Greek Crisis

jeudi 14 janvier 2016

Une tonne de poulets frais



Temps d’une transition toujours en cours. Les Grecs profitent d’un petit été indien avant le retour probable de la neige dans quelques jours. Les frais de chauffage sont enfin un peu réduits déjà. La situation que l’on nomme sociale se dégrade, et cependant, nous efforçons à maintenir notre sociabilité bien à flot. C’est ainsi que le sourire revient.

Autour d’un verre de vin. Athènes, janvier 2016

Autour d’un verre de vin accompagné de petits plats... devenus exceptionnels, et cela à défaut de refaire ce monde sensiblement défait, il est question et même grand temps, de générer tout ce sens, préalable à nos actions futures.

Il faut se concentrer aux petites actions de terrain, c’est alors cela résister au quotidien, à défaut d'autre chose, il faut d’abord échanger ainsi nos sourires. Mais avant tout, il va falloir tout remettre à plat dans nos crânes, et ensuite être ensemble pour discuter de tout, mais vraiment de tout ce qui ne va pas dans nos manières d’apercevoir les impulsions du monde. Ces histoires dites des appareils politiques, et Dieu sait combien ces derniers nous été si chers parfois il faut le dire, sauf que tout cela a pris fin, il faut passer au stade suivant... c’est-à-dire l’inventer entier.

Après le fiasco SYRIZA, les initiateurs de l’Unité populaire ont reproduit cette même erreur... créationniste, à savoir, raisonner en termes d’appareil politique, lequel il importe enfin de le maintenir coûte que coûte à leurs yeux, au détriment du réalisme et en dépit de solutions réfléchies... mais réfléchies si possible solidement. Loin de la gravité de la situation en réalité, loin de tout. Ainsi, rien de tout cela ne s’est produit. Le programme relatif à la sortie de l’euro par étapes, celui initié sérieusement par l’économiste Costas Lapavítsas avait été en toute évidence écarté par les tenants de l’appareil central au sein de l’Unité populaire, tout simplement parce que ces derniers n’ont pas été ses incitateurs. Ces gens en sont restés aux pratiques issues des partis communistes des années 1980... et encore.”

Dégradations de tous les sens. Athènes, janvier 2016

Les passants scrutent les titres des journaux. Athènes, janvier 2016

Il y la queue devant certains commerces. Athènes, janvier 2016

C’est triste à dire mais j’ai même entendu cette dernière trouvaille de la bouche d’un ancien élu SYRIZA, ayant rejoint par la suite l’Unité populaire: ‘SYRIZA finira par abandonner le pouvoir un jour... mais il demeurera un grand parti, eh bien... il nous sera alors possible de le rejoindre précisément en ce moment-là. Après tout, dans de nombreuses branches, les syndicalistes de l’Unité populaire cohabitent sous le même... label avec ceux de SYRIZA, l’osmose donc existe-elle toujours’”.

Ces gens se montrent alors... si importunément opportunistes, éloignés comme ils sont de plein gré enfin, comme tant d’autres, des besoins comme des besognes que notre situation si dramatique nous impose. Sauf que nous ne sommes pas tous comme eux... De mon côté, j’ai toujours été en quête de sens et si possible de vérité.”. Témoignage amer... ou plutôt pamphlet en direct, de la part de mon ami Stélios (pseudonyme), ancien du comité central SYRIZA et bientôt... récent ancien du comité décentré de l’Unité populaire.

J’observe et j’écoute alors ces amis ayant... comptabilisé derrière-eux, de très longues années de militantisme... et “d'appareillage” au sein des partis de gauche. Je les ai d’ailleurs toujours suivis de relativement près, et cela, dans la (bonne) mesure où je n’ai jamais été membre d’un parti politique, ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas été politiquent agissant. Nous nous trouvons de ce fait dans un grand tournant où enfin, l’essentiel devrait primer sur la surface, petite et alors grande du supposé fait politique.

Grève dans la branche du livre. Athènes, janvier 2016

Dans le quartier de l'Académie. Athènes, janvier 2016

Dans le quartier... de l'Académie. Athènes, janvier 2016

“Dégradations de tous les sens, Grèce croquante ou plutôt crispée” du moment, d’après les slogans et les autres expressions que l’on découvre sur les murs à Athènes. L’époque s’y prête... et on ne prête qu’aux riches.

