Greek Crisis

mercredi 19 août 2015

Dieux chthoniens



Authenticités observables. Depuis son nouveau et grand musée, les touristes ne cessent d’admirer l’Acropole. Pleine saison, débordante même. “Ce n’est que grâce à la bonne période touristique et grâce aux cinquante milliards d’euros retirés des banques depuis quelques mois et placés... sous les matelas, que l’économie grecque subsiste encore ; sinon ce serait encore pire que le marasme. Bientôt cette triste vérité éclatera... et notre pays peut-être avec”. Analyse d’un économiste, joint par téléphone par les journalistes de la radio 105,5 (SYRIZA), mardi 18 août.

Autres authenticités observables. Athènes, août 2015

Athènes vit et meurt au ralenti, de nombreux commerces resteront fermés jusqu’à la semaine prochaine, en attendant... la fermeture définitive pour certains. Parmi les mesures du mémorandum III, il y a cette avance à hauteur de 100% de l’impôt des entreprises pour l’année suivante (calculé sur la base de l’exercice en cours), une mesure qui concernera tous les indépendants, exploitants agricoles compris.

Ces derniers, bénéficieront néanmoins d’une... faveur, durant cette première fois transitoire, ils n’auront que 55% de l’impôt de l’année suivante à avancer, sauf que leur gasoil ne sera plus détaxé et que le montant de leurs cotisations à la Sécurité Sociale augmentera de 43%, sans oublier cette généralisation de l’imposition à hauteur de 26% et cela, dès le premier euro... et pour tous, et donc, indépendamment des revenus (faibles ou pas).

Pour les rédacteurs de la revue politique (de gauche) “Unfollow” (numéro du mois d’août), ce mémorandum II est tout comme... un faire-part du décès de la Grèce, de sa démocratie, de sa souveraineté comme d’ailleurs de son économie. Sur internet grec, on ironise autant comme on peut sur le caractère totalitaire et concentrationnaire que ce mémorandum impose-t-il aux institutions démocratiques, au “Parlement” d’abord, en dépit hélas des (ultimes ?) efforts de résistance consentis par Zoé Konstantopoúlou. Efforts... alors payants, étant donné que la Présidente de l’Assemblée sera écartée des listes des candidats SYRIZA à la députation lors des législatives prochaines, d’après des sources de Maxímou (le Matignon) grec, citées par la presse cette semaine.

Mémorandum II. Revue “Unfollow”, Athènes, août 2015

Mémorandum II. Internet grec, août 2015

Allégories, musée de l'Acropole. Athènes, août 2015

C’est certainement déjà, l’épilogue de l’antiquité... SYRIZA en cet si bel été 2015. Dimítris Belandís, membre (pour l’instant) du Comité central SYRIZA et autant de la Plateforme de gauche, me disait en janvier 2015, à une semaine des élections législatives, que “si SYRIZA échoue, alors toute la gauche aura échoué”. C’est presque fait, quoi que...

En ce moment, de nombreux cadres SYRIZA, éponymes comme anonymes, démissionnent de leurs fonctions, n’attendant même pas la perspective d’un congrès d’opérette, que les... mandarins Tsipriotes veulent organiser, non pas sur la base des intervenants du congrès précédant, mais faisant appel à... une participation “renouvelée et au caractère extraordinaire”. Le plus haut responsable SYRIZA pour l’île de Rhodes par exemple a démissionné, non sans exposer publiquement son écœurement:

Pour des raisons à la fois personnelles et politiques, je soumets ma démission de la fonction de Coordonnateur de SYRIZA pour les îles du Dodécanèse Sud, ainsi que de son comité départemental. Je ne tiens pas à attendre les évolutions au sein de SYRIZA, et encore moins son Congrès, car il s’agit d’une parodie politique comme tout est déjà prescrit par l'équipe de Maxímou (entourage de Tsipras). Et ce n’est rien d'autre finalement, que de l’intégration rapide - avec ou sans élections anticipées - de SYRIZA, au sein du bloc des forces politiques du mémorandum, celui encore... des volontaires de l'austérité et de la poursuite de la catastrophe sociale, en plus, au nom de la Gauche.

Le ministre des Finances Tsakalotos lors de la nuit blanche et parodique au Parlement. 14 août 2015

Athènes, août 2015

Pas un seul pas en arrière. Athènes, août 2015

La raison de ma démission, déjà pour ceux qui me connaissent un peu mieux est évidente. Je ne peux pas défendre une politique à laquelle je ne crois plus et à laquelle ne peux plus faire confiance. Toutes celles et tous ceux avec qui conjointement, avions-nous soutenu durant les dix dernières années les actions de SYRIZA, tout comme d’ailleurs depuis le 25 janvier dernier nous soutenions ce premier gouvernement de gauche depuis la guerre (1940), eh bien, nous tous, nous subissons à présent une écrasante défaite politique”.

