Un accord a été conclu à l’Eurogroupe vendredi soir. Donc... satisfaction. Durant les premières minutes de sa conférence (en grec), Yanis Varoufákis perdait un peu ses... mots, “c'est de la fatigue”, a-t-il expliqué depuis Bruxelles. “La Grèce tourne la page”, affirme depuis, dans un communiqué officiel le gouvernement grec. La page est certes tournée, le chapitre est hésitant... et le livre ne change pas. Pour le moment paraît-il.
Réclame pour une cure... naturelle d'amaigrissement. Athènes, février 2015 |
“Cet accord ne concerne qu'une période de quatre mois, tandis que notre législature s'étale sur quatre ans, ne l'oublions pas” a toutefois voulu préciser Yanis. Le mémorandum est mort... vive “la restructuration intelligente”, terme nouveau, apparu ce soir.
On comprendra que les négociations reprendront réellement dans quatre mois ; ou plutôt, les décisions deviendront alors urgentes. Et c’est alors ainsi que depuis l’Eurogroupe, les nouvelles mesures grecques... et bien modernes seront attendues pour validation. “Nous ne reprendrons plus de mesures imposées, concernant les retraites, la TVA, la Santé, par exemple, tout simplement, nos mesures n'affecteront pas l'équilibre budgétaire durant cette période. La Grèce sort ainsi de l'isolement causé par cinq années de mémorandum”, a encore déclaré par la suite notre Yanis... un peu moins hésitant.
Il a enfin estimé que “nous avons pu concilier le respect des règles de l'Eurogroupe avec celui de la Démocratie, et cela signifie qu'un grand pas a été accompli en Europe. La Grèce laisse le mémorandum derrière elle et devient coauteur des réformes et de sa destinée” pour ainsi finir... dans la très haute technicité: “Nous pensons réduire la dette par des swaps”, contrats d'échange de flux financiers entre deux parties, qui sont généralement des banques ou des institutions financières comme on sait.
Athènes, février 2015 |
Je retiens que les autres, Christine Lagarde, Jeroen Dijsselbloem et Pierre Moscovici ont été davantage souriants et décontractés que les nôtres. “Cette soirée était un moment important dans le processus de négociation avec Athènes. Ce fut un moment important pour regagner la confiance. L'issue est vraiment positive”, s'est félicité Jeroen Dijsselbloem... Grand Écuyer de l'Eurogroupe.
“Cet accord met fin à la période d'incertitude pour la Grèce. Un accord était possible si tout le monde avait une approche raisonnable. Il fallait faire preuve de logique, pas d'idéologie. L'accord trouvé est équilibré”, a jugé Pierre Moscovici, commissaire (politique) européen à l'économie. Donc on a certainement fait preuve d’idéologie libérale mortifère et de logique européiste !
Quatre mois c’est bien court et toutefois si long. En réalité, la Grèce... Tsipriote a acheté cher un peu de temps. Le problème sera de mettre ce temps à... perte et surtout à profit pour réellement changer de cap. Le fera-t-elle ? Ensuite, tout sera mis en œuvre par les rapaces d’Athènes et par les... Proconsuls