Greek Crisis

mardi 11 août 2015

Aoûtiens



Été grec aux apparences trompeuses. Dans les îles, les très fidèles aoûtiens des lieux peuvent toujours se détendre en lisant “Le Monde”, supposons simplement que notre monde tourne encore joyeusement. Les Grecs quant à eux, sont aussi et enfin... en vacances ; cependant, leurs séjours s’avèrent forcement écourtés, à l’image de leur destinée si peu visible en ce moment. Sur les plages, la colère et l’amertume cumulées bronzent alors ensemble au soleil. Le pays brûle et se consume au fil de ses météoroïdes SYRIZA compris... en ce sixième été sous la Troïka, et sous le troisième mémorandum du genre.

Athènes en août 2015

J’ai pris une semaine de vacances, sauf que le cœur n'y est pas. Au lieu de baignade quotidienne... je suis constamment plongé dans mes pensées, plus sombres que jamais. Entre mes difficultés et les problèmes du pays, c'est le pire été de mon existence, jusqu’à présent”, explique-t-il Aris, rencontré sur une plage du proche Péloponnèse.

Et à Athènes, c’est alors la course... aux délais. “Jamais depuis le début de la crise nous n'avions enregistré autant de cambriolages en si peu de temps, plus d’un millier dans le quartier, rien qu’en ce début août”, éclaircissements exprimés par les policiers excédés et impuissants, faisant suite au cambriolage constaté depuis... l’appartement où est hébergé... greekcrisis, crise oblige forcement, vécue et pratiquée. Ironie de l’affaire, une presque... petite somme et tout de même si importante en provenance de la vente du véhicule de greekcrisis, vieux de vingt ans et vendu récemment... pour cause de manque de moyens nécessaires à son entretien a été ainsi “redistribuée”.

La gestion Tsipriote de la crise grecque aura réuni (toute proportion gardée) les effets néfastes de l’effondrement de l’Argentine (insécurité, cambriolages, contrôles des capitaux etc.), et tous ceux, bien funestes de la zone euro, la prolongation des mémoranda et le survivalisme en plus. Notre pays a changé comme tant d’autres, rien de plus banal dans l’histoire du temps présent comme de tout temps.

Je me prépare à survivre et mène une vie riche. Je ne vie pas juste pour m'inquiéter que le ciel va nous tomber sur la tête. Le ciel m'est déjà tombé sur la tête et nous sommes encore là. Les choses vont mal, très mal même si vous voulez vous tourmenter et chercher plus loin dans la corruption et la violence dans ce pays. Mais nous sommes toujours vivants et avons l'autre pour nous soutenir. Des millions de gens ont accepté cela comme étant leur réalité et décidé de continuer à vivre leur vie sans trop s'inquiéter, certains allant jusqu'à se mentir à eux-mêmes, refusant la réalité qui les submerge. Nous voulons continuer à vivre sans devoir nous inquiéter constamment, ni cheminer tel du bétail aveugle ne sachant pas ce qui l'attend devant lui. Nous acceptons simplement le fait que ce pays a changé, qu'il est maintenant trop dangereux, trop corrompu, peu sûr et trop primitif pour la qualité de vie que nous recherchons, et nous appliquons par conséquent les mesures nécessaires, à savoir que nous quittons le pays pour commencer une autre vie. Témoignage issu du vécu d’une certaine classe raisonnablement aisée de Buenos Aires.

Mendiant et touristes. Athènes, août 2015

Athènes visitable. Août 2015

Programme d'aide humanitaire d'urgence. Presqu’île de Méthana, juillet-août 2015

À Athènes, c’est donc la course... aux délais, et cela autant, pour les cambrioleurs... d’en haut. Le Tsipriotisme gouvernemental s’apprête à “clore tous les dossiers en cours lors des négociations avec les institutions” (ministres... négociateurs, Tsakalótos, Stathákis, Dragasákis). Si possible même, aboutir à la signature du mémorandum avant le 15 août, moment malgré tout culminant et fort symbolique de l’été grec. “Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, le 15 août” et “Pâques de l'été” pour les Grecs obligent. C’est fait accompli.

