Greek Crisis

lundi 10 octobre 2016

Beauté et lumière



Sous l’Acropole... la vie se présente parfois comme dans un ailleurs éloigné. Certitudes et incertitudes cheminant et... se télescopant alors main dans la main. Mes amis, tous touchés par la dite “crise”, laissent plus que leurs plumes sur ce chemin étroit... disons à sens unique. Notre Panagiótis P. a tiré toute sa révérence en mai dernier et voilà que Stávros, se plaint d’être trop souvent paralysé “par de la migraine et des autres céphalées... vertiges ainsi inexpliqués. La Grèce... ce ciel bas et lourd qui pèse sur moi comme un couvercle. Cela dure près de sept ans”, me dit-il.

Petits travaux. Athènes, octobre 2016

Entre les ruelles du... centre-ville, dit “polypathe” d’Athènes, nous observons les petits travaux d’entretien avec toute la considération nécessaire pour le travail existant par les temps qui courent. La vie quotidienne étant décidément installée au beau milieu de l’inanité imposée (et souvent dans ses nouvelles marges), changement de régime servi comme sur un plateau par les mémoranda successifs depuis 2010, les stratégies de vie et de survie s’y adaptent comme elle peuvent.

J’ai rencontré S. dans un studio d’une radio il y a quelques jours, nous étions tous invités... en qualité d’analystes de l’actualité grecque et internationale, émission forcement nocturne, tardive comme autant notre supposée parole anticipative. “La veille du 15 Août... ils nous ont coupé l'électricité, nous ne pouvions plus régler les factures. J'ai eu un mail fou à trouver... un compromis pour que le courant nous soit rétabli. L'âge de pierre...”, nous a-t-il confié avec suffisamment d’humour et de dérision, forcement hors micro. Journalisme à contre-courant. Belle analyse !

Nous remboursons davantage pour... devoir encore plus”, peut-on lire sur un écriteau tenu par la figure d’un clown... établi devant une boutique, près de la place de la Constitution (Sýntagma). Nos touristes d’octobre, heureux d’avoir échappé aux foules des mois d’été ne lisent pas le grec.

Les Athéniens, lorsqu’ils le peuvent, ils se ruent sur le marché central aux halles du centre-ville, pour y repérer... la seule viande à 2,99€ le kilo. Des Égyptiens installées en Grèce depuis plus de trente ans ont rajouté leur pancarte, nous ne lisons pas l’arabe, cependant, on y distingue toutefois les photos fort explicites les Pyramides, le Parthénon... les vaches et les moutons. L’essentiel entier y figure dans un sens. Séquences de vie, petites et grandes dans toute leur fluidité.

“Nous remboursons davantage pour... devoir encore plus”. Athènes, octobre 2016

La seule viande... à 2,99€ le kilo. Athènes, octobre 2016

Séquences de vie fluide. Athènes, octobre 2016

Dans un café des vieux, on commente les nouvelles du jour comme de notre nuit historique: Pêle-mêle, la présence trop fréquente des sous-marins turcs en mer Égée, le décès d’un de leurs et du quartier, “sauf qu’il était encore plus malade que nous”, enfin, il est question des récentes diminutions (successives) des pensions et des retraites.

Cela n’a plus tellement de sens. J’ai travaillé durant cinquante ans et voilà qu’à l’âge de la retraite, ma seule échappée possible c’est de me rendre au café... et encore. Durant toute ma vie, je pouvais commander ici dans ce bistrot un plat, des mézé, un double ouzo. C’est alors quoi que de vivre ainsi effacé... ? Je peux donc mourir... pourquoi pas ? Les nôtres, ces retraités qui ont manifesté à Athènes... ils ont connu les gaz de la Police à Tsipras... et lui, il organise ses cocktails pour la bande d’escrocs, ses députés, quel pays !

Le pseudopouvoir “gouvernemental” actuel a volontairement perdu tout sens des réalités du pays, hormis sa survie “politique”, synonyme d’une certaine aisance économique accompagnant comme partout ailleurs en pareilles circonstances, le (dernier ?) cynisme des parvenus. Les députés SYRIZA et ANEL incarnent désormais le rôle entier d’un attroupement de comédiens... au théâtre ambulant du crétinisme donné pour triomphant.

