Greek Crisis

vendredi 22 janvier 2016

L'eau dans le gaz



Risque d’effondrement. Enfin. Tandis qu’à Paris, à la Maison de Chimie on peut fort heureusement encore discuter du Plan B, d’un certain Plan B... à défaut d’un Plan B certain, à Athènes et dans toute la Grèce, la nouvelle colère occupe la rue. Un ras-le-bol venu des tripes comme autant de la barrière anatomique éclopée de la société grecque. Jours de 2016 et ce n’est qu’un début prometteur.

Manifestants - professions libérales, (presse grecque), Athènes, janvier 2016

Pratiquement toutes les catégories socioprofessionnelles ont cette rage de défendre, insuffisamment certes, leur existence, face à la... “Solution finale”, (mesures concernant le régime des retraites, les salaires, la surimposition etc.), “apportée” comme sur un plateau par l’administration Tsipras-II. Conte pour adultes, mais aussi chimère dystopique et dyschronique alors réalisée, avec toute la patte singulière de la Troïka élargie. Colère noire et peut-être risque d’effondrement.

Les agriculteurs, sur le point de bloquer certaines routes et autoroutes, le port de la ville Thessalienne Vólos a été bloqué par les pêcheurs, et au nord de la Grèce à Komotiní, Vangélis Apostolou, ministre de l’Agriculture a été assiégé durant plus de douze heures à l’intérieur d’un bâtiment public, cernée par le cortège des paysans, (mercredi 20 janvier).

Manifestants-paysans, (presse grecque), Athènes, janvier 2016

Manifestants-paysans, (presse grecque), Athènes, janvier 2016

Manifestants - paysans, (presse grecque), Athènes, janvier 2016

Et à Athènes, les avocats suspendent désormais leurs cravates sur les arbres devant le “Parlement”, histoire aussi de paraphraser l’attitude prétendument anticonformiste des Tsipriotes “sans cravates”.

En un an de Syrizisme mémorandaire réellement existant, le défit, avant tout de la clarification a été accompli comme jamais en si peu de temps, exception faite du remodelage des représentations collectives durant les années 1940.

Les Grecs savent que désormais lorsqu’ils luttent dans les rues (avec plus ou moins de succès), ils le font et ils feront alors enfin seuls, face d’abord à eux-mêmes, face à la mort qui les cerne de plus près, sans pratiquement aucun espoir (ou plutôt “espoir”) mandaté car supposé investi dans une force politique quelconque, partis de gauche... enfin compris.

Vue de Paris, cette aggravation de la situation impose enfin à gauche... une certaine urgence, d’où la tenue du “Sommet Internationaliste pour un Plan B en Europe”, sauf que dans les rues et dans les quartiers d’Athènes, plus personne ne veut plus entendre parler trop longuement de la gauche ; le luttes continueraient on dirait sans nos gauches. SYRIZA est aussi passé par là.

Arbres... aux cravates devant le Parlement (presse grecque). Athènes, janvier 2016

Monument du Soldat Inconnu et... des victimes des mémoranda. “Quotidien des Rédacteurs”, janvier 2016

Maîtres... politiques à Davos (presse grecque). Janvier 2016

Je remarque aussi (et pas qu’en lisant les résultats des sondages), qu’au même moment, le rejet des “solutions” politiques d’en haut, frappe autant l’Aube dorée, on n’entend plus tellement parler d’elle comme avant dans les cafés, et c’est peut-être une tendance de fond. C’est à voir de plus près, certainement sans trop attendre.

Le vide politique est donc immense, l’abîme est béant, durable et pour l’instant insurmontable, et cela, bien en dépit des “aboutissements” politiciens en cours ou en gestation pour que nos pays puissent encore paraître officiellement gouvernés.

En Grèce, l’équipe Tsipriote se déclare ainsi prête à modifier la loi électorale, histoire de se maintenir dans le jeu, quitte à “gouverner” de concert un jour d’après... et certainement pas un... grand soir, de concert avec les... Mitsotakiens novices de la Nouvelle démocratie.

Athènes, janvier 2016

L’essentiel a été accompli dans le mémorandisme appliqué et tout retour est alors impossible. Lorsque le monument du Soldat Inconnu devient autant celui... des victimes des mémoranda, cela, au moyen des caricatures publiées dans la presse, car tel est en réalité l’état actuel des mentalités grecques, eh bien, les Grecs savent qu’ils subissent en réalité une guerre, et que leur pays est dépecé colonisé comme il est par le financierisme et plus exactement, par sa variante européiste imposée par les élites de l’Allemagne actuelle et face à cela, il va falloir tout simplement se battre, résister et mourir... parfois dans la solitude.

Et c’est cette dimension du conflit grec (en somme européen) qui échappe (du moins en partie) aux tenants du “Sommet Internationaliste pour un Plan B en Europe”. C’est une course contre la montre certes, et je dirais que la gauche... galope (même avec des bons arguments) désormais bien derrière cette épreuve, sans y arriver. Durant plus de trente ans d’achèvement triomphaliste financiocrate, nos gauches ont dénoncé à peu près tout... sauf la construction européiste, et cela se paye justement à présent.

L’avenir est cependant en cours. Pendant qu’au sommet de Davos, les officiels, tout comme les médias d’une certaine Allemagne ridiculisent le Premier ministre grec, notamment lorsque Wolfgang Schäuble l’a indirectement traité... d’idiot publiquement, ce qui n’a pas échappé à la presse grecque, partout ailleurs, nous voulons approfondir nos pensées, croiser nos regards, enfin agir.

C’est pour cette raison que je participe au débat organisé le 27 janvier à Paris (Sorbonne) par le mouvement Critique de la Raison Européenne, plus précisément, il s’agit de sa conférence organisée par l'antenne de Paris 1 sur le thème: “Quel avenir pour la Grèce au sein de l'UE?”, avec mon ami Olivier Delorme, historien spécialiste de la Grèce, Frédéric Farah, professeur d'économie, essayiste et Coralie Delaume, bloggeuse, essayiste. Le débat est ouvert, mais il faut réserver une place (gratuite), pour de raisons liées à la salle qui nous est disponible.

La Grèce dans la presse allemande. Janvier 2016

Apories européennes et grecques. Athènes, janvier 2016

Le constat est là et “les membres de Critique de la Raison Européenne sont d’appartenances politiques variées, de gauche comme de droite. Ils sont rassemblés autour du constat que l’Union européenne ne peut continuer à exister ainsi et qu’elle doit impérativement être réformée en profondeur afin de rapatrier le processus décisionnel, confisqué abusivement par l’UE, à l’échelon national: en Europe, berceau de la Démocratie, il revient à chaque peuple de s’autodéterminer librement et de respecter ses choix, notamment exprimés par référendum comme ce fut le cas en 2005”.

Les temps ont définitivement changé, les symboles vieillissent alors récupérés par le marketing ambiant, celui du... tricot grec par exemple, vendu aux touristes.

Du tricot... grec vendu aux touristes. Athènes, janvier 2016

En dépit de certaines apparences, Plan B ou pas, il y a bien de l'eau dans le gaz. Un ras-le-bol venu des tripes comme de la barrière anatomique éclopée de la société grecque, 2016 déjà et ce n’est qu’un début... prometteur.

Il y a bien de l'eau dans le gaz. Athènes.




* Photo de couverture: Risque d'effondrement. Athènes, temps de crise