Greek Crisis

mercredi 2 décembre 2015

Économie réelle



Le pays s’efforce de prévoir les fêtes. Fruits, légumes et sucreries sont de saison. Et autant... les amertumes, aussi diverses et tellement variées. L’économie réelle s’effondre... comme elle s’y adapte de jour en jour (à sa mort). Des dizaines de milliers d’entreprises, ou de micro-entrepreneurs, ont quitté le territoire national... devenu si hostile pour l’économie concrète, ou s’apprêtent alors à le faire, si possible avant la nouvelle année fiscale. Ils fêteront ainsi le nouvel an... bulgare ou chypriote. Agrumes de saison.

Fruits de saison et de décembre

Tandis que la Grèce officielle... danse toujours avec la... faillite, les retraités (comme tant d’autres) font augmenter leur maigres ressources s’adonnant... à la pêche. Le phénomène est plus massif que jamais. Sauf que le plus souvent... les poissons prennent la fuite. Au même moment, l’autre fuite grande massive... celle des capitaux (en dépit des contrôles), puis (celle) des entreprises (moyens de production) et des ressources dites encore humaines, se poursuit.

Cette semaine, la cotation de l’action de la Banque nationale (de Grèce) vient été suspendue à la Bourse de New York, en dépit de la récente dite augmentation de son capital. Les quatre grandes banques grecques (dites “systémiques”), même (et surtout) en conséquence du plus grand vol de leurs actions... et de l'histoire, qu’a eu lieu il y a quelques jours (s’agissant de la part essentiellement détenue par l’État), sont toujours considérées en réalité comme demeurant peu solvables. D’autant plus, que la législation récemment adoptée, fera qu’à compter de l'année 2016, ces banques devront alors être sauvées si besoin est, par les... seuls déposants.

Même les analystes du quotidien mainstream “Kathimeriní” s’en insurgent. Il y a de quoi. “Car il est nécessaire de comprendre exactement ce qui nous est arrivé. La valeur des actions des banques détenues par l’État, était de 17 milliards il y a encore un an, en octobre 2014. Sauf que l'économie semblait donner de signes positifs et, avec une croissance attendue de 2,9% pour 2015, ces 17 milliards deviendraient au moins 25 milliards aujourd'hui, en fonction toutefois de la situation internationale”.

Sucreries de saison. Athènes, décembre 2015

Au lieu de cela, la recapitalisation qui vient d’avoir lieu a fait perdre tout cet argent à l’État, et en plus, ce dernier devra verser encore 5 à 10 milliards supplémentaires aux nouveaux propriétaires des banques. La plupart d’entre eux sont ces étrangers lesquels ont obtenu le contrôle de 83% de notre système bancaire en versant seulement 5 milliards d’euro. Les dommages directs donc pour les banques, s’élèvent alors à 25, voire à 35 milliards d'euros, d’après certains calculs liés à l’état de l’économie grecque en ce moment”.

Le prix de l’acquisition pour l’ensemble des quatre banques a été terriblement modique. La valeur de la Banque Nationale de Grèce a été évaluée à 71 millions d’euros, c’est pour dire... autant qu’un grand building lui appartenant, tandis que ses capitaux propres s’élèvent à plus de 6,5 milliards et que sa valeur en bourse avoisine le 1,3 milliard. Lors de la mise en vente de ses actions... la valeur de cette banque a été donc dépréciée de 99%. La valeur de la Banqué du Pirée quant à elle, a été fixée à 18,3 millions Euros, pourtant, ses capitaux propres s’élèvent à 6,6 milliards d’euros (dévaluation donc de 99,7%). L'Alpha-Bank, un établissent d’une valeur fixée à 510 millions et aux capitaux propres qui s’élèvent à 6,9 milliards, (93% de dépréciation,) avait une valeur en bourse de 779 millions d’euros. Eurobank enfin, a été évalué à 147 millions, une banque aux capitaux propres de 4,6 milliards d’euros, la dépréciation ici est de 99% (valeur en bourse de 353 millions)”.