Alexis Tsipras et sa ‘Garden-party’. Athènes, octobre 2016 (Presse grecque)

Alexis Tsipras et sa ‘Garden-party’. Athènes, octobre 2016 (Presse grecque)

Les Grecs désormais observent, et ils observent alors tout, des gestes des... comédiens et alors doublures du vivant. Lorsque le cortège des retraités s’approchait de la résidence officielle du Premier Ministre, le Palais Maxímou (le “Matignon” grec), “les forces de l'ordre ont alors chargé contre nos vieux”. Dernier Tsiprisme en date provoquant en Grèce un bien profond écœurement et même dégoût, ajouté à tous... les autres dégoûts précurseurs.

Durant cette même semaine (dernière), Alexis Tsipras a reçu dans “son” Palais Maxímou les représentants des Juges, ces derniers s’assuraient ainsi (déclarations faites aux médias) que leurs traitements, indexés sur ceux des députés, retraites comprises, ne seront pas affectés par les coupes sobres que subissent toutes les autres catégories socioprofessionnelles du pays. Cela s’apparente à une tractation qui perdure, la dite “Justice” en Grèce, n’a jamais été (suffisamment) à la hauteur lorsqu’il a été question de défendre l’intérêt commun face aux mémoranda anticonstitutionnels, voire de défendre l’intérêt commun tout court.

Alexis Tsipras et sa ‘Garden-party’. Athènes, octobre 2016 (Presse grecque)

Alexis Tsipras et sa ‘Garden-party’. Athènes, octobre 2016 (Presse grecque)

Alexis Tsipras et sa ‘Garden-party’. Athènes, octobre 2016 (Presse grecque)

Durant cette même semaine de toutes les parodies, Alexis Tsipras a invité l’ensemble des députés SYRIZA et ANEL pour une ‘Garden-party’ au Palais Maxímou. Parmi ces... fêtards, certains ont joué du piano, de leur piano forte bien entendu, pendant que les Grecs connaissent alors toute la... musique à leur manière. Par la suite, le dit “Chef de l'exécutif” a prolongé... sa soirée en compagnie d’un petit nombre de jeunes députés SYRIZA dans un bar du quartier historiquement bourgeois d’Athènes... La croisière s’amuse, le bateau a déjà coulé.

Les photos de la ‘Garden-party’ ont été publiées par la presse aussitôt, marionnettes souriantes et cynisme triomphant de la part de ceux qui ne comprennent même pas que la minima moralia c’est de ne pas trop se monter pour ainsi ne pas aggraver leur cas. Tel est le sentiment des Grecs, largement partagé, suite à la publication du photoreportage en question.

La vie supposée quotidienne poursuit cependant sa route comme notre déroute, Athènes devient autant une ville au caractère muséal pour ses boutiques et pour ses entreprises fermées en plus des incontournables antiquités. Signe des temps, au même moment, l’Institut Goethe organise une exposition photographique sur la route des migrants via les Balkans, tandis qu’une bien petite École forcément, la... “Bobos Academy” fait de sa publicité pour promouvoir ses formations... d’animateur de rue, “Clown compris”, lorsqu’il ne reste plus grand chose à faire d’autre pour gagner sa vie... à moins d’être député, par exemple.

La vie supposée vie quotidienne. Athènes, octobre 2016

Boutique fermée. Athènes, octobre 2016

“Bobos Academy”. Athènes, Octobre 2016

Institut Goethe, "Sur la route des migrants" et "A louer". Athènes, octobre 2016

Ce dernier temps, les gouvernants Tsiprosaures ont déclenché toute une (présentée comme) polémique avec l’Église Orthodoxe Grecque, déjà à propos de l’enseignement de la religion (et des religions) à l’école, dans un pays où l’Église n’est pas séparée de l’État... sauf que l’État est dans la main des mondialisateurs, la Grèce n’etant plus un pays, mais un territoire néo-colonisé, administré depuis l’étranger, histoire entre autres, d’appliquer l’expérimentation... holistique et totalitaire de la “gouvernance planétaire”.

Dans... les territoires où l’Église n’est certes pas séparée de l’État... sauf que les mondialisateurs de l’ordre supposé nouveau, autrement-dit les représentants de la Troïka, ont récemment exigé du “gouvernement”, tout comme de l’Église, de cesser de faire sonner les cloches lors des messes, et de ne plus procéder publiquement à la célèbre procession de l'Épitaphe du Vendredi Saint.

Durant ces... Épitaphes, les fidèles suivent le cercueil de Jésus les bougies allumées à la main, faisant le tour de la paroisse, puis celui des places centrales des villes grecques, et chaque église sort son épitaphe et entame une procession accompagnée par une fanfare qui joue un chant funèbre. Enfin, il est aussi demandé à l’Église par les Troïkans... d’écourter le temps des messes, surtout, de celles de la Semaine Sainte (reportage presse grecque et Radio “Realfm”, 4 octobre 2016).

