Greek Crisis

vendredi 24 avril 2015

A la remorque



Athènes, soleil et incertitudes alors devenues triviales. Toutefois, on devine déjà les contours d’un possible “compromis”. Un défaut grec sans quitter la zone euro, voire un “arrangement honnête”, à la remorque de l’euro et à celle de sa supposée “stabilité”.

La guillotine de Schäuble et de Draghi. Hebdomadaire “Epíkaira”, 23 avril 2015

On... cultiverait de la sorte l’acclimatation à la faillite, à la confusion délibérée et à l'anxiété, jusqu'au... “mûrissement attendu” des esprits. Les braves gens ne s’opposeraient donc plus à un compromis, qui plus est, lorsque l’accord pressenti garantirait avec tant de savoir-faire... la “stabilité” dans la zone euro. Voilà pour la toute dernière version des rumeurs (c’est à dire des reportages) sur la Grèce.

Certes, les images de la semaine et de la presse ne sont pas forcément de cette unanimité, l’hebdomadaire “Epíkaira” par exemple, fait sa Une sur la “guillotine” que le “bourreau” Schäuble et le “serpent” Draghi (sic) “préparent, dans le but de piéger la Grèce et de défaire l'Europe”, et ce n’est pas dit que les Grecs en soient vraiment impressionnés. Tout simplement, car tout le monde appréhende les faits, tant les esprits sont aussi bien blasés par les analyses et les tribunes.

Affiche SYRIZA, “Nous participons, nous contrôlons”, Athènes, avril 2015

Presse lifestyle et Yanis Varoufákis. Athènes, avril 2015

Affiche. “Première fête du cannabis”. Athènes, avril 2015

Depuis SYRIZA, on organise certains meetings publics, cela pour expliquer la politique et sans doute convaincre... et vaincre les anxiétés citoyennes. “Nous demeurons présents, nous participons, nous contrôlons, nous soutenons, nous revendiquons”, tel serait-il alors le nouveau rôle que les citoyens devraient incarner, en tout cas d’après la récente campagne politique par voie d’affichage de SYRIZA sur Athènes. Peine perdue ?

Au même moment sur nos murs, sur les poteaux électriques et à travers les présentoirs des kiosques à journaux, les ambiances grecques éclatent autant aux yeux des passants, au point de devenir imperceptibles (y compris par neutralisation réciproque). Yanis Varoufákis posant (une fois de plus) pour la Une des revues lifestyle, ou cette affiche annonçant la tenue de la première dite “fête du cannabis”, jamais organisée à Athènes, et enfin, Karl Marx et ses maximes, sans oublier cet appel à manifester, rédigé en langue française, s’agissant de la lutte contre l’Aube dorée à l’occasion du procès (déjà reporté) du parti des néonazis lifestyle et néanmoins patentés.

Karl Marx... à Athènes. Avril 2015

Appel en français. Athènes, avril 2015

Réflexion sur le capitalisme. Athènes, avril 2015

C’est alors sous ce climat que les medias nous décrivent “l’atmosphère positive dans laquelle s'est tenue la rencontre entre Alexis Tsípras et Angela Merkel au 23 avril”, et... on passe rapidement à autre chose, surtout dans la vraie vie comme... dans la mort authentique.

De passage dans un quartier que je n’avais pas visité depuis quelques mois, j’ai remarqué que “Mythos”, un vieux bistrot du coin, a fait faillite à son tour. Ailleurs, certaines boutiques mettent aussi la clef sous la porte, et certaines pancartes publicitaires d’un lifestyle évident, finissent dans les bennes à ordures, effets de mode. “Esclaves en tout de l'extraordinaire, dédaigneux de ce qui est habituel”, disait déjà des Athéniens et face à eux, Cléon, cet homme politique athénien qui a succédé à Périclès, et qui s'est illustré au cours de la Guerre du Péloponnèse, considéré toutefois comme le type même du démagogue et présenté par Thucydide comme “le plus violent des citoyens et fort écouté du peuple” (Livre 3, c. 38).

La Guerre du Péloponnèse étant déjà presqu’oubliée de nous tous, les environs d’Athènes jadis occupés par les Lacédémoniens abritent désormais des raffineries de pétrole et des chantiers navals... comme autant, une pauvreté accentuée et un chômage très massif.

Lifestyle et benne à ordures. Athènes, avril 2015

Fermeture de “Mythos”. Athènes, avril 2015

Près d'Athènes, raffineries et chantiers navals. Avril 2015

Dans cet autre vraie vie au jour le jour, les médecins des hôpitaux sont en grève à la date du 24 avril, ils réclament la rétribution, le versement de cette partie de leurs salaires correspondant à leur temps de travail de garde et des urgences, tandis que symboliquement, de nombreuses administrations locales et régionales du pays ont fermé leurs portes durant quelques heures ce même jour, protestant contre la décision du gouvernement SYRIZA/ANEL (prise par décret), (les) obligeant à rassembler “utilement les avoirs en liquidités des administrations locales et régionales en les transférant à la Banque de Grèce”, ce que de nombreux maires et Présidents de Région, se refusent d’admettre.

