Greek Crisis

mardi 8 septembre 2015

Saison finissante



En ce triste moment, les politiques sillonnent le pays de manière bien sélective. Meetings cosmétiques, en réalité peu suivis lesquels ne créeront plus jamais l’événement. La guerre politique est truquée, la bataille est d’emblée perdue. Tout le monde se positionne vis-à-vis du futur ou plutôt, vis-à-vis du passé. Les Grecs demeurent pratiquement muets et manifestement sceptiques. “Nous verrons lors des élections d'après...

Vendeur de beignets en Attique, septembre 2015

Notre sans-abri du quartier des grandes libraires à Athènes s’assoupit déjà sur son livre... unique. Et comme sur les plages les parasols sont pratiquement ramassés, les beignets... se vendent alors très peu. Drôle de temps humide, aux derniers vents étésiens. Saison finissante en... accomplissement d’un été parachevé, sous le signe de la trahison et de la douleur quoi qu’on en dise.

Une fois de plus et une fois de trop la vie grecque se montre apaisée sous sa chemise déchirée de l’été, elle est en réalité meurtrie, au-delà des apparences. Dans les voisinages et entre les étages des immeubles les stratégies... de l’évitement connaissent leur heure de gloire, les discussions fatiguent, les idées fortes connaissent à nouveau l’exil et l’espoir n’est plus.

Les gens se rencontrent alors parfois contrains et forcés, par exemple... à l’occasion d’un cambriolage, parmi les milliers... pratiqués à Athènes en ce moment, quelquefois même aux heures de... grande écoute depuis les balcons des locataires. Comme hier soir vers 9h du soir, lorsque nous avons été emmenés à poursuivre... l’action des cambrioleurs de la maison voisine ; ils sont partis bredouilles grâce à la mobilisation... citoyenne, les policiers sont arrivés à peine quelques minutes après les faits. Quotidien athénien aux micro-événements significatifs. Bancocratie et autres voleurs.

Locaux abandonnés. Banque Nationale. Athènes, septembre 2015

Sur les plages les parasols sont pratiquement ramassés. Attique, septembre 2015

Plage en Attique, septembre 2015

L’ambiance semble insaisissable, tout le monde croit comprendre que le nouveau gouvernement du mémorandum III serait ante portas, et des déclarations, en apparence seulement plus contradictoires que jamais, préparent si besoin, le terrain de la prochaine... Entente Cordiale mémorandaire entre SYRIZA et la Nouvelle démocratie.

Le numéro deux de SYRIZA, Yannis Dragasákis, a de ce fait déclaré sur les ondes de la radio Realfm 97.8 il y a quelques jours, que “la diabolisation du terme ‘mémorandum’ a été une erreur à laquelle malheureusement SYRIZA avait participé. Ce qui m’inquiète, ce serait de reprendre le débat sur le mémorandum comme si on renégociait en interne en Grèce, tandis que le mémorandum a déjà été négocié ce dernier temps (avec les créanciers). Le prochain gouvernement doit s’appuyer sur une majorité solide et forte. Si d’autres partis en Grèce veulent nous suivre dans cette direction - sans être forcement d’accord sur tout - je verrais certainement probable, la formation de gouvernements de coalition”. SYRIZA a donc intégré pleinement le camp du mémorandum...

C’est alors en cela que l’argument majeur de la campagne électorale d’Alexis Tsipras: “Donnez-nous une chance pour enfin gouverner et ainsi appliquer un programme parallèle, lequel apaisera les douleurs du mémorandum”, est un leurre auquel les dirigeants Tsipriotes n’y croient même plus en réalité. Les Grecs le savent bien et ce n’est certainement pas pour cette raison que SYRIZA pourrait encore (et pour la dernière fois avant de disparaître du paysage politique), récolter certains fruits électoraux, bien amers d’ailleurs.

Ruche d'avant. Péloponnèse, septembre 2015

Oranges non vendues. Péloponnèse, septembre 2015

Religieux se prenant en photo. Place de la Constitution, septembre 2015

La Gauche d’ici et d’ailleurs n’est plus dans sa ruche d’avant... ni d’après, et c’est tout juste si les initiateurs de l’Unité Populaire (ex-Plateforme de Gauche au sein de SYRIZA), ne réussissent à sauver l’honneur comme encore une certaine sincérité, par les temps qui courent c’est déjà énorme et toutefois fort insuffisant.

Le plus grand défaut de l’Unité Populaire c’est d’être un mouvement initié par le haut, dans la précipitation à travers ces événements de l’été 2015, pourtant prévisibles. Son programme enfin est (pratiquement) dégagé des scories européistes de SYRIZA, et ses économistes, Kóstas Lapavítsas en tête (élu député SYRIZA en janvier) travaillent dans le bon sens, sans pour autant caresser les oreilles des Grecs. La drachme ne résoudra pas nos problèmes par miracle, mais elle est indispensable pour envisager autre chose que le mouroir de l’euro, il était temps de le dire ainsi.

Ce qui ne présage en rien, des bons (ou moins bons) résultats électoraux du nouveau mouvement, sous la direction des anciens de la Plateforme de Gauche. Nous verrons alors tout cela dans deux semaines.

