Greek Crisis

dimanche 13 novembre 2016

Beurre perdu



Notre siècle se croit encore donner en spectacle. Scènes de rue, échassiers du jour qui nous fixent ainsi droit dans les yeux derrière leurs masques. Athènes, place de la Constitution... cette dernière étant comme on sait, surtout définitivement oubliée. Quotidien grec. Passants qui déambulent, vendeurs de billets de loterie ou de “classeurs pour documents et d’agendas, vraiment comme il vous faut”, tous “retraités”, pensionnés devenues inévitablement entre guillemets.

Place de la Constitution. Le... Parlement. Athènes, novembre 2016

Sous l’épiderme de l’ordinaire des discussions, la victoire de Donald Trump s’efface déjà peu à peu, les contrariétés du survivalisme grec actuel, laissent finalement moins de place que prévu à la géopolitique du monde actuel. Derrière le stand des billets de loterie, deux acheteurs évoquent leurs achats de la semaine... de bois de chauffage, car depuis... que la modernisation imposée des mémoranda fait que dans près de la moitié des immeuble à Athènes, le chauffage central est à l’arrêt par manque de moyens.

Il n'y a pas trop à se plaindre, la météo reste pour l'instant relativement clémente, surtout dans les quartiers Sud... prions alors Dieu pour la suite, ou sinon, il nous fera tomber sur le numéro gagnant!” En effet.

La seule effervescence dans la ville tient du Marathon d’Athènes (dimanche 13 novembre), immédiatement suivi par la visite officielle de Barack Obama, les autorités... autorisées déploient comme dans pareilles circonstances un grand nombre d’agents et de policiers divers et variés. Déjà, pour de raisons de sécurité, le discours du Président des États-Unis, prévue sur la Pnyx a été annulée toujours pour de raisons de sécurité.

La Pnyx, rappelons-le, c’est cette colline du centre d’Athènes, située à l'ouest de l'Acropole et surplombant l'ancienne Agora. Elle fut le siège de l’Ecclésia, l’assemblée des citoyens, qui y votait à main levée les lois et le budget, désignait les membres de la Boulê, et les magistrats. Sous l'Antiquité évidemment. Ce discours de Barack Obama, sera très probablement finalement prononcé dans une salle fermée, au sein d’une fondation culturelle privée, appartenant à un armateur. Ce transfert... sémantique et symbolique, tout comme les réalités qui lui son liées, a visiblement échappé aux journalistes.

Échassier... humain. Athènes, novembre 2016

Vendeur de billets de loterie et... retraité. Athènes, novembre 2016

Vendeur d’agendas et... retraité. Athènes, novembre 2016

Heureusement, que du plus... haut de la vie, du sixième étage de première grande maternité publique d’Athènes, inaugurée en 1933 et œuvre de l’architecte suisse Georges Épitaux (1873-1957), nous vient-il le... dernier grand miracle de la condition humaine avant... l’avènement métanthropique, voit encore le jour, cette-fois, il fut l’œuvre d’un couple d’amis.

Certes, le ‘bouton d’appel malade’, dans la chambre de la jeune maman ne fonctionne plus, et le personnel hospitalier est visiblement... insuffisant en nombre. Cependant, l’arrivée d’un enfant au pays où le taux de fécondité est l'un des plus bas d'Europe... d’environ environ 1,2 enfant par femme, c’est un événement alors doublement heureux !

Je n’avais pas mis les pieds dans cette maternité... depuis ma naissance, et comme je ne garde plus de souvenir de ce moment précis à vrai dire, la comparaison est impossible ! Ce qui reste certain, c’est qu’à l’occasion d’une naissance, comme parfois lors d’un décès, notre... monoculture habituelle quand aux discussions tournant autours de la condition Crisanthropique des Grecs, s’efface au profit des fondamentaux de l’existence.

La maternité. Athènes, novembre 2016

La Maternité. Athènes, novembre 2016

Véhicule d'un passé exposé. Maternité, Athènes, novembre 2016

Du plus... haut de la vie. Athènes, novembre 2016

Athènes, c’est aussi la preuve vécue de cette douceur encore parfois, mais uniquement du côté de la météorologie. L’hiver n’est pas encore de mise paraît-il, les moins frileux se baignent alors parfois sur certaines plages d’Attique. On peut ainsi y trouver le calme si précieux pour dévorer par exemple un livre, ou pour jouer aux raquettes. Détente sur le sable à la plage... pour se tenir un peu en dehors du plagiat de ce monde !