Drôle d’histoire vraiement, d’autant plus que la presse SYRIZA, fait comme elle le peut de sa pédagogie, expliquant que “les décrets actuels ont été suffisamment promulgués pour la bonne cause et qu'ils resteront exceptionnels, contrairement à ceux, édictés sans limites, par la néfaste gouvernance des précédents” (radio 105,5, le 24 avril).

Mur d'Athènes, avril 2015

Tricycle. Athènes, avril 2015

Spectacle. Cyrano de Bergerac sur la façade d'une boutique en faillite. Athènes, avril 2015

En cet avril 2015, sur les façades des boutiques en faillite, on découvre aussi les affiches de la célèbre pièce du théâtre français, et d’Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, représentée au centre-ville, où d’ailleurs, les terrasses des cafés ne désemplissent plus depuis l’installation du seul printemps avéré aux yeux de tous.

Une affichette oubliée sur un arbre, annonce alors à autrui, qu’un gentil chien... aux traits devenus imperceptibles sous les effets de la photocopie et de la récente pluie, a été retrouvé, sauf que ces bêtes sont autant si facilement adoptés et de même abandonnées par milliers en Grèce en ce moment.

L’instabilité culminante comme le nouveau maniérisme des... esclaves en tout de l'extraordinaire, dédaigneux de ce qui était jusque là habituel, règnent alors en maître à travers cette Grèce des rues et des styles. J’ai remarqué récemment dans un supermarché d’Athènes que des articles et des produits, tels les pots de miel, les conserves de jambon, certaines marques de café moulu, entre tant d’autres, ont été placés, et cela par centaines, sous de puissants dispositifs antivol, seulement neutralisés lors du passage à la caisse.

Cafés et leurs terrasses en face de l'Acropole. Athènes, avril 2015

Chien retrouvé. Affiche sur un arbre. Le Pirée, avril 2015

Porc à la broche. Athènes, avril 2015

Depuis quelques mois tout se dégrade. Les gens volent tout, vraiment tout, du jamais vu, même depuis ce temps de crise. Il n’y a plus de vergogne, voler de la nourriture, du savon ou du shampoing devient-il un acte disons normal. En plus, il y a certains produits alimentaires et certaines marques, qui sont alors davantage visés... les gens ont toujours du goût. Il y a un mois, nous avons réapprovisionné nos rayons en cette marque connue, c’est du ton en boite, accompagné de légumes. Eh bien, en une seule journée pratiquement, tout ce rayon a été désempli... pratiquement sans aucun achat. De la folie !”, dit-t-elle une employée.

J’ai autant remarqué à l’occasion que certains produits et articles manquaient, “nous ne sommes plus livrés régulièrement”, voilà pour les explications habituelles et convenues.

Une taverne populaire dans le quartier des garagistes, vient de... récupérer la façade voisine d’un ancien accessoiriste en faillite, pour y apposer sa publicité bien précise: “Porc traditionnel à la broche à 11 euros le kilo, servi”, la vie continue... accessoires moto et cross en moins !

Et pour parler de... cross, voilà le défaut probable sans quitter la zone euro, voire, un “arrangement honnête”, à la remorque de l’euro et à celle de sa “stabilité”, les pots de miel, les conserves de jambon, certaines marques de café moulu sous de puissants dispositifs antivol, à neutraliser seulement lors du passage à la caisse.

D’après “Le Monde” du jour... cette “Pravda” des banquiers et des caisses, quotidien toujours très fiévreux lorsque les intérêts des créanciers et des autres rentiers du financierisme... remorquer et moquer de nous tous, sont, si ce n’est que de peu, menacés ; la situation serait alors (presque) grave: “En attendant, la situation financière de la Grèce, si elle n’est toujours pas claire, reste inquiétante. Beaucoup d’Européens craignent que la croissance repasse à zéro en 2015. Athènes doit encore rembourser plus de 700 millions d’euros au FMI avant le 12 mai, cela devrait passer selon certains à Bruxelles. En revanche, tout le monde en convient: les échéances vis-à-vis de la BCE, en juillet (3,5 milliards d’euros), sont insurmontables pour le pays qui devrait faire défaut à ce moment-là si aucune aide ne lui parvient d’ici là”.

Athènes... à la remorque, soleil et incertitudes devenues triviales, la vie continue !

Athènes... la vie continue, avril 2015




* Photo de couverture: Navire remorqueur entre Salamine et l'Attique, avril 2015