Le gouvernement en a déjà averti ses députés, ils ne doivent... pas s’éloigner trop du “Parlement” cette semaine, le texte du mémorandum III est prêt, il sera ensuite présenté aux députés en deux articles seulement dès ce mardi 11 août et dans la plus grande urgence, comme d’ailleurs tous les précédents depuis 2010. Entre-temps, quatorze aéroports régionaux viennent d’être privatisés (l’annonce date du lundi 10 août) et en conséquence acquis par le consortium allemand Fraport-Slentel Ltd, avec la participation très minoritaire de l’entrepreneur grec Kopelouzos. Contrairement donc à ce que SYRIZA avait annoncé il y a six mois sur ce dossier, comme sur (presque) tous les autres, les avoirs du pays sont bradés et pour “mieux faire”, Fraport est un groupe connu pour sa pratique quant aux conditions de travail, dignes du Moyen-âge, c’est à dire de notre siècle.

Cette “vente” relève de... l’œuvre aboutie du TAIPED, hyper organisme contrôlé par Berlin, une variante de la Treuhandanstalt, projet dans lequel un certain Wolfgang Schäuble s’engagea avec passion dans la création et la gestion du fonds public destiné à récolter le produit des privatisations des biens de la RDA et financer ainsi la dette du pays. “L’ensemble de l’opération fut jugé par les uns comme une réussite magistrale de capitalisation d’actifs et par les autres comme le pillage du siècle. Sur le plan social, environ 2,8 millions de travailleurs est-allemands perdirent leur emploi. Un quart de siècle plus tard, le même Wolfgang Schäuble se propose de récidiver mais cette fois en délocalisant son savoir-faire en Grèce”, la remarque est de Vladimir Caller, analyste politique dans son article “Grèce, gauche et know-how teuton” publié récemment dans La Libre Belgique.

Affiche oublié du NON et de... SYRIZA. Méthana, août 2015

Vers le 15 août grec

Ambiance dans les îles grecques. Août 2015

Il y a encore un... détail concernant cette affaire du groupe Fraport. Avec environ 51 % des actions détenues par la ville de Francfort-sur-le-Main et le Bundesland de Hesse, Fraport reste une entreprise cotée en bourse sous contrôle publique (allemand). Plus précisément, la structure de l'actionnariat de Fraport est la suivante (au 30 juin 2011): 31,49 % Bundesland Hesse, 20,11 % ville de Francfort-sur-le-Main via Stadtwerke Frankfurt am Main Holding GmbH (services techniques municipaux), 8,45 % Deutsche Lufthansa AG et 4,90 % Artio Global Investors ; le reste des actionnaires demeurant (pour nous) inconnus.

Le “Quotidien des Rédacteurs”, précise alors dans son reportage de cette semaine, “qu’un des conseillers stratégiques du TAIPED sur la question de la privatisation des aéroports est depuis 2012, la compagnie Lufthansa Consulting, en qualité de joint-venture avec l’entreprise grecque ‘Doxiadis Consultants’ pour le Développement et de Residential SA’ et le ‘Alanna Consulting Group’. Inutile de souligner que ‘Lufthansa Consulting’ est une filiale de ‘Lufthansa AG’, laquelle détient à son tour 8,45% du capital de Fraport. Collision d’intérêts alors évidente”.

Manifestants de l'aéroport de Baltimore (États-Unis) contre les pratiques de la société Fraport

Le... ministre des Fiances Tsakalotos. Août 2015

Le... ministre de l’Économie Stathákis, issu d'une famille de petits armateurs. 2015

Partout en Grèce, la politique humanitaire d’urgence, financée par Bruxelles commence à prendre corps ; à travers les actions des ministères, voire, celles des municipalités et des administrations régionales.

