquelle les dites “élites politiques et économiques grecques” il faut dire s’en félicitent.

Il y a un avant et un après le règne des Memoranda, comme lors d’une entrée en guerre ou d’une occupation. Il souffle désormais un vent mauvais, le poison ambiant n'épargne personne, nous assistons à une mise à mort de nos petites et grandes habitudes: cette mutation collective rapide est suspendue à la perte de nos repères. Désormais les individus plongent, y compris dans les quartiers chics. Le programme avait été précipité, car faire d’Athènes une nouvelle citadelle des globalistes n’aurait pas pu se réaliser sans venir à bout de la résistance culturelle et économique de la vaillante classe moyenne grecque, pour laquelle l’État grec même était alors à ses yeux un ennemi disons structurel. Pourtant, même après une décennie... de guerre, cette petite propriété et autant économie à la grecque résistent alors toujours encore dans un sens.

Coin de la ville. Athènes, avril 2019

Les mondialisateurs, les... culturalistes apatrides qui gouvernent, les dits investisseurs et autant parfois nouveaux habitants venus des quatre coins de la petite planète, tout ce petit monde désormais palpable à Athènes, touristes Chinois compris, donne l’impression d’une belle et joyeuse normalité, Athènes ville festive et attirante, sauf que ce n’est plus tout à fait celle de l’immense majorité des... autochtones, sauf sans doute pour nos animaux adespotes, imperturbables il faut dire. Pendant que les Grecs s’aventurent de plus en plus dans l’univers des... petits boulots, Mr. Chang, un médecin venu de Chine, vient d’acheter ces derniers mois, et rien qu’à Athènes, plus de 700 appartements, presse grecque, septembre 2018.

Décidément, la capitale de l’ex-classe moyenne grecque... “s’ouvre” enfin à sa métropolisation. Pendant ce temps, en 2018, 150.000 héritages (biens immobiliers) ont été refusés par les héritiers en Grèce, soit une hausse de plus de 400% depuis 2013, presse grecque du 2 avril 2019. Ces biens iront ainsi à l’État, lequel les... offrira aux fonds rapaces internationaux car de toute manière et potentiellement, tous les biens de l’État grec appartiennent aux dits créanciers et pour une durée de 99 ans d’après le mémorandum signé par Tsípras en 2015.

Petit boulot à la grecque. Athènes, avril 2019

Athènes, ville du spectacle. Avril 2019

Animal adespote mais soigné. Athènes, avril 2019

Cette éviction des Grecs est alors formulée, programmée et mise en œuvre par les politiques sous contrôle alors étranger, comme autant de certaines castes bien d’ici, celles des Oligarques d’Athènes, dont les plus jeunes figurent parfois sur les listes électorales actuelles, à l’instar de Petros Kókkalis récente acquisition de l’euroliste SYRIZA, Kókkalis donc de la société Intracom et fils de l’illustre agent de la Stasi Socratis Kókkalis.

Affaires de classe... comme de clash. Christophe Guilluy interviewé sur le repli de cette bourgeoisie asociale et sur cette forme de déni alors visible, notamment chez les cadres, de se percevoir comme les gagnants de la mondialisation, répond-il:

“Les gens voient toujours le court terme. Pour le moment cela va encore, ils ‘s'accrochent aux wagons’. Mais il y a une forme de déni sur ce qu'ils vont devenir. La disparition de la classe moyenne a commencé par les ouvriers, les paysans, les employés, les professions intermédiaires et demain, ce sera une fraction des catégories supérieures qui sera emportée. On voit déjà que les jeunes diplômés du supérieur n'arrivent plus à s'intégrer. Le processus est enclenché et il va détruire aussi des catégories qui pensent encore être protégées”, Atlantico, octobre 2018.

Quartier chic. Athènes, avril 2019

En Grèce... pays avancé, ceux de l’Union professionnelle des Ingénieurs lancent leur cri d’alarme quant à la paupérisation de la branche: “Nous risquons d’être... à cours d’ingénieurs, 8 ingénieurs sur 10 ont des dettes insolubles envers le fisc et envers leur Caisse d’Assurance”. Il faut dire que d’après le calcul fait, un Ingénieur dont le chiffre d’affaires est de 15.000€ par an, il doit verser 4.016€ d’impôt, 4.506€ en cotisations et il lui restera pour vivre la somme de 539€ par mois, presse grecque du 2 avril 2019. Pour ne pas sombrer, ingénieur ou pas, il n’y a qu’une solution, gagner davantage mais... de préférence en économie informelle.

D’ailleurs, c’est essentiellement grâce au presque tiers du PIB non-déclaré que le pays réel tient encore debout, en dépit du discours pseudo-moralisateurs des maîtres-fous qui gouvernent quant aux obligations fiscales, sans oublier les ravages désormais historiques causés par la zone euro. Signe encore des temps, sur une affiche athénienne peut-on lire en ce moment: “Tsípras brade le pays au bénéfice de l’euro”.

Quartier non touristique. Athènes, avril 2019

Animal adespote. Athènes, avril 2019

Tsípras brade le pays pour l'Euro. Athènes, avril 2019

Pour Christophe Guilluy, “les citadelles médiévales sont de retour. Dans les métropoles mondialisées, une bourgeoisie contemporaine, ‘new school’, a pris le pouvoir, sans haine ni violence. La captation des richesses, des emplois, du pouvoir politique et culturel s’est réalisée en douceur. On présente souvent la fracture française comme un affrontement entre les ‘élites’ et le ‘peuple’. Pourtant, le système ne repose pas seulement sur les ‘élites’, mais sur une fraction très importante de la population, une nouvelle bourgeoisie, qui réside notamment dans les métropoles et qui a cautionné tous les choix économiques de la classe dominante depuis trente ans.”