Fort heureusement, les nouvelles politiques grecques, que plus personne ne suit vraiment avec intérêt dans le pays, n’ont pas étouffé les nécrologies publiées lors de la disparition de Léonard Cohen. La presse grecque s’est d’ailleurs souvenue du lien, entre le poète et musicien canadien, et la Grèce, plus particulièrement l’île d’Hydra, où il avait acheté une maison pour 1.500 dollars en 1960.

Sur certaines plages d’Attique. Novembre 2016

Sur certaines plages d’Attique. Novembre 2016

Sur certaines plages d’Attique. Novembre 2016

Il y avait d’ailleurs rencontré Marianne Ihlen (1935-2016), sa muse, dans une épicerie de l'île. Elle était à l’époque l’épouse d’Axel Jensen (auteur norvégien) et ils vivent ensemble une vie de bohème sur Hydra. Son mari lui est infidèle et la trompe avec Lena, la propre petite amie de Leonard Cohen.

Les habitants de la petite île grecque d’Hydra ont rendu hommage ce samedi à l’auteur-compositeur Leonard Cohen, décédé jeudi soir, qui à leurs yeux était surtout leur cher et charmant voisin Leonardos. La maison de pierre achetée par le chanteur canadien voici quelques dizaines d’années a vu affluer voisins et amis du poète, venus lui rendre un dernier hommage et déposer quelques présents sur le seuil.

‘Mr Leonardos flânait parfois dans le jardin de mon père et ma mère lui apportait des herbes de montagne, de l’huile d’olive et du poisson’, s’est remémoré Yannis Armadouros, un marin de 53 ans, qui habite en face, dans la rue pavée sinueuse où se trouve la maison du chanteur”, voilà pour le reportage de la presse française via l’AFP sur place.

Leonard Cohen à Hydra. Presse grecque, novembre 2016

Leonard Cohen et Marianne Ihlen à Hydra. Presse grecque, novembre 2016

Leonard Cohen et sa maison à Hydra. Presse grecque, novembre 2016

Fait devenu rare par ces temps qui ont fini par devenir les nôtres, la presse locale (sur Internet) de l’île de Póros (non loin d’Hydra), a rappelé aussi le décès du poète Yannis Rítsos, survenu le 11 novembre 1990. Le poète grec mondialement connu, était un amoureux de Póros, d’où a photo de tout un autre âge, sur l’île en 1938. “La poésie n’a jamais le dernier mot. Le premier, toujours”, avait-il écrit un jour... sous un autre soleil.

Yánnis Rítsos à Póros en 1938. Presse grecque, novembre 2016

Souvenirs indélébiles d’un tout autre siècle. Ses événements courent les cimetières de l’histoire, ses figures politiques humaines nous ont largement quittés, et le nouveau siècle plombera alors tout derrière lui, tant la nouvelle brutalité et brutalisasion dépasseront une fois de plus, mais définitivement, les frontières de l’espèce qui est censé demeurer la nôtre.

Souvenirs indélébiles d’un tout autre siècle. Chryssa Hadjivassiliou (1904-1950) par exemple, ancienne figure du mouvement communiste, décédée à Budapest et oubliée de tous (car sa ligne recherchant le compromis avec la Grande Bretagne lors de la Guerre civile grecque, est devenue minoritaire) et dont les restes ont été inhumés finalement à Athènes en 1975, n’aurait plus... de quoi témoigner dans un sens alors définitif et cela, pas seulement parce qu’elle n’est plus physiquement de ce monde.

Chryssa Hadjivassiliou (1904-1950). Athènes, novembre 2016

Jardins... et rues d'Athènes. Novembre 2016

Jardins... et rues d'Athènes en ce novembre 2016. Détente sur le sable à la plage... pour rester un peu en dehors du plagiat de ce monde ! On peut ainsi y trouver le calme si précieux pour dévorer par exemple un livre, ou pour jouer aux raquettes.

