Greek Crisis

lundi 30 avril 2018

Mariage à la grecque



Dans nos familles, les bonnes nouvelles se font de plus en plus rares. Le plus souvent, à la question triviale: “Comment ça va ?”, la réponse devenue autant rebattue devient: “On se maintient...”. Ainsi, le mariage de mon neveu, à la mode de Bretagne comme de Grèce samedi dernier a été l’occasion de fêter et de souhaiter pour une fois le meilleur. Comme pour cette Grèce déjà des plages sous le soleil... on se laisse débrancher.

Cette Grèce déjà des plages. En Attique, avril 2018

Après avoir allumé un cierge à l’église de St George il y quelques jours d’après la coutume, la famille et d’abord mon neveu, nous attendions l’arrivée de la mariée devant l’église, car cela faisait depuis la préhistoire de la Grèce mémorandaire en 2010, que nous n’étions pas revenus sur une telle expérience... dans la parentèle.

Retrouvailles heureuses, aux photographes et amis cameramen lesquels ont eu fort à faire pour “croquer” ensemble celles et ceux qui ne s'étaient pas rencontrés depuis de bien longues années. Curiosités réciproques, et parfois hésitation dans le style... “Ah, tu travailles encore, tu as donc un job?”, le tout, entre deux euphémismes relâchés devant les moins chanceux entre deux plats: “La chance peut parfois tourner”.

Notre mariage, quasi-surprise pour la famille étendue car annoncé il n’y a guère trop longtemps, n’a pas eu toute cette... massivité des mariages d’antan. Soixante invités, pour moitié du côté de la mariée et pour l’autre de la nôtre, difficilement triés il faut dire, au lieu et place de plus de trois cent convives en pareilles circonstances avant la crise. C’est alors ainsi que la petite taverne crétoise d’Athènes réservée pour fêter aussitôt après la cérémonie célébrée à l’église, avait été bien remplie.

Le patron Crétois a même retrouvé parmi nos invités un autre Crétois, marié à une fille de la Thessalie et depuis installé non loin des Météores. Histoires et boutades crétoises et thessaliennes, comparaisons gastronomiques, puis, cette la tsikoudia bien spéciale, offerte en plus du vin, variante de raki de Crète parfumé, donnant toujours le même et immuable signal: la fête peut commencer. La tsikoudia crétoise n’est pas simplement un produit du pays, c’est toute l’identité d’une culture et elle exprime l’hospitalité et la proximité, d’où d’ailleurs les discussions et échanges... non sans une certaine hilarité.

Devant l'église, arrivée de la mariée. Athènes, avril 2018

La fête des mariés. Athènes, avril 2018

Église et fête de Saint Georges. Athènes, avril 2018

Grèce d'antan. Athènes, avril 2018

Et en ce mariage... à la grecque, la politique a été complètement absente des discussions, contrairement il faut dire aux usages du passé. Le pays réel ne gâche plus son rare temps festif pour revenir dans la boue et dans le poison. Preuve s'il en était besoin que le succès de la soirée ne faisait aucun doute, et qu’accessoirement, l’herbage politique est définitivement classé... offshore, apparenté à une sorte d’au-delà, concret comme autant symbolique.

Même un ancien élu local de notre commune d’origine, du temps où elle n’était pas encore rattachée administrativement à la ville voisine, c’est-à-dire avant la reforme de 2010, il n’a pas évoqué un seul instant les affaires communes... comme si ces dernières n’existent alors plus. Le temps est révolu, celui en tout cas des discussions politiques agitées à l’occasion des mariages et des baptêmes. Notre cousin capitaine à la marine marchande et depuis un moment retraité, a ainsi évoqué ses années en mer, puis ces autres longs mois où mes parents l’avaient aidé, “tu ne t’en souviens plus c'est normal”, j’étais à peine né en ces années 1960 si lointaines.

Toute une antiquité ou presque. Depuis et dans notre ville, d’autres retraités et parfois handicapés, moins chanceux que mon cousin de la mer, ils vendent de plus en plus souvent de la camelote pour survivre. C’est aussi cela le visage du pays réel que les convives n’évoqueront pas, mariage oblige. Cela-dit, il a été souvent question des destins personnels et familiaux, comme de ceux qui ne sont plus, histoires du village et du pays, mais essentiellement conjuguées au passé.

Cette Grèce de 1967 à Igoumenítsa

Réalités essentiellement conjuguées au passé donc, à l’image très exacte de cette Grèce de 1967, photographiée par les parents de mon amie Anne que je remercie pour cette photo, voyageurs alors fidèles depuis leur France, du temps il faut dire du pré-tourisme sans masse, bel instant d’Igoumenítsa et de son port à l’aube, ainsi... souvenirs.

Toute une Antiquité. Monument restauré, Athènes, avril 2018

Handicapés et retraités. Athènes, avril 2018

Athènes, avril 2018

Mon autre neveu, toujours à la même mode, nous a raconté son récent voyage en Allemagne, où d’ailleurs une partie de notre famille demeure depuis les années 1960-1970, rejointe par une autre partie depuis 2011. “Eh bien... te souviens-tu de la rue Schwarzbach ; là où notre oncle Státhis habite toujours ? Elle est presque vidée, les habitants Allemands et autres Européens sont partis, les commerces sont fermés et seulement quelques logements sont depuis quelques années habités par ces migrants récents venus du Moyen Orient et d’Asie.”

“Puis, Mihális, mon cousin a pu saisir toute la gravité de la situation et il s’est installé dans un village paumé en basse montagne mais suffisamment touristique, près de la frontière avec la Tchéquie. Il a ouvert un restaurant, brasserie et café et il se débrouille travaillant pratiquement tous les jours toute l’année. Ton cousin Kostas, son père, était venu l’aider, ensemble, ils ont transformé la ruine que Mihális a loué en établissement digne de ce nom, pendant que Miranda, sa mère gardait ses petites enfants.”

“Sauf que Kostas a alors sombré dans une sorte de dépression, il ne s’imaginait pas émigrer à l’âge de la retraite, il reviendra donc bientôt en mai au village pour ne plus repartir. Les temps sont durs et l’Allemagne n’est plus ce qu’elle était non plus. Comme tu sais, ma sœur s’est installée à Chypre pour un meilleur salaire. Finalement, le village s’est vidé, seuls les vieux y demeurent et encore. Je ne me plains pas, je travaille à la Poste je gagne près de mille euros par mois, en comparaison avec tant d’autres en Grèce, je suis... un roi, non ?”

Local d'une entreprise morte. Athènes, avril 2018

Boutique en faillite. Athènes, avril 2018

Athènes, avril 2018

En effet, le village Thessalien, le nôtre, a perdu près de 350 jeunes habitants sur un total de 1400 habitants en 2010. Ils se sont installés en Allemagne, et parfois en Suisse, au Royaume-Uni, ou à Chypre. La dernière... foutaise en date de Tsipras quant à la supposé reprise de l’économie liée à la fin du mémorandum ne les concernera plus jamais, et même ceux qui restent au pays, n’ont plus envie de souiller leurs agapes en évoquant de tels sujets si bas. Après tout, les mariages sont si rares dans nos familles pour les gâcher de la sorte.

Notre cousin Thymios, très digne retraité... à 590 euros par mois, s’est souvenu de sa vie professionnelle intense ; serveur dans les restaurants de la Pláka sous l’Acropole au début des années 1970, au salaire élevé, et aux pourboires ayant un sens, tant le pouvoir d’achat des touristes leur était favorable du temps de la drachme. Par la suite, il a progressé, il a ouvert son propre restaurant dans une petite Cyclade et il ne s’est jamais ennuyé il faut dire. “Aucun très bon serveur de notre époque ne peut économiser sur son salaire pour monter son affaire quelques années plus tard”, précise-t-il en soupirant.

Dans Athènes des salaires en euro, certaines affiches expriment le désarroi, celui que nos touristes ne peuvent hélas pas lire: “Aucune maison saisie, ne doit être mise en vente forcée”, mais ce n’est guère évident. SYRIZA est passé par là, après tous les autres escrocs de la politique. Nous attendrons les nouvelles de la famille depuis la frontière entre l’Allemagne et la Tchéquie, et contemplerons alors si possible la belle mer d’Attique... tout en étant surveillés par nos animaux adespotes. “Abra Cat Abra”.

“Abra Cat Abra”. Athènes, avril 2018

La belle mer de l'Attique. Avril 2018

“Aucune maison...” Athènes, avril 2018

Surveillés par nos animaux adespotes. Athènes, avril 2018

Mariage à la grecque, mariage heureux. Mon neveu a un travail, de même que son épouse, c’est ainsi et obligatoirement la fête !

Car dans la vraie vie d’antan, les mariages étaient alors beaucoup plus fréquents, un peu comme ces bagarres entre nos matous adespotes et toujours fiers de l’être.

Nos matous qui se bagarrent. Athènes, avril 2018

Nous avons donc surtout remercié ceux de notre famille qui se sont mariés par les temps qui courent: “Santé, courage et amour”, voilà pour l’essentiel quant aux vœux.

Nous avons également salué le Crétois de la taverne, ainsi que la famille de la mariée. Prochain rendez-vous familial mais resté volontairement dans le flou, au village thessalien, en attendant d’ailleurs le retour du cousin Kostas depuis son exil en Allemagne près de la frontière avec la Tchéquie.

Retour tardif, Mimi dormait, seul Hermès nous attendait le pied alors ferme. Animaux attitrés de ce blog qui survit alors difficilement par les temps qui courent, peut-être aussi... parce que dans nos familles les bonnes nouvelles se font de plus en plus rares.

“Santé, courage et amour”, mariage à la grecque !

Hermès de ‘Greek Crisis’. Athènes, avril 2018




* Photo de couverture: Mariage à la grecque