En ce janvier 2016, les passants scrutent alors les titres des journaux, tandis que devant certaines rares enseignes les gens font la queue, ces clients savent où trouver les épices les plus authentiques et si possible accessibles, à leur portée... un peu comme pour ce qui est de la politique en ce moment.

Les... analystes des medias s’entredéchirent certes lorsqu’il est question de fournir toute l’exégèse de la reforme... finale des retraites, ou encore d’expliquer la portée politique de l’élection de Kyriákos Mitsotakis à la tête du parti de la Nouvelle Démocratie. Des heures et des heures d’émissions agrémentées en détails supposés croustillants, surtout lorsque l’essentiel se trouve ailleurs, et déjà bien installé.

Vous... les journalistes, vous meublez notre temps par le vide. Les politiques devraient tous démissionner, à quoi bon conserver un gouvernement lorsque par exemple les ministres, avant toute décision et avant tout projet de loi, sont obligés à rencontrer les représentants de la Troïka dans les hôtels de luxe de la capitale pour ainsi quémander... leur autorisation. Ou encore, lorsque les lois nous arrivent de Bruxelles et d’ailleurs, rédigées en anglais par les avocats d’affaires et ensuite, traduites à la hâte en grec, pour que le ‘Parlement’ puisse alors donner son aval... bien de façade. Nos 300 députés sont donc inutiles et d’ailleurs, ils nous coutent bien cher, rien que pour maintenir leurs privilèges et autant, toutes nos illusions quant au système prétendument démocratique de la Grèce”, intervention en direct d’un auditeur joint par téléphone sur la radio “Alpha” d’Athènes cette semaine. Nous en sommes enfin là.

Lutter contre la dégradation du système de Santé. Athènes, janvier 2016

Refuser la taxe de 5 euros dans les hôpitaux. Athènes, janvier 2016

Les Ministres Antonopoulou, Katroúgalos et Fotiou présentent la réforme des retraites. Athènes, janvier 2016

Les grèves, autant inefficaces que sporadiques conduisent pourtant à leur manière vers cette prise de conscience, à mi-chemin entre les actions sur le terrain estampillées du temps ancien, et ce qui sera réalisé autrement car sérieusement ou sinon... qui ne sera pas fait du tout. “Le temps des fanfaronnades, des appareils politiques autosuffisants, ce temps des slogans faciles a définitivement pris fin”, insiste alors l’ami Stélios.

Les Ministres Antonopoulou, Katroúgalos et Fotiou ont certes présenté “leur” réforme des retraites avec pugnacité... mais sans trop convaincre le commun des mortels... graduels. Le pays n’est plus, en tout cas il n’est plus tellement comme avant, déjà et d’abord pour ce qui est de l’emploi et des salaires, le plus souvent transformés de fait en... aides sociales durement travaillées.

Les députés se déconnectent alors volontairement des réalités palpables pour s’accrocher très maladroitement (et non sans intérêts propres) à celles de l’élite financieriste. Ainsi, un député SYRIZA vient de proposer la mise en place d’un système où les parents d’élèves devraient verser entre 60 et 180 euros par mois et par enfant scolarisé à l’école publique... “Pour que l'école publique retrouve alors tous ses moyens”, presse grecque du 12 janvier.

La vie continue sous la crise, la mort alors s’y adapte et le sourire pourtant... il revient. Il y a de quoi rire ou... à l’extrême limite sourire de tout cela. D’après mes sources très directes... les administrateurs politiques actuels au sein d’une structure athénienne ne savent pas comment faire pour organiser la distribution d’une tonne de poulets bien frais... aux paupérisés de la capitale.

Ce n'est pas comme dans une brocante qu'il faut faire, ces gens ne comprennent rien du sens pratique, leur cerveau est formaté pour les beaux discours politiques et ensuite... rien. C’est une catastrophe, lorsque nous avons besoin de collaborateurs sachant comment faire, nous réemployons alors dans l’urgence ces anciens... rats des laboratoires du PASOK et de la Nouvelle démocratie, ces bougres connaissent le... boulot et évidemment toutes les magouilles de l’État grec profond, très profond même. On m’a gentiment fait comprendre que sans pots-de-vin, les affaires n’avanceront pas... et que les paupérisés attendront alors trop longtemps leurs poulets”, témoignage d’un autre ami et élu depuis le système intergalactique éclaté du Syrizisme... triomphant.