Petites joies et... grands drames. Comme ce matin où sortis de chez l’épicier du coin, nous nous sommes aperçus en rentrant que son sac plastique avait été percé, et que de ce fait... nous avons perdu à jamais une plaquette de beurre “de type de Corfou”, forte de 135 grammes, voilà ce qui peut sérieusement affecter le moral des Grecs... davantage parfois que l’élection ou l’échec de tel ou tel candidat à la présidence des États-Unis.

Nous avons ainsi fait tout le deuil de notre beurre perdu à jamais, lui... tout comme son argent ! Ce faisant, je me dis que le temps presse (toujours et encore) pour lancer une campagne de donations en faveur du blog ‘Greek Crisis’, pour donc tenir... en célébrant “l'incélébrable”, au terme de ses cinq années d'existence depuis octobre 2011.

Épicerie coopérative. Athènes, novembre 2016

Aporie... entière. Athènes, novembre 2016

Quartier. Athènes, novembre 2016

Nous avons ainsi fait tout le deuil de notre beurre perdu et dans Athènes, nos cas d’aporie entière sont plus visibles que jamais. “Aporie”, en grec c’est une difficulté à résoudre un problème, un embarras... sans guère de choix. Pour Aristote, c'est une question qui plonge le lecteur ou l'auditeur dans le doute tout en le poussant à trancher entre ces deux affirmations, contradiction (insoluble) et embarras.

Cette même “Aporie” en grec, signifie autant le manque de ressources, le dénuement, la pauvreté, et le blog Greek Crisis, fidèle sur son poste (postmoderne), devient alors malgré lui... ce lieu de rencontre entre les deux acceptions du terme. Analyse alors complète !

Devant le Musée de la numismatique. Athènes, novembre 2016

Devant le Musée de la numismatique à Athènes, nos animaux adespotes (sans maître) gardent un œil sur cette numismatique éphémère des humains, car en grec, “nomisma” (l'argent), est quelque chose qui n'a pas de valeur en soi, sauf très exactement à travers les usages et les lois que la société établit, reconnaît et estime par habitude.

Le problème c’est que les peuples, si l’on préfère, les sociétés humaines, commencent tout juste à se rendre compte de l’ampleur de l’escroquerie ainsi mise en place avec les “monnaies” actuelles telles que l’Euro. Les medias grecs ont très rapidement évoqué (radio Realfm au 11 novembre) “les inquiétudes grandissantes de la Commission européenne, devant l'accroissement du sentiment anti-euro et anti-UE devenus majoritaires en Grèce paraît-il, cela en tenant compte de certains sondages”.

Notre siècle se croit encore donner en spectacle, et pourtant. Certains analystes non-officiels en Grèce, prétendent que le voyage Obama en Grèce (avant l’ère Trump), précipitera la fin de la Grèce et de son État, en échange d’un Kurdistan autonome sous... la peau de la Turquie. Alexis Tsipras parapherait ainsi l’acte final et parallèle à son mémorandum, à savoir, la perte de contrôle sur ses territoires des îles grecques de l’Égée orientale, la disparition de la République de Chypre au profit d’un prétendu “État fédéré”, en réalité zone tampon contrôlée par la Turquie, et peut-être également, cette même perte de contrôle sur certains territoires du Nord-est (grec) par la Grèce.

Fiasco organisé. Athènes, 2016

Après Athènes, Barack Obama se rendra à Berlin, d’où (selon ces mêmes analystes internet et radios cette semaine), une éventuelle mise au point sur cette prétendue future diminution par effacement de la “dette grecque” (tout le monde sait qu’elle ne sera jamais remboursée), histoire d’offrir l’ultime pseudo-argument que Tsipras (comme ceux qui vont le succéder), iront formuler devant le peuple, sans plus convaincre il faut dire. C’est alors ainsi, que toute l’utilité de... Tsipras sera épuisée, son temps politique s’achèvera ainsi vers 2017. Info ou alors intox ?

Pourtant (et certainement) “Fiasco organisé”, puis scènes de rue aux adespotes du jour nous fixant ainsi droit dans les yeux derrière leurs masques, ou plutôt les nôtres. Beurre perdu ?

Adespote du jour. Athènes, novembre 2016




* Photo de couverture: Scènes de rue. Athènes, novembre 2016