Le diable se cache décidément dans les détails, et cette immiscion Troïkanne jusqu’aux pratiques concrètes des Grecs, cache mal la volonté de détruire les spécificités culturelles (parmi d’autres) de tout un peuple. C’est alors ainsi que l’uniformisation mondialisante ne trouvera plus aucun obstacle. Et il n’est pas nécessaire d’être un familier de l’Orthodoxie, pour y distinguer par la même occasion, une tentative de déstabilisation de l’axe géopolitique (réel ou faisant partie des mentalités), entre la Russie et la Grèce.

Église à Athènes. Octobre 2016

Bien historique... datant de 1910. Athènes, octobre 2016

Athènes des touristes, octobre 2016

Enfin, (et) à mon avis, cette affaire... supposée fracassante du dernier épisode entre les Tsiprosaures et l’Église, sert d’écran de fumée, pour que les medias (déjà aux ordres des faiseurs du bas monde) ne disent plus un seul mot du crime politique (et crime tout court), commis par le “gouvernement” SYRIZA/ANEL, à savoir, la mise en vente de l’ensemble des Régies municipales (et régionales) de la distribution d’eau potable en Grèce, via l’hyper caisse (sorte de Treuhand) à laquelle sont cédés tous les biens de l’État grec... et cela pour une durée de 99 ans (Mémorandum Tsipras).

Dans le même ordre d’idées et de faits, les responsables du Centre médical solidaire métropolitain d’Ellinikón (Sud d’Athènes), viennent de dénoncer dans un communiqué publié la semaine dernière, la vente (privatisation) de l’ancien aéroport d’Athènes et de son site, rappelant par la même occasion que jusqu’en 2015, SYRIZA prétendait soutenir la lutte des habitants et de la majorité des élus locaux contre cette “vente”, en réalité... un don, au seul bénéfice des prétendus “investisseurs.”

Depuis l'été dernier le gouvernement vient de s’engager dans un véritable marathon de propagande, en collaboration avec les centres fort connus de la désinformation, pour alors briser la résistance de la société devant la prochaine destruction pour tout dire complète, qui se produira dans ce que l’on nomme le front de mer à Athènes, et autant quand au sort réservé à l'ancien aéroport d’Ellinikón”.

Sous l'Acropole. Athènes, octobre 2016

Bistrot. Athènes, Octobre 2016

Ils essaient par tous les moyens disponibles à nous convaincre du bien fondé de leurs affaires. Ils prétendent que cette zone de 6,2 millions de mètres carrés, une si belle proie à leurs yeux, ne sera pas ainsi simplement vendue pour trois sous, car au contraire, elle sera certes cédée, mais cela, au bénéfique du pays, car ‘l'investissement’ va créer des dizaines de milliers d’emplois. Examinons ces arguments tout de même un par un, et faisons-nous ainsi une idée plus claire:

Le prix fixé pour ‘l'acquisition’ de l’ancien aéroport est de 915 millions d’euros, ce qui signifie 148 euros le m² et cela, pour une durée de 99 ans. Ce prix... à payer se décomposera en plusieurs versements échelonnés sur 10 ans, ce qui équivaut en réalité à... 12 jours d'intérêts de la dette publique grecque (puisque cet argent ira directement au remboursement de la dette, et non pas dans les caisses de l’État). C’est-à-dire, nous ‘vendons’ une superficie de trois fois la taille de Monaco, pour rembourser un presque petit rien”.

Et quand à l’État, non seulement il ne gagnera rien dans cette affaire, mais au contraire, il mettra l'argent de sa poche, en raison du transfert de nombreux services publics, entre autres, le plus grand dépôt des autobus d’Athènes, les Services de la Météorologie Nationale, le Centre de la recherche marine, les Centres de Contrôle Technique Automobile, certaines structures et services des municipalités environnantes, les associations culturelles, les fédérations sportives et les équipes olympiques qui utilisent des installations à Agios Kosmas, le Centre de réparations pour l’aviation, les locaux de la Police des routes... et bien sûr, notre Centre médical solidaire, déjà la relocalisation de tous ces services impliquera un coût total estimé à 614 millions d’euros”.

Garde nationale Evzone. Athènes, Octobre 2016



Armes du passé. Musée de la Guerre. Athènes, Octobre 2016

D’après la loi 3943/2011 (premier Mémorandum), la société ‘Lamda Development’, dit ‘l’investisseur’, ne versera pas un seul euro d’impôts ou de taxes, du fait de posséder et d’utiliser cette immense superficie. Donc, il ne s’agit pas d’une vente mais d’un holdup, fait sur les biens du peuple grec, un plan avancé par le gouvernement actuel, par ces mêmes gens lesquels il y a à peine deux ans, prétendaient lutter... justement, contre une telle... issue”.

Il y a autant d’autres paramètres dans cette histoire, jetant toute une lumière sur ces plans, alors obscurs. D’abord, dans l’enceinte de l’ancien aéroport, le promoteur construira ses Centres commerciaux gigantesques, et ces derniers ne seront pas sans conséquences néfastes pour la vie économique des villes voisines, surtout pour ce qui tient du sort des petits commerces. Ensuite, il est prévu d’interdire aux citoyens l’accès à la mer et cela sur 3,5 kms. Le gouvernement prétend emporter une... victoire puisque l’investisseur laissera l’accès libre à la mer sur 1 km, sauf que c’est déjà le cas. Donc, l’investisseur ne donne rien sauf qu’ il va s’accaparer de 2,5 kms d’accès à la mer en exclusivité, en plus des deux marinas et des complexes sportifs... hérités, car construits à Ellinikón à l’occasion des Jeux Olympiques, financés par l’État grec à hauteur de plus de 400 millions d’euros”.

Puis, c’est alors un peu étrange, l’actionnaire principale, à savoir ‘Lamda Development’, c’est la famille Látsis ; cette dernière ayant... déjà chargé l’État d’une somme de 2,5 milliards d’euros lors du sauvetage de l’Eurobank. Alors comment se fait-il que cette famille... laquelle n’a pas pu sauver sa banque... seule il y a seulement quelques années, se présente maintenant sous les habits du nouvel investisseur et nous, lui pardonnons alors tout ?”, communiqué du Centre médical solidaire métropolitain d’Ellinikón.

Port de l'île de Póros, le 8 Octobre 2016.

Port de l'île de Póros, le 8 Octobre 2016

Port de l'île de Póros... voilier français, le 8 Octobre 2016

Sous l’Acropole... ou dans les îles grecques, la vie se présente parfois comme depuis un ailleurs éloigné. Certitudes et incertitudes cheminant et... se télescopent alors main dans la main, la météo en plus !

Un récent rapport de la Banque Nationale de Grèce... prévoit la fermeture du 40% des petites et moyennes entreprises et commerces (restant) au pays, seulement, sur l’île de Póros, les esprits tout comme les discussions tournent naturellement autour de la catastrophe causée par un orage très violent et de très courte durée (trente minutes), ayant frappé le Golfe Saronique durant la soirée du 7 octobre. Le... phénomène est arrivé brusquement et le vent est monté rapidement, certaines pointes de 68 nœuds ont ainsi été enregistrées par les malheureux... intéressés.

Nous ne pouvions plus faire grand-chose humainement parlant pour éviter les dégâts, voire, la perte totale des voiliers amarrés. Deux skippers seulement ont eu la bonne idée de prendre le large à temps et de rester au mouillage dans la baie, juste en face. C’est la vie... et c’est le temps ! Les voiliers ont été projetés contre les quais... dans un chaos alors total”, raconte un skipper rencontré sur place le lendemain. Cependant, un malheureux voilier français a été coulé, pas de victimes ni blessés en tout cas. Puis, temps clair, horizon à perte de vue, beauté et lumière !

Qu’il le soit permis, je vous en prie, de parler au nom de la luminosité et de la transparence. C’est par ces deux états que se définit l’espace où j’ai vécu et où il m’a été donné de m’accomplir ; états aussi que j’ai peu à peu perçus comme s’identifiant en moi avec le besoin de m’exprimer. Il est bon, il est juste qu’apport soit fait à l’art, de ce qu’assignent à chacun son expérience personnelle et les vertus de sa langue. Bien plus encore lorsque les temps sont sombres et qu’il convient d’avoir des choses la plus large vision possible.”, Odysséas Elýtis, discours à l’Académie de Stockholm, Prix Nobel de Littérature en 1979.

On scrute alors la mer et l’horizon, il convient en effet d’avoir des choses la plus large vision possible.

On scrute alors la mer et l’horizon. Golfe Saronique, Octobre 2016




* Photo de couverture: Sous l'Acropole. Athènes, octobre 2016