Et ailleurs, comme lors de la séance inaugurale du nouveau Comité chargé de la reforme du système d’Éducation, le processus a été... interrompu par certains manifestants, Syrizistes déçus compris. La vie continue... sans trop de commentaires parfois !

La vie continue. Athènes, janvier 2016

Brocante. Athènes, janvier 2016

Manifestants et le Comité pour la reforme du système d’Éducation (presse grecque). Athènes, janvier 2016

La vie continue et l’on découvre... sans pour autant les acheter, de nombreux titres déjà trop anciens sur les bancs des bouquinistes athéniens. Vieilles revues grecques et souvent françaises, aux thématiques habituellement désuètes. D’où d’ailleurs leur succès relatif, les gens lorsqu’ils le peuvent encore, sont très friands de vieilleries de leur temps d’avant.

Cependant, ces mêmes gens peuvent aussi être... très friands des vieilleries de leur temps d’avant, sauf que certaines nostalgies et surtout algies (maux) avant tout, alors dérapent. Costas, mon cousin enseignant dans le privé à Athènes se sent plus que jamais menacé dans son existence... après avoir voté trois fois SYRIZA (en 2012 et 2015) et après avoir contribué à la victoire du ‘NON’ au référendum de juillet 2015.

D’après la Convention collective que plus personne ne respecte, je devrais gagner 17 euros de l’heure, actuellement, j’exerce sur deux établissements et je touche entre 6 et 10 euros de l’heure. En plus, au lieu de 40 heures de cours, je me contente de seulement 18 heures par semaine... je suis prof de maths et le calcul est d’ailleurs facile à faire. Ma femme est au chômage et nous avons un enfant de bas âge... Je ne donc veux plus entendre parler de politique. Nous vivions mieux du temps des Colonels... et il y a toujours en ce moment après 6 années de crise 25% de la population qui en profite et qui se fait de l’argent sur notre dos. Ces gens, fonctionnaires ou alors entrepreneurs mafieux drainent encore par exemple les fonds de l’Union Européenne. Il n’y a plus de solution politique pour la Grèce... sauf peut-être une belle dictature !

Mon autre cousin Costas d’Athènes, s’était suicidé en janvier 2014 lorsque son commerce avait fait faillite, et voilà... que le cousin Costas restant... se suiciderait alors politiquement depuis que l’espoir SYRIZA (et l’espoir tout court) aurait... à ses yeux fait définitivement faillite. Le sourire revient... mais parfois il restera crispé.

La vie continue. Athènes, janvier 2016

Revues très anciennes. Athènes, janvier 2016

Boutique anciennement ouverte. Athènes, janvier 2016

Temps d’une transition grecque en cours. Les Grecs profitent d’un petit été indien avant le retour supposé de la neige dans quelques jours. Sur un mur d’Athènes un graffiti forcement dystopique renforce à sa manière les traits du présent: “Crimes”. Les médias de leur côté, ne font qu’amplifier les effets psychologiques des homicides, en forte hausse en Grèce ces derniers mois.

Le grand malade c'est l'Administration publique et il va falloir le guérir. Nous mettrons fin au népotisme”, vient de déclarer Alexis Tsipras. Son cousin, Yórgos Tsipras est nommé secrétaire général au Ministère des Affaires étrangères dès janvier 2015, tandis que les ministres SYRIZA/ANEL impriment décidément toutes leurs marques dans l’appareil de l’État... par de parentèles alors entières. Toute la Grèce en rigole, et plus personne ne croit un mot de ce qui est ainsi promis par Alexis Tsipras.

Crimes. Athènes, janvier 2016

Rires. Athènes, janvier 2016

Plus sérieusement, la vie continue mais par une autre voie, et pour preuve, cette annonce relative à l’histoire d’une “jeune chatte adespote... cherchant urgemment un foyer, soignée certes, mais qui risque de se retrouver à la rue, à défaut de lui trouver une famille d'adoption”.

Temps, espérons-le, d’une transition en cours... le sourire en plus.

Jeune chatte adespote... cherchant urgemment un foyer. Athènes, janvier 2016




* Photo de couverture: Grèce croquante ou plutôt crispée Athènes, janvier 2016