Par contre, nombreux sont ceux qu’à gauche, prévoient déjà un renforcement du PC grec, le KKE. Temps pourtant acerbes. Ainsi, Panagiótis Lafazánis vient d’accorder une longue (et intéressante) conférence de presse, mardi 8 septembre sur l'Unité Populaire, lorsqu’à la question d'un journaliste: “Pourquoi un électeur de gauche choisirait-il l'Unité Populaire... plutôt que le KKE, lequel n'a pas changé de position et en plus, a eu raison sur SYRIZA et sur l'UE ?” ; le chef du mouvement a répondu... sans répondre en précisant que: “le KKE n'est pas l’adversaire de l'Unité Populaire, sauf que malheureusement, pour les dirigeants du KKE, c'est l'Unité populaire qui prend la forme d’un adversaire politique manifeste. Hélas, dans une récente brochure du KKE, on y découvre une page entière consacrée à la très vive critique des arguments de l'Unité Populaire et seulement trois lignes... qui se dressent alors contre le discours de l'Aube dorée, c'est triste” - je cite de mémoire (Radio 105,5, le 8 septembre).

Autocollant à Athènes. Septembre 2015

Immeuble d'où fut prononcé le discours de la Libération par Georges Papandréou en 1944. Place de la Constitution, septembre 2015

Nostalgie d'une époque. Athènes, septembre 2015

Le quotidien se compose et se décompose en dépit de cette campagne électorale très dramatique et très lourde à supporter à la fois. Dans le Péloponnèse, les oranges invendues sont quelquefois jetées, tandis que dans la capitale, les visiteurs, tout comme les habitants, ignorent visiblement les kiosques électoraux des partis et préfèrent se faire photographier sur la Place de la Constitution.

Personne ne remarque la plaque commémorative rénovée, du discours de la Libération (octobre 1944) et de Georges Papandréou alors Premier ministre très attaché... à la puissance de la Grande Bretagne. Son petit fils, après avoir... vaillamment œuvré en faveur du mémorandum I, ne se présentera pas aux élections de septembre 2015. Sa mission a été accomplie, à l’époque (2010), il raconta même que son mémorandum serait provisoire et qu’il ne durerait qu’un an, avant la reprise et la sortie de la crise.

Cinq années après, Alexis Tsipras reprend ce sophisme à son compte, l’argumentaire de la... “Gauche véritable” en plus. Mentalités pourtant volatiles, vie alors volée. C’est bien étrange, seulement, lorsque j’échange avec autrui à travers une certaine Grèce à Athènes ou ailleurs, je n’entends plus la moindre parole de sympathie en faveur d’Alexis Tsipras. Au contraire, dans le Péloponnèse ou en Attique (dans certains quartiers), ceux qui se prononcent ouvertement en faveur de la nostalgie des Colonels sont suffisamment nombreux, “car tout y était plus simple, mieux contrôlé et en plus nous avions du travail sans cette dette de l'État et sans immigration en plus”. Stéréotypes retravaillés à la sauce très aigre du moment, et en même temps, manière de dire... que ceux qui s’expriment de la sorte, voteraient en faveur des néonazis de l’Aube dorée. Impossible d’en être certain... sauf au soir du 20 septembre.

Réunion publique du Conseil régional d'Attique. Septembre 2015

La Grèce veut vivre et elle vivra. Phrase du 19ème siècle. Monument athénien, septembre 2015

Production grecque. Athènes, septembre 2015

La Grèce veut vivre et elle vivra” peut-on lire sur un monument athénien à la mémoire de la célèbre... grande phrase du 19ème siècle, prononcée lors d’un discours à la Chambre par Charilaos Trikoupis en 1885. Pour la petite histoire, Charilaos Trikoupis (1832 - 1896), mort à Cannes en France, fut un homme politique qui occupa la fonction de Premier ministre à sept reprises de 1875 à 1895.

Son sixième mandat en tant que Premier ministre (1892 - 1893) fut le plus dramatique. Il se présenta au Parlement où il aurait dit l’autre phrase célèbre qu'on lui prête (mais qui n'est pas consignée dans les Comptes-rendus des débats): “Malheureusement, nous sommes ruinés”. Et la Grèce... a ainsi fait faillite.

En 2015, les faillites d’antan sont ignorées et quant à la nôtre, elle est partie prenante du régime politique de la métadémocratie et de la “gouvernance” par la dette. On s’y habituerait presque, c’est peut-être en cela que certaines... réunions de routine, celles du Conseil régional d’Attique par exemple, se déroulent parfois dans une ambiance... rodée et presque bon enfant.

Hommage à Ángelos Terzakis, Athènes, septembre 2015

Pour la dignité et pour la liberté. Athènes, septembre 2015

Durant cette semaine, le Troisième Programme, notre unique radio publique culturelle et musicale, a eu l’excellente idée de rediffuser des extraits lus du carnet personnel du romancier Ángelos Terzakis (1907-1979), datant de l’époque de l’Occupation (des années 1940) et des débuts de la Guerre civile (1944). Brèves alors sombres et hélas justes sur la conduite humaine.

On se souviendra déjà du roman de Ángelos Terzakis “La Princesse Isabeau”, un des classiques de la littérature grecque moderne, publié en 1945, et mettant en scène le Péloponnèse médiéval de la fin du XIIIe siècle occupé par les Francs pour ainsi évoquer l'Occupation de la Grèce par les Allemands.

Les pages de son carnet personnel écrites durant les longues semaines de la bataille d’Athènes (entre la Gauche et les Royalistes dont les collaborateurs, jamais épurés et renforcés par les Forces armées britanniques entre décembre 1944 et janvier 1945), nous font alors revivre cette période “où personne ne s’est montré... à la hauteur de l'histoire”, après... tant de sang versé pour la dignité et pour la liberté.

“Pour la dignité et pour la liberté” ; c’est autant un slogan sur les murs d’Athènes en cet été 2015. Drôle de temps humide aux derniers vents étésiens. Dans les îles on range déjà les tables et les chaises, saison finissante en... accomplissement d’un été parachevé, ou presque.

Dans les îles on range déjà les tables et les chaises. Fin août 2015




* Photo de couverture: Notre sans-abri du quartier des grandes libraires. Athènes, septembre 2015