Ancienne monnaie nationale... décorative. Grèce, novembre 2015

Tout s’est passé pour cette... recapitalisation en respectant certes la lettre de la loi, laquelle n'a pas été violée. Cependant, le résultat a déjà provoqué la perte de dizaines de milliards d'euros pour l'État, en plus, du transfert du contrôle des banques grecques à l’étranger, pour seulement quelques sous. Tout cela, provoque dès lors une grande question: existait-il un moyen pour éviter tout cela? Oui, évidemment. (...) Les responsabilités politiques, voire, éventuellement les responsabilités pénales doivent être ainsi déterminées. Il y a eu trop d'argent en jeu... Alexis”, Mihális Penglis, “Kathimeriní” du 29 novembre 2015.

Kóstas Lapavítsas, économiste de gauche ayant quitté SYRIZA (et son mandat de député) en Août dernier, n’exprime pas autre chose dans sa tribune, d’abord publiée dans son blog, son texte est republié par la suite sur le site des anciens de l’ex-Plate-forme de gauche (SYRIZA), l’actuelle Unité Populaire, “Iskra”, samedi 28 novembre.

Cette nouvelle recapitalisation des banques grecques est rien d’autre qu’un crime financier. De surcroit, ce crime a été commis avec une telle incompétence et un tel cynisme, ce qui laisse sans voix même ceux qui s’attendaient au pire. Dans la mesure où dans notre pays le raisonnement logique n’est pas complètement éteint, les responsabilités doivent être déterminées en ce qui concerne les principaux acteurs de ce crime”.

En réalité, les grands acquéreurs potentiels des nouvelles actions des banques grecques ne seraient pas des Grecs, puisque les contrôles des capitaux imposés les ont pratiquement exclus de ce marché. Il y aurait donc grand intérêt pour que les divers fonds d'investissements étrangers les achètent, comme Brookfield, Fairfax, Wellington, Highfields, et ainsi de suite. Autrement-dit, ces grands spéculateurs sur les marchés internationaux, visant exclusivement le profit à court terme”.

Terre brûlée, Grèce 2010-2015

On sait que le gouvernement SYRIZA/ANEL était pressé d'achever la recapitalisation avant la fin de 2015. Le Mémorandum III contient cette condition préalable - le texte avait déjà été adoptée par la législature précédente - s’agissant d'adopter la directive de l'UE permettant les fameuses saisies sur les dépôts bancaires en cas de recapitalisation. Cette directive entrera en vigueur le 01.01.2016. Le gouvernement SYRIZA, qui a signé ce nouveau protocole naturellement, voulait à tout prix éviter cette éventualité en raison de son impact politique... très négatif”. “Cette catastrophe résulte donc de la combinaison, à la fois du dogme néolibéral et alors... de l’urgence politicienne bien propre à SYRIZA. Les banques ont ainsi opté pour la méthode dite du ‘livre ouvert’ pour ce qui est de la mise en vente des nouvelles actions, invitant l'acheteur éventuel à préciser... sa participation, sauf qu’en réalité, les prix ont été essentiellement déterminés par les seuls acquéreurs. Dans notre cas, ces acquéreurs sont... de la pire espèce qui circule sur les marchés internationaux. Très naturellement, ces gens ont saisi l'occasion pour piller l'État (la Grèce), et autant, piller les petits investisseurs ainsi que les fonds de pension appartenant aux Caisses de retraite et de prévoyance grecques”.

Pour SYRIZA, l'humiliation comme la chute sont bien... au-delà de toute description. Ses énormes alors responsabilités, seront tôt ou tard établies”. Les Grecs des cafés et des appartements non chauffés en sont d’ailleurs définitivement convaincus: “Tsipras, et les autres politiciens, Samaras, Venizélos, Papandréou, devraient être conduits devant une Cour de Justice exceptionnelle pour Haute trahison et condamnés à la prison à vie, pour ne pas dire à la peine capitale”, entend-on dire partout, à travers le pays encore tangible.

Histoire présente, alors accélérée mais qui tourne en rond. On se souviendra peut-être des titres de la presse grecque d’il y a exactement un an... c’est à dire il y a un siècle: “C'est l'heure de la Gauche”, par exemple, mais c’est surtout la dernière heure pour ce pays et qui se prolonge encore et encore... pour des années peut-être. Il y a exactement un an, des réunions Syrizistes dans les quartiers bâtissaient alors l’espoir sur le... mensonge et sur l’amoralisme le plus radical. Histoire présente, certainement accélérée.

Presse grecque, Décembre 2014... “C'est l'heure de la Gauche”

L'heure... de la Gauche. Photo de la presse grecque, novembre 2015

D’ailleurs, pour l’universitaire (et philosophe) Chrístos Yannaras (“Kathimeriní” du 29 novembre 2015), le cas de la soi-disant Gauche en Grèce devient... alors certainement outrageux, comme encore autant, il demeure dramatiquement affligeant. Et cela, de façon bien singulière. Car internationalement, l’usage tout comme l’acception du terme (Gauche), caractérise précisément cette politique qui accorde la priorité aux besoins sociaux, plutôt qu’aux intérêts privés.

Et même si la gauche accepte la libre entreprise, elle doit cependant contrôler et modérer la démesure des capitalistes, pour ce qui tient notamment de l'exploitation excessive du travail salarié. Cette Gauche cherche ainsi à réduire l'injustice sociale via des institutions et autant par le biais des lois. Elle cherche aussi naturellement à promouvoir ses valeurs politiques et culturelles, à savoir, le sens de l'intérêt public, l'accessibilité pour tous aux soins médicaux et pharmaceutiques, l’assurance du versement des pensions de retraites, et enfin, l'éducation pour tous. En Grèce, poursuit Chrístos Yannaras, ces éléments constitutifs de l’identité de la Gauche se sont avérées n'être que des appâts rhétoriques, pour ainsi harponner le vote des... naïfs. Difficile de ne pas être d’accord. Terre ainsi brûlée... jusqu’au sens des idées (reçues) !

“La Santé publique pour tous”. Réunion ouverte SYRIZA, novembre 2014

Manifestation du personnel hospitalier. Décembre 2014

Les médias énumèrent autant sans répit, le flot de nouvelles mesures introduites par le Mémorandum III, plus... inédites que jamais, dont la mise à mort du système des retraites, lequel n’est certainement plus viable dans un pays ayant perdu plus de 25% de son PIB et où le chômage officiel avoisine un taux proche de 30%. Les Grecs savent que le gouvernement actuel (tout comme les précédents), exécute tout simplement des ordres, dont le but demeure... la décomposition... finale de l’économie réelle, le tout, à travers une pratique au demeurant profondément anti-démocratique et anticonstitutionnelle, préparant ainsi le terrain pour le basculement éventuel vers un régime oligarchique enfin ouvertement... affiché.

L’exode massif des Grecs se poursuit, les entreprises asphyxiées quittent le pays et le système bancaire a été offert ainsi... en un clic de souris, aux fonds rapaces. Au même moment, le ministre du... développement Stathákis (SYRIZA), déclare que “la volonté du gouvernement est de mettre en place un environnement fiscal stable pour les investissements étrangers en Grèce ; cependant, la Grèce ne deviendra pas un paradis fiscal” (quotidien SYRIZA “Avgí” du 1er décembre).

Les Grecs ont ainsi compris qu’ils ne sont plus vraiment chez eux, les individus (tout comme les entreprises) se mettent à rechercher la solution à leurs problèmes autrement (et aussi) à l'étranger. En ce moment, pour leur grande majorité les citoyens sont comme paralysés, subissant un... choc et alors un effroi sans précédent, et qu’ils ne sont pas capables... de l’absorber.

Nouveau Mémorandum - Abolition de la Constitution. “Quotidien des Rédacteurs”, novembre 2015

Loin des clichés d'une certaine Grèce souriante et touristique. Athènes, novembre 2015

Manifestation. Place de la Constitution, novembre 2015

Bien loin des clichés d'une certaine Grèce supposée souriante et touristique, mon ami Aristote habitant dans les quartiers Sud d’Athènes, observe tout et s’observe lui-même. Sa nouvelle conscience est décidément accablante et... elle l’est, définitivement. Ingénieur chimiste de très haut niveau, ayant travaillé par le passé aux quatre coins de ce bas monde, il est resté plus d’un an au chômage avant de retrouver du travail rémunéré au tiers... de ce qu’il gagnait (pour le même poste) avant la dite crise.

J’ai 58 ans. Je sais que toutes mes cotisations ont été spoliées car... intentionnellement elles n’ont pas été protégées par l’État. Je ne songe plus à ma retraite, ce n’est plus un sujet de discussion pertinent, cela ne dépend plus de moi et encore moins de mes employeurs. Cela n’a plus de sens, au moment venu j’y... reviendrai vers cet abime. Les politicards pensent encore pouvoir protéger les fonctionnaires car c’est leur clientèle électorale, mais ils n’y arriveront plus. Ma sœur qui travaille dans un ministère vient brusquement de découvrir... que sa future retraite sera presque autant réduite à une sorte de maigre allocation, à peine plus élevée d’ailleurs, que ma propre future retraite. Donc tout se termine bientôt... sauf pour les politicards”.

Étant donné mon âge, je n’ai plus le courage de m’expatrier pour une énième fois. D’ailleurs, je le faisais jadis par choix et non pas par obligation. Je gère, pour le compte de mon entreprise industrielle, une rare unité de production de ce type encore installée en Grèce, à savoir le retraitement des déchets de métaux non ferreux”.

Dans les quartiers Sud d'Athènes, novembre 2015

Industrie morte depuis longtemps. Le Pirée, 2015

Et voilà que la dernière entreprise qui produisait en Grèce nos sacs de conditionnement bien spécifiques à ces déchets lesquels sont parfois réexportés vers l’Allemagne, cette unité de production vient donc de quitter définitivement et... totalement le territoire grec pour inaugurer sa nouvelle production... au Sud de la Bulgarie”.

Mon patron n’en revient pas... déjà qu’il doit avancer tout l’impôt de l’année prochaine, d’après les nouvelles règles sur l’imposition des entreprises. Son fournisseur a ainsi brusquement changé de tactique... comme de langage: ‘Je suis, et cela, à partir de ce moment, une entreprise étrangère. Donc, pour chaque commande future, tu devras prépayer la totalité de la somme, par virement vers ma banque en Bulgarie, car comme tu sais, telle est la pratique de toutes les entreprises étrangères ayant à traiter avec la Grèce’. Mon patron a tenté d’argumenter: ‘Mais bien voyons Pávlos, nous nous connaissons depuis plus de 25 ans’, mais rien à faire. J’ai fait venir d’autres sacs supposés similaires, disponibles sur le marché en Grèce car déjà importés par un fournisseur depuis l’Inde, c’est alors l’échec, les normes ne sont ni respectées ni clairement affichées sur le produit, comme pour la production de Pávlos, nos partenaires en Allemagne ne les accepteront plus car déjà... un sac sur deux arrive déchiré...

C'est alors tout notre pays qui est déchiré, cette crise, cette guerre faite contre nous, touche alors tout le monde, salariés comme patrons à quelques exceptions toutefois. Je ne sais plus jusqu'où ira-t-il ce crime. Je ne le sais plus...

C’est alors ainsi que pays s’efforce de prévoir les fêtes... et les prochains crimes. Fruits, légumes et sucreries sont de saison. Aristote, pense acheter de plus en plus souvent (dans la mesure du possible) en payant en liquide, le... nouveau pacte entre commerçants - prestataires de services et les (rares) clients, c’est d’éviter... de régler déjà la TVA, surtout depuis qu’elle a été encore augmentée par le gouvernement et que les salaires en Grèce se transforment en... petites prestations de type allocations.

Les Grecs, fêteront ainsi, si possible avant la nouvelle saison fiscale... le nouvel an bulgare, londonien ou chypriote. Il y a que nos animaux adespotes qui ne se... délocaliseront pas.

Il y a que nos animaux adespotes qui ne se... délocaliseront pas. Grèce, décembre 2015




* Photo de couverture: Retraitée... en tain de pêcher. Grèce, novembre 2015