Greek Crisis

samedi 31 décembre 2016

2017, bonne année !



Étrangetés calendaires et modalités humaines, nous voilà en 2017. Nos vœux se voudront chaleureux car nos forces ne faibliront plus (espérons-le), hiver comme été. Nous ne sommes d’ailleurs plus du... dernier blizzard. Et, la neige, celle que nous observions depuis nos fenêtres s’abattre sur nous, eh bien, elle est en train de fondre dans la cité, et c’est toujours bon signe. Sauf qu’elle perdurera évidemment sur les montagnes qui entourent la ville d’Athéna, un peu de patience.

Athènes-Nord sous la neige depuis le mont Hymette. Athènes. Le 30 décembre

Tous nos voisins redeviennent enfin souriants, un peu à la manière du temps de jadis... et de l’envie de rire. Sauf que rire, c’est un besoin d’abord vital, surtout par les temps qui courent. Notre réveillon se résumera donc essentiellement... en ce Grand Soir du rire. Les voisins donc, grâce à l’aide des parents sont rentrés du marché... la dinde sous le bras. Et nous pareillement, grâce, il faut le dire et le répéter, aux fidèles lecteurs et amis de ce blog... lequel ne rigole plus tellement dans ses analyses.

Entre bons voisins, nous comparons de la sorte nos... dindes... nos patates si fièrement acquises, nous faisons l’éloge de la féta bien ferme, tout comme de l’incontournable chou blanc. Car enfin, nous oublions en cette journée, les politiciens, les Troïkans, et les autres criminels pathologiques du genre. Cette soirée, doit être très exactement la nôtre. Signe autant distinctif des postures “d'en bas” qui résistent à l’hybris et à la souillure. Et lorsque les radios retransmettent les “vœux” coutumiers des politiciens, le tout, dans un splendide ridicule de fin d’année, en réalité de fin d’époque, nous tournons aussitôt le bouton pour ne pas être tachés en ces rares moments.

C’est alors ainsi que ce soir, nous n’établirons pas le bilan de l’année 2016 terminée, tout comme, nous n’évoquerons guère l’avenir immédiat, s’agissant bien évidemment de 2017 “ante portas”. L’année 2016 se termine d’ailleurs dans la loufoquerie la mieux authentique possible. Dans les cafés athéniens on évoque surtout volontiers l’affaire de la grande roue place de la Constitution, celle qui n’a jamais tourné et dont le démontage est déjà en cours. Tout un symbole !

Démontage de la Grande Roue. Place de la Constitution. Athènes, le 31 décembre

La neige que nous observions tomber depuis nos fenêtres. Athènes, décembre 2016

Athènes-Nord sous la neige ; vue du mont Hymette. Athènes. Le 30 décembre

Coupure calendaire, histoire décidément de marquer une pause. Histoire surtout et encore vérité. Relecture ainsi partielle des notes et lettres publiées par Georges Seféris, notre grand poète, diplomate il faut dire à contrecœur, et surtout Prix Nobel de littérature en 1963:

Mon cher ami. - Difficile de vous dire maintenant combien vos marques de sympathie me touchent. Difficile de dire quoi que ce soit. Je me trouve dans un hameau près de Naples, entouré de collines vertes. L’hôtel réquisitionné d’où je vous écris porte encore les marques des dernières batailles. Balles qui ont percé les persiennes et sont allées laisser leur paraphe, comme des touristes oisifs au dessus de nos lits. Malgré cela, malgré le paysage souvent très touchant, je me sens terriblement sec. Cela vous expliquera peut-être pourquoi je ne vous ai pas envoyé les traductions promises. Quand serons-nous démobilisés ? À madame El Kayem toute notre amitié. Bien votre. G.S. - Cava dei Tirreni, 23.9.44”. Lettre de Georges Seféris écrite en français, “Journal politique, 1935-1944”, édité en 1979.

Toute la question se trouve encore là: Quand serons-nous démobilisés ? Mais en ce 31 décembre, notre café du coin a fermé ses portes vers 16h, bien tôt dans l’après-midi. “Nous avons à préparer notre Réveillon... vous comprenez. Nous rouvrirons au 3 janvier. Bon Réveillon et surtout... Bonne Année, nous en avons tous besoin enfin... d’une vraie bonne année !” En effet.

Retour à l’immeuble. Nous nous réchaufferons grâce aux moyens du bord un peu mieux que d’accoutumée, nous inviterons surtout notre voisin Chrístos, encore plus seul et davantage chômeur que nous, puis, au moment venu... sur le palier à l’heure des vœux, nous comparerons une ultime fois... nos dindes avec le voisin Kóstas et toute sa petite famille.

Décembre à Athènes. 2016

Nous nous réchaufferons grâce aux moyens du bord. Athènes décembre 2016

La neige jusqu'aux plages en Crète. Le 31 décembre 2016 (presse grecque)

Sur Internet, les médias s’amusent à publier ces photos de la neige tombée jusqu’aux célèbres plages de Crète, faisant suite aux incontournables clichés réalisés durant les fêtes de fin d’année, ceux issus du bien lointain XXe siècle. Depuis la crise, cette nostalgie devient alors monnaie courante en Grèce... de l’euro constant. Le passé est idéalisé et le futur n’est plus une (seule) idée.

Hasard peut-être, entre deux livres de Seféris, mon regard s’arrête tant sur la quatrième de couverture de l’essai de Ronald Wright, “La fin du progrès?” : “Tout notre fameux progrès technologique - notre civilisation même - est comme la hache dans la main du criminel pathologique”, écrivait Albert Einstein en 1917. Tiendrait-il des propos différents aujourd’hui ? Si le XXe siècle a bien été celui du progrès technologique, qu’adviendra-t-il du XXIe ?

Dans ce texte court et limpide, Ronald Wright embarque le lecteur dans un voyage à travers les siècles et le développement humain. S’appuyant sur les civilisations sumérienne, romaine, maya et de l’île de Pâques, il met au jour les failles qui ont conduit à leurs disparitions: développement d’une société hiérarchisée au sein de laquelle une minorité surconsomme au mépris du plus grand nombre, pillage intensif des ressources naturelles entraînant des dégâts irréversibles sur l’environnement... Le constant est clair et chaque fois identique: prises au piège de la logique du progrès, ces civilisations ont littéralement bâti leur perte, échouant à faire cohabiter, impératif moral et innovation technologique. Comment ne pas voir les parallèles avec le monde actuel ?”, (plus... le Métanthrope galopant, j’y ajouterais).

Nostalgie, alors monnaie courante. Internet grec, novembre 2016

Notre ville d'Athéna. Décembre 2016

En bon port. Péloponnèse, décembre 2016

Sauf que notre réveillon se résumera essentiellement... en ce réveil du rire, si admirablement humain. Et lorsque le rire triomphera sur nos autres attitudes, alors peut-être que l’humanité... arrivera enfin à bon port. En attendant... c’est 2017.

Le voisin Chrístos a apporté de sa musique rendant ainsi inaudibles toutes ces inepties prononcées à l’occasion par nos politicards... grands Crisanthropes, ceux dont les “balles” qui ont cependant percé les persiennes et sont allées laisser leur paraphe, comme des touristes oisifs au dessus de nos vies. Étrangetés calendaires et modalités humaines dans un sens.

Surtout bien entourés, nous ne sommes manifestement plus du dernier blizzard.

2017. Oui, bonne année. Et il faut déjà... en rire !

Surtout bien entourés. Athènes, le 31 décembre 2016




* Photo de couverture: Localité d'Anogia en Crète sous la neige. Presse grecque, le 31 décembre 2016