“Contrairement à la bourgeoisie d’hier, les nouvelles classes dominantes et supérieures ont compris que la domination économique et culturelle serait d’autant plus efficace qu’elle s’exercerait au nom du bien et de l’ouverture. De Bordeaux à Paris en passant par Lyon, elle vote à gauche ou à droite pour des candidats du modèle mondialisé et vit majoritairement dans l’une des quinze premières métropoles de France. Déguisés en hipsters, les nouveaux Rougon-Macquart peuvent se livrer à la ‘curée’ en imposant à la société française un modèle économique et territorial d’une rare violence, un modèle anglo-saxon, celui de la mondialisation. Ce basculement radical s’est réalisé sans contestation sociale majeure grâce à la mise en scène d’une opposition factice entre les partisans de la ‘société ouverte’ et ceux du ‘repli’.”

“Car les territoires métropolitains ne sont pas seulement le lieu de la captation du patrimoine, des richesses et de l’emploi, ils sont aussi celui de la fabrication de la pensée unique, ce discours du système médiatique et politique qui permet aux classes dominantes de dissimuler le réel, celui d’une société inégalitaire et sous tensions, derrière la fable de la société ouverte. La société des Bisounours n’existe pas. Le bobo en trottinette n’est pas un petit soldat perdu du monde de l’enfance. Détachée de toute appartenance collective autre que celle de son milieu, la nouvelle bourgeoisie surfe sur la loi du marché pour renforcer sa position de classe, capter les bienfaits de la mondialisation et se constituer un patrimoine immobilier qui rivalisera demain avec celui de l’ancienne bourgeoisie.”, Christophe Guilluy, extraits de son essai “Le Crépuscule de la France d’en haut”.

Église en semaine. Athènes, mars 2019

On arbore l'étendard de l'Église. Athènes, mars 2019

La citadelle médiévale d’Athènes pourtant elle résiste. En Grèce, la culture populaire d’en bas, partagée aussi par une bonne partie de l’ancienne classe moyenne n’est pas morte. Regroupée en partie derrière son Église Orthodoxe, la Grèce périphérique insiste et alors elle résiste. Chaque soir lors des messes en cette période de Carême, les Églises se remplissent certes très timidement, cela-dit, elles ne sont plus vides en semaine comme il y a à peine quelques années. Devant certaines habitations, à part le drapeau national, on arbore parfois aussi celui de l’Église et de l’Orthodoxie, histoire de se démarquer justement des hipsters... des territoires occupés.

Le soleil brille, le crépuscule est de saison, Athènes se transforme. Les bouquinistes s’amusent peut-être en proposant ces revues exhumées d’un certain passé hellénique, pour le meilleur comme pour le pire. Entre la famille royale dans les années 1960 et une couverture consacrée aux premières élections libres de 1974 quelques mois seulement après la fin de la dictature des Colonels, il y a le choix.

Revues anciennes. Athènes, avril 2019

Athènes “s’ouvre” à sa métropolisation, celle très exactement que le globalisme de la Troïka et des marionnettes grecques auront pu imposer, rien qu’en une petite décennie d’adaptation aux normes, sous la violence de la dite “crise”.

Pour les medias généralistes pourtant, la nouvelle du jour c’est la visite officielle de Tsípras, marionnette de Berlin et de Soros à Skopje, chez les voisins Slaves du Premier Ministre Zaev, aussi marionnette de Berlin et de Soros. Tsípras avait été accompagné par un certain nombre d’entrepreneurs de la Grèce du Sud, car ceux de la Macédoine grecque ont-ils tous boycotté l’invitation de Tsípras et des siens. La même presse fait également état des comptes en banque étrangement trop remplis de Petsítis, ami de Tsípras et de son acolyte Pappás, et entremetteur présumé entre le gouvernement et certains Oligarques d’Athènes. Zoé Konstantopoúlou déclare à la presse “que Petsítis, depuis les débuts de SYRIZA au pouvoir, avait été connu pour être le porteur de la sacoche de Pappás, et d’ailleurs ce sont les comptes de Tsípras et de Pappás qui devraient aussi intéresser la Justice”, presse grecque du 2 avril.

Une enquête est ouverte et depuis hier sur le cas Petsítis, et ceux du gouvernement se désolidarisent ouvertement et à la hâte du sort de Petsítis, presse grecque du 2 avril. Dans la foulée, Thomaríta Kaldára, la secrétaire bimboïde... embauchée par le Vice-ministre des Affaires Étrangères Bolaris, vient de démissionner car certains Grecs comme une partie de la presse, ils se sont moqués d’elle lorsque l’intéressée publiait ses propres photos en tenue légère sur Internet, presse grecque du 2 avril. Le soleil brille, le crépuscule est de saison politique comprise.

Bien manger, Vivre simplement, Rire souvent. Athènes, avril 2019

Permettez-moi de ne pas m'attarder sur ces événements de la semaine déjà entamée, sur ce refrain depuis le monde acosmique des politiciens. Il y a aussi d’autres nouvelles du jour, comme par exemple celle de ma cousine blessée lors de son accident récent, voilà qu’après son opération elle sortira bientôt de l’hôpital.

Le soleil brille, l’espoir est disons de mise, comme dans ce rappel toujours bienvenu depuis nos amis Italies, mais vu à Athènes: “Mangia bene, Vivi semplicemente, Ridi spesso” (“Bien manger, Vivre simplement, Rire souvent”).

Vivre simplement, peut-être à l’instar de notre Hermès de Greek Crisis, dit parfois le Trismégiste. La Grèce périphérique !

Hermès de Greek Crisis. Athènes, avril 2019


* Photo de couverture: Le soleil brille. Athènes, avril 2019