Greek Crisis

lundi 31 août 2015

Temps compté



Nouvelle campagne électorale grecque, placée sous le signe du Coup d’État européiste et permanant. Dernière pleine lune de ce mois d’août... et de SYRIZA. En deux semaines depuis l’adoption (anticonstitutionnelle) du mémorandum Tsipras, les cadres et les membres du parti de l’ex-Gauche radicale le quittent alors par milliers et par sections locales, départementales, voire régionales... quasiment en bloc. Métamorphoses d’Ovide face au... vide.

Danse avec... les loups et presse mainstream. Août 2015

Plus de cinquante membres du comité central SYRIZA ont démissionné, dont Katerina Thanopoúlou, Vice-présidente de la Région d’Attique, responsable des affaires sociale que les lecteurs assidus de ce blog connaissent déjà. Alexis Tsipras recompose alors... (avec) les morceaux de SYRIZA en déconfiture, débâcle déjà morale et organisationnelle. “Tsipras mène la danse”... croit pourtant savoir une certaine presse mainstream, après avoir dansé avec les loups authentiques du totalitarisme européiste, la marionnette Tsipriote n’est que l’ombre de sa métamorphose ovidienne. L’hybris, en direct.

SYRIZA II, aux ordres de l’Empire de Bruxelles comme de Berlin abat alors sa dernière carte: “jouer” les élections législatives contre la Démocratie du référendum du 5 juillet et du ‘NON’ à 62%. Cette dernière pirouette n’est finalement qu’un chapitre au livre noir des mémoranda depuis 2010, et autant, au Coup d’État, répétons-le, permanant... pauvres escrocs. L’Assemblée nationale, d’abord parodiée dans son esprit comme dans sa lettre, en dépit de la résistance de Zoé Konstantopoúlou, ayant accouché du pire, c’est-à-dire, d’un mémorandum humiliant et néocolonialiste, d’où cet empressement des maîtres (provisoires) du jeu: en finir avec le ‘NON’, en organisant des élections anticipées pour ainsi réécrire l’histoire récente et surtout à venir.

Ces élections sont un élément de la solution et non pas du problème”, a déclaré Angela Merkel, tandis que pour Jean-Claude Junker, “il faut espérer que ce scrutin, renforcera le soutien des Grecs à l'accord déjà signé avec les créanciers”. Les tenants visibles de l’absolutisme européiste n’ignorent pas que le temps leur est finalement compté, ils agissent alors dans la précipitation. La dictature ainsi imposée à la Grèce doit porter au plus vite la tunique de la légalité, comme celle de la... gauche. Sale temps, plus incertain que jamais.

Retours serrés. Ferry entre l'île d'Égine et le Pirée. Fin août 2015

Débat entre Tsipras et Meimarakis. Presse de saison. Fin août 2015

Derrière les masques... la réalité. “Quotidien des Rédacteurs” du 26 août

Au-delà même des résultats du scrutin du 20 septembre, l’hybris Tsipras, tout comme l’hybride de SYRIZA européiste, nous conduisent inexorablement vers la phase la plus critique de la tragédie grecque du moment. Rien ne sera plus comme avant et tout sera plus dramatique qu’auparavant: Les situations, les réalités, les mentalités, les humeurs... voire les rumeurs.

Cette pente alors très glissante de la “crise grecque”, après avoir été... suffisamment savonnée par SYRIZA d’en haut, finira ainsi par avaler le gouvernement précédent... autant que le gouvernement suivant, en attendant la rupture du choc frontal, sous les effets par exemple de la mobilisation probable et... physique du grand nombre (suffisant) des citoyens, dépassant peut-être les schémas politiques issus des partis, anciens ou même nouveaux. D’ailleurs, très probablement le parti ANEL des Grecs indépendants ne réussira pas son entée au Parlement, avalé comme il risque d’être par le mémorandum III, à l’exact image du LAOS (extrême-droite) et de DIMAR (gauche issue de SYRIZA), petits partis mémorandistes ayant gouverné sous l’ombre des grands partis... assujettis à la Troïka.

Les Tsipriotes interprètent de la sorte leur dernière comédie, leurs apparitions télévisuelles deviennent de plus en plus pathétiques (surtout vis-à-vis de leurs ex-camarades de la Plateforme de Gauche devenue le nouveau parti de l’Unité populaire), leur cynisme alors déborde, piètre théâtre et triste spectacle... sauf pour les sondeurs dits de l’opinion.