Par voie d’affichage, la municipalité de Méthana précise par exemple, les conditions d’accès au Programme d'aide humanitaire d'urgence (denrées alimentaires et produits de première nécessité), pour juillet-août 2015. “Attention, ceux qui n'ont pas déposé leur déclaration d'impôts 2015, en seront exclus du programme”, voilà pour certaines modalités.

La Grèce, ses pauvres, son survivalisme et ses élites plus aisées que jamais, un piètre monde, prétendument nouveau. Il passerait même inaperçu. Pourtant tout y est, à travers ces regards tristes et alourdis des “gens d'en bas” et du labeur, sur terre, comme à bord des bateaux de pêche. Regards, il faut dire, le plus souvent indétectables par les appareils photos des touristes. Ces derniers du moins, remarquent la présence animale... adespote (sans maître) en Grèce, maigre consolation.

Méthana, août 2015

Le regard du labeur. Grèce, août 2015

Touristes devant un animal... adespote. Grèce, août 2015

Loin des touristes, le calendrier politique en gestation confirme le viol de la volonté du peuple grec et du ‘NON’ datant du 5 juillet et du 25 janvier derniers. Il atteste déjà cette mutation pratiquement accomplie de SYRIZA en un parti du mémorandum, ce qu’accorderait un certain répit aux maîtres troïkans avant le prochain ‘NON’ (par les urnes ou autrement) des Grecs ou sinon, des autres peuples dominés par le néo-totalitarisme européiste.

La gouvernance Tsipriote, Bruxelles et Berlin, préparent la tenue d’élections anticipées en septembre ou en octobre prochains, au même moment, le commun des Grecs demeure sous les effets de choc du mémorandum III, et avant que la nouvelle conscience ne puisse prendre forme politiquement. Certes, la Plateforme de Gauche (en grande partie) travaille dans ce sens ; des initiatives sont actuellement en cours (Lafazánis, Lapavítsas entre autres) ; certaines forces politiques à gauche (favorables à la fin de la zone euro et à la dislocation de l’UE) ont de ce fait été “contactées”, dont le Plan-B d’Alékos Alavános, ancien chef de Synaspismós - SYRIZA comme on sait.

Sauf que la tenue d’un scrutin législatif anticipée à moins d’un an du précédent scrutin est interdite par la Constitution. Pour organiser cependant des élections anticipées en septembre ou en octobre prochains, le gouvernement devrait d'abord démissionner, puis, le Président de la République devrait de son côté accorder des mandats exploratoires aux chefs des partis, afin de former le prochain gouvernement, et s'ils ne parviennent pas, les élections anticipées auront lieu. Des informations circulant dans la presse ces derniers jours, indiquent que le Président, lequel aurait déjà été... sondé, passerait directement à la phase suivante du processus prévu par la Constitution.



Touristes à Athènes, août 2015

Immeuble à vendre. Athènes, août 2015

Fruits de saison. Grèce, août 2015

De l'eau pour les animaux adespotes. Athènes, août 2015

Le Président de la République (en réalité “Président de l'euro”), Prokópis Pavlópoulos, ancien ministre de droite - Nouvelle démocratie, mettra probablement en place un gouvernement “technique de transition” pour que le pays politique puisse se diriger précipitamment vers le scrutin ainsi pressenti, voire acquis. D’après les informations avancées par le quotidien “Rel- News” du 10 août (son titre est... en anglais), le favori pour le poste de ce Premier ministre de transition serait la Présidente de la Cour suprême Vassilikí Thánou. “Tout est si parfaitement aménagé dans ce beau monde à la morale mémorandaire”, ironise un éditorial publié par le site de la Plateforme de Gauche. La Grèce... et son Âge de Glace, une fois de plus et de trop.