La capitulation du gouvernement face au néolibéralisme n’était pas uniquement la conséquence du chantage exercé par la Troïka, car elle fait suite à cette ‘ligne’ politique, tactique comme stratégique de la part de la direction SYRIZA et du gouvernement, et cela, en ignorant de manière intentionnelle, le programme du parti comme ses décisions, issues des réunions et des congrès. Ainsi, le gouvernement a progressivement rejoint la logique des adversaires d’en face, celle, d’une prétendue ‘unité nationale’. Résultat, SYRIZA... affronte désormais son pire cauchemar: faire voter et ensuite faire appliquer des mémoranda, au lieu de les ‘déchirer’.

Ce mémorandum III s’est alors concrétisé de la pire façon, et sa signature fut alors un choix, oscillant entre le suicide et l'exécution sommaire, le tout, sous la pression d'un coup d’État économique bien singulier, d’après une logique politique planifiée par les ‘institutions’, internes comme externes, une logique en somme de la dite parenthèse d’un gouvernement de gauche”.

La rupture SYRIZA. Presse du moment, 17 août

Locaux à louer uniquement et 'Greece'. Athènes, Août 2015

Éphémérides du moment. Athènes, août 2015

Sauf que la Gauche ne peut pas signer des mémoranda si lourds et si insupportables pour les classes laborieuses ; le Mémorandum de gauche ne doit pas exister. La Gauche n’est pas cette force de gestion au service du système, qui ira jusqu’à la vente des biens publics à des fonds spéculatifs, mais au contraire, une force politique du basculement, favorable d’abord à la majorité sociale. La Gauche ne doit donc pas s’investir dans une meilleure gestion, en admettant la fin de l'histoire’ ou en acceptant ‘TINA’ néolibéral (il n'y a pas d'alternative)”.

L'écrasante victoire ‘NON’ au référendum du 5 Juillet c’est d’abord l'héritage de la Gauche en sa qualité de force anti-systémique. Elle devrait donc préparer un plan alternatif pour nous extraire de cette situation, contre, et certainement au-delà des mémoranda et des politiques d'austérité, ayant comme seule règle énoncée devant le peuple, la vérité et la défense des intérêts des ‘gens d’en bas’. Et comme je l'espère désormais, il est temps pour tout ce monde de SYRIZA, comme pour toute la Gauche, de réaliser qu'il ne peut y avoir de politique allant dans le sens de l’intérêt commun, en concevant le cadre des créanciers ou celui, de la zone euro.

Les contre-mesures dites ‘de soulagement’ (argument du gouvernement) sont même impossibles à mettre en œuvre. La mutation de SYRIZA et du gouvernement illustre enfin notre échec collectif. Chacune et chacun d’entre nous tous, devrait désormais, collectivement comme sur le plan individuel prendre sa décision politique. En ce qui me concerne, je l'ai fait. C’est ‘NON’. Nikos Mavromatakos, Rhodes.” (presse locale et radio 105,5, le 18 août).

Les jeunes vivront libres. Athènes, août 2015

Dystopie murale. Athènes, août 2015

Expression ! Athènes, août 2015

Les jeunes vivront libres” peut-on lire sur une façade d’Athènes en ce temps de la dystopie et de l’anachronie alors galopantes. Dans l’air du temps aussi, il y a cette décision collective et officielle de la jeunesse SYRIZA, d’ailleurs peu médiatisée par la presse, se désolidarisant certainement du gouvernement et du mémorandum Tsipras. C’est tout de même important, on sait aussi que les jeunes électeurs ont massivement opté pour le ‘NON’ au référendum du 5 juillet.

Ce dernier temps enfin, devient celui des manœuvres politicardes, initiées ou préparées, annoncées et parfois aussitôt reportées par les Tsipriotes. Une fois de plus et de trop, la Constitution est malmenée, voire violée, et le fonctionnement du “Parlement” demeure plus qu’irrégulier, suivant d’abord le calendrier de la Troïka.

Ainsi, Alexis Tsipras, revenu après un bref séjour dans les Cyclades (Milos et Sikinos), a-t-il rapidement annoncé (dans le désordre): la fermeture du Parlement et son fonctionnement désormais via les sessions d’été (groupes d’élus numériquement restreints), une réunion plénière de la Chambre dans l’éventualité d’un vote de confiance à l’initiative du gouvernement, la tenue des élections législatives anticipées pour le mois de septembre, puis pour le mois d’octobre... ou pour le mois de novembre. Annonces aussitôt démenties ou reportées, les Tsipriotes de “Maxímou s'accordent alors quelques jours de réflexion” rapporte la presse de la semaine.