Devant les urnes. “Quotidien des Rédacteurs” du 24 août

Mémoire et avenir. Pirée, août 2015

Aube dorée: “Ni avec les bolchéviques, ni avec les créanciers usuriers”. Port du Pirée, août 2015

Ainsi, et contrairement aux résultats “probants” issus des sondages, je n’ai jamais pu rencontrer sur le terrain du quotidien, de l’inspiration populaire... pour ce SYRIZA encore subsistant. J’entends souvent au contraire les Grecs ironiser sur SYRIZA, sur Alexis Tsipras et même sur la gauche en général, paraphrasant à souhait, non sans amertume, le slogan de l’ex-gauche radicale: “Première fois à gauche”. Une tendance alors générale ?

En cette fin août, le port du Pirée fut encombré dans le sens des retours. Des Grecs ont pu ainsi échapper momentanément au sort scellé, familles grecques et touristes voyageant entassées à bord des ferrys aux rotations irrégulières, au gré des besoins, au jour le jour et parfois même suivant les heures. À bord d’un tel ferry depuis les îles proches d’Athènes, à destination du Pirée, un poste de télévision diffusait les images d’un meeting d’Alexis Tsipras... dans l’indifférence totale. Personne ne s’y intéressait, contrairement aux apparitions et aux autres interventions de l’ex-Premier ministre au moment des négociations avec les “institutions”. Une tendance isolée ou alors sinon, une lame de fond à prévoir ? Difficile à dire.

J’ai encore remarqué le peu d’empressement général pour les discussions politiques préélectorales habituelles, si chères aux Grecs par temps normal. Sauf que le seul temps normal est désormais celui de la météo, des astres, des animaux adespotes (sans maître) ou desposés (ayant un maître), et notamment en ce moment, celui des célèbres vents étésiens qui soufflent de manière quasi-continue car bien de saison.

Locaux abandonnés appartenant à une administration publique. Athènes, août 2015

Idées... sur le futur. Athènes, août 2015

Dans les Cyclades, août 2015

Et quant aux vents de la société grecque, l’inconnu et l’amertume règnent en maîtres. De nombreux Grecs ne se déplaceront plus jusqu’aux urnes, mes deux voisons, mon cousin Kóstas, mon ami Théodoros... la liste est longue, le cœur est brisé et l’esprit n’est plus. Vent mauvais encore, et au port du Pirée, des autocollants estampillés Aube doré... accueillent les ultimes passagers de l’été grec, tandis qu’une certaine parole... nostalgique des temps des Colonels, s’exprime de plus en plus ouvertement, y compris à bord des ferrys.

Le nouveau parti de l’Unité Populaire de Panagiótis Lafazánis et des anciens de la Plateforme de gauche chez SYRIZA, bénéficie déjà de la collaboration d’Alékos Alavános (ancien chef de SYRIZA et mentor malheureux d’Alexis Tsípras en bien d’autres temps) et de son mouvement du Plan-B, tout comme, du ralliement de l’ancienne ministre Nadia Valaváni, et enfin il faut le signaler, du soutien de Zoé Konstantopoúlou, ex-Présidente de l’Assemblé nationale. “Il était temps... mais c'est peut-être trop tôt ou bien trop tard. Déjà Lafazánis aurait dû quitter SYRIZA aussitôt après les accords de février 2015” (entre le gouvernement Tsipras et la Troïka), estime Makis, ami connaisseur des... cuvées de la gauche grecque depuis plus de quarante ans.

Sachant que l’Unité Populaire de Lafazánis ressemble fortement à une copie de SYRIZA (la trahison en moins et la drachme en plus), la position du vieux PC grec (KKE) ne change guère: “C'est un SYRIZA bis, et il trahira au moment venu” martèle Dimítris Koutsoúmbas, chef du PC grec, à chaque meeting de son parti. Donc, pas d’union de Gauche en vue ; seulement, les conditions politiques sont bien exceptionnelles et pas toujours les personnes.

Quotidien du KKE: “Seule la proposition du PC sert les intérêts populaires”. 29 août 2015

Le site internet de l'Unité populaire. Août 2015

Alékos Alavános et l'économiste Kóstas Lapavítsas lors d'un meeting de l'Unité populaire. Août 2015

Après-tout, pour de nombreux Grecs, “c'est toute la Gauche qu'a trahi”, suite à l’expérience SYRIZA, sans distinction, entre la caste dirigeante SYRIZA, les Lafazanistes ou les autres. C’est parfois ainsi et pas autrement sous le signe du Coup d’État européiste et permanant. Pour mon ami Makis: “C'est bien la dernière carte de la Gauche, avant sa... disparition, ou devant la sourde déferlante de l’Aube dorée”.

Tout le monde à gauche (et pas qu’à gauche) ne partage pas cette analyse, et nombreux sont ceux qui rappellent le caractère fort caricatural de l’Aube dorée, organisation ainsi jugée répugnante et “peu sérieuse en tant que Droite extrême”. Cependant, l’avenir est plus imprévisible que jamais.

D’où sans doute l’empressement du bloc mémorandiste et européiste face à la perceptive de gouverner... ensemble. Dora Bakoyánnis, de la Nouvelle démocratie et de la famille Mitsotakis, vient de déclarer que “finalement, il faut aussi envisager la collaboration possible entre la Nouvelle démocratie et SYRIZA”. On comprend, c’est clair... comme un mémorandum.

Allégresse des touristes, Athènes, août 2015

Grèce proposée. Athènes, août 2015

Refugiés de Syrie et d'ailleurs dans un parc. Athènes, août 2015

À Athènes, seule l’allégresse des touristes comme de certains (rares) Grecs, contraste avec le reste à venir qui nous englobe. Ensuite, la Grèce des îles de la mer Égée orientale est submergée comme jamais par une vague sans précédant d’immigrés et refugiés venus de Syrie comme d’ailleurs. La situation est pratiquement incontrôlable, plus de 12.000 personnes ont atteint ces derniers jours les côtes de l’île de Lesbos (Mytilène), peuplée de 85.000 habitants. Pour donner une certaine idée, c’est comme si la région parisienne recevait 1,8 millions de migrants... en quelques jours seulement.

Je remarque aussi combien et comment les faits et les images de cette autre triste réalité... encastrée dans la nôtre, frappe les esprits en Grèce, c’est bien compréhensible. Depuis la démission du gouvernement Tsipras, lequel a été aussitôt remplacé par un gouvernement technique dit “de transition et de service” jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement (supposé) politique, j’entends de plus en plus souvent cette autre critique de la rue et des cafés: “Tsipras a d’abord tout raté, son mémorandum nous assassinera, puis, il n'a rien géré, et encore moins le problème des migrants; puis et enfin, il a foutu le camp”...

Inutile de préciser que le gouvernement dit technique, a bien de la suite... dans les maroquins ministériels du mémorandum, Angela Merkel en a exprimé sa satisfaction publiquement ce lundi 31 août (Radio 105,5), donc la... Colonie est toujours sous contrôle. Et depuis Bruxelles, on rappelle que le mémorandum doit s’appliquer, gouvernement technique ou pas d’ailleurs. Pendant ce temps, les Tsipriotes en campagne électorale, prétendent être en mesure d’appliquer un programme... parallèle au mémorandum, pour ainsi “faire face à ses aspects les plus néfastes par une politique sociale”. Piètre mensonge.

Dans les cafés d’Athènes et dans ceux des îles personne ne lira cette interview assez étrange de Yanis Varoufákis accordée au “Monde Diplomatique”, où certes, “Leur seul objectif était de nous humilier”, sauf qu’en conclusion, volontairement inachevée, l’ancien ministre des Finances au gouvernement Tsipras, admettra que l’Europe... a toujours été son horizon et cela, depuis son enfance. Les... Mystères de Paris et l’épisode Varoufákis !

Lit des mariés. Musée d'Art populaire, île de Kythnos, août 2015

Lit des mariés. Musée d'Art populaire, île de Kythnos, août 2015

Drachmes oubliées dans une iconostase. Athènes, août 2015

Yanis Varoufákis a toujours été comme on sait défavorable au retour à la drachme, et il n’a sans doute pas visité le petit musée d’Art populaire de l’île de Kythnos, où, le lit des mariés est comme de tradition, orné d’offrandes, billets compris, mais de drachmes. C’est alors ainsi que nos drachmes... nous suivent-elles à la trace, coincées parfois dans les iconostases d’Athènes.

Plus près de nous, au théâtre du moment on représente Ajax de Sophocle, relatant l'épisode de la folie d'Ajax, car le guerrier a massacré le bétail de l'armée... en croyant assassiner les chefs Atrides. Temps assassin. “Bonne chance”, peut-on encore lire sur certains murs d’Athènes, ou sinon, de manière plus explicite, “Sortons de l'UE”, slogan que l’on découvre d’ailleurs de plus en plus fréquemment.

Ajax de Sophocle. Affiche, Athènes, août 2015


Graffiti: “Bonne chance”. Athènes, août 2015

Graffiti: “Sortons de l'UE”. Athènes, août 2015

Au loin, dans le Péloponnèse... des descendants des Atrides, le temps se gâte déjà quelquefois et c’est comme un avertissement avant l’automne grec, en cette année 2015, décidément hors toute saison connue... et pratiquée.

Péloponnèse, août 2015

La dernière pleine lune de ce mois d’août est déjà derrière nous, au pays des métamorphoses d’Ovide, sauf pour nos êtres adespotes, cependant sans la folie d'Ajax !

Animaux adespotes. Athènes, août 2015




* Photo de couverture: Athènes, août 2015