Je dis en toute honnêteté qu’un gouvernement ayant comme composante essentielle SYRIZA, n'a plus aucun avenir. De la même manière, la Grèce n’a plus aucun avenir en cas d’application de ce nouveau troisième mémorandum. Ce gouvernement n’échappera pas à la désapprobation populaire, recourir - et cela de manière coupable - à la tenue de scrutin anticipé en septembre prochain ne lui servira pas. Ce sont les pratiques de très mauvais goût et d’ailleurs, calquées sur les tactiques les plus morbides de la Nouvelle démocratie et du PASOK. Nous ne devons pas sacrifier SYRIZA... au nom du gouvernement”, déclarait-il récemment (9 août) au quotidien de SYRIZA, “Avgí” (preuve que les ponts ne seraient-ils pas complètement coupés ?), Panagiótis Lafazánis, chef de la Plateforme de gauche.

Il devient évident qu’à la suite du vote du mémorandum III au “Parlement” cette semaine, Alexis Tsipras (et) sans peut-être exclure les NONistes de son camp en attendant le prochain congrès qualifié “d'opérette” par les connaisseurs... de la cave SYRIZA, les écartera certainement des candidatures aux prochaines élections. Il laissera donc l’initiative de la rupture aux Lafazanistes et aux autres Syrizistes, restés fidèles au programme de 2015... mais de janvier, comme par exemple Zoé Konstantopoúlou, Présidente de l’Assemblée, laquelle est devenue dernièrement la cible de la presse mainstream, et parfois même de certains politiques et ministres SYRIZA.

Zoé Konstantopoúlou en meeting SYRIZA. Mai 2012

Glaçons en vente. Grèce, août 2015

Local à louer. Grèce touristique, août 2015

Les reportages et les “analyses” du moment, omettent de mentionner certaines évidences: une dissolution de l’Assemblée actuelle, pourrait mettre un terme au travail des comités mis en place sous la présidence de Zoe Konstantopoúlou. D’abord, celui de l’audit sur la dette grecque, ensuite, le comité instruisant le dossier lié aux réparations de guerre et à l’Allemagne toujours très actuelle, enfin, et d’après mes sources, cet autre comité programmé par Zoé Konstantopoúlou pour septembre prochain, ayant comme mission d’ouvrir enfin le dossier dit “de Chypre” (documents gardés “clos” par tous les gouvernements en Grèce depuis).

Il s’agirait alors d’établir, entre autres, les responsabilités exactes des politiques et non seulement des militaires de la junte des Colonels, lors de l’invasion de Chypre par l’Armée turque durant l’été 1974, suite au putsch manqué contre le Président chypriote Makarios, co-organisé comme on sait par le régime dictatorial d’Athènes.

L’histoire ne se répète pas, sauf qu’elle peut... faire mal longtemps après les faits. Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, le calendrier politique grec ainsi imposé par les forces de l’Occupation (troïka, institutions, Bruxelles et Berlin), avec l’aimable participation des népotistes locaux, se précipite tant en ce moment.

Supprimez les restaurants. Affiche, Athènes, août 2015

Caïque de pêche. Méthana, août 2015

Été grec aux apparences prétendument trompeuses. Plus de cinquante mille migrants sans papiers sont arrivés en Grèce, essentiellement depuis l’espace turque en moins d’un mois entre juillet dernier et ce mois d’août. C’est-à-dire autant, que durant toute l’année 2014. Parfois, ils sont Syriens, déracinés comme on sait par la guerre co-initiée par certains gouvernements de l’Europe occidentale, mais le plus souvent, ces gens viennent d’ailleurs.

Dans les îles grecques de l’Égée orientale la situation devient presqu’incontrôlable. Des incidents ont lieu quotidiennement à Mytilène, à Samos, à Kos et à Kálymnos. “Si rien ne change, le sang coulera alors très prochainement”, avertit le maire de Kos.

Été grec... tout simplement, aoûtiens de toute sorte. Sous le joug des despotes... et sous le regard étourdi des adespotes. Mémorandum III.

Sous le regard étourdi des adespotes. Méthana, août 2015




* Photo de couverture: Très fidèles aoûtiens lisant “Le Monde”. Grèce, août 2015