Alexis Tsipras à Milos et à Sikinos. Août 2015

La sombre réalité est simple: comme les députés du ‘NON’, essentiellement ceux de la Plateforme de gauche font encore officiellement partie de SYRIZA, et comme la constitution de groupes dits d’été au Parlement est une procédure totalement contrôlée par les chefs des groupes parlementaires, ces sessions si bien estivales qu’elles soient-elles ; finiront sans doute par adopter l’essentiel des mesures du mémorandum III en quelques semaines seulement, sans débat et sans... aventures.

Accessoirement, la non-constitution autorisée d’un groupe séparé après la scission (toujours pas officielle), priverait très probablement les élus de la Plateforme de gauche de certains droits, notamment l’attribution d’un certain temps radiophonique et télévisuel, toujours dans l’éventualité de la tenue d’un scrutin législatif anticipé.

Le jeu politique étant essentiellement et décidément aux mains des Troïkans (dont Berlin et Bruxelles), les Tsipriotes s’adonnent alors à un jeu politicien, à l’exacte manière des politicards de la Nouvelle démocratie et du PASOK... mutation oblige !

Contre toute déontologie politique, Nikos Pappás conseiller très proche d’Alexis Tsipras et ministre auprès du Premier ministre, vient de déclaré récemment (aux journalistes du “Quotidien des Rédacteurs”) que “la Plateforme de gauche, propose à la fois la drachme et le mémorandum”. Je me rappelle que lors de certaines discussions ces derniers mois, mes interlocuteurs et membres de la Plateforme de gauche, qualifiaient souvent Nikos Pappás, de “grand arriviste, tout simplement”, voilà pour ce qui est de l’ambiance... en ce (dernier ?) moment Syriziste.

L'immeuble où vécut Maria Callas dans les années 1930-1940. Athènes, août 2015

Allégories. Musée de l'Acropole, août 2015

Stèle mentionnant les drachmes du temps antique. Époque classique, musée de l'Acropole, août 2015

Les mélodies grecques du moment sont plutôt tristes et Maria Callas n’est plus en mesure d’observer le délabrement de l’immeuble où elle habita, lorsqu’elle accomplissait ses premiers pas auprès de son art.

Autres temps. Des publicités fraichement nouvelles apparues dans le métro d’Athènes, vantent les mérites présumés de certaines sociétés, “pouvant transférer jusqu'à six mille euros depuis l'étranger”, s’adressant bien évidemment aux Grecs, au pays des contrôles des capitaux et simultanément de l’euro n’ayant plus la même valeur en réalité, en Grèce qu’en France. D’autres affiches toujours en ville, invitent enfin à découvrir la musique antique, associée à l’héritage des musiques traditionnelles du pays enfin entier, de la Crète jusqu’en Thrace, car “c'est (comme) un hymne Homérique dédié à Déméter”.

Tout ne serait ainsi pas perdu... chez nous, en dépit du mémorandum Tsipras, lequel donne comme on sait, la possibilité aux créanciers Troïkans, de saisir tout bien public appartenant à l’État (la Grèce), en abolissant... mieux que les mémoranda précédents, les restes ultimes de la souveraineté du pays et par la même occasion, ses Conventions collectives, son système des retraites, ainsi que l’espoir SYRIZA qui n’est pas venu finalement, contrairement au slogan, il faut dire bien réussi de janvier dernier.

Athènes visible. Août 2015

Transférer jusqu'à six mille euros. Athènes, août 2015

C'est un hymne Homérique dédié à Déméter. Athènes, août 2015

Une autre stèle, issue du sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace ; l'un des principaux sanctuaires panhelléniques, célèbre dans l'ensemble du monde grec dès l'époque classique pour son culte à mystères chthoniens, inspirerait la bonne chance aux initiés, c’est toujours d’actualité, les mystères en moins peut-être.

Été grec, trainant les pieds... comme l’espoir par terre, en absence remarqué des Grands Dieux chthoniens. Les touristes trainant aussi les pieds par cette chaleur nous observent, sans toujours nous saisir. On attend, ou on n’attend plus l’automne, c’est selon ; en tout cas, et pour certains bistrots, c’est le moment des rénovations, SYRIZA ou pas.

Stèle, issue du sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace. Musée de l'Acropole, août 2015

Les touristes nous observent sans toujours nous saisir. Athènes, août 2015

Pour certains bistrots c’est le moment des rénovations. Athènes, août 2015

Le passé n’est plus, l’avenir se prépare. Celui des Grands Dieux... chthoniens vraisemblablement ; d’où peut-être, cet étonnement appuyé... de Joachim, l’animal de Greek Crisis censé être “desposé” (ayant un maître), et non pas adespote. Comme d’ailleurs nous tous. Pleine saison, même débordante.

Joachim, l’animal de Greek Crisis, août 2015




* Photo de couverture: Authenticités observables. Musée de l'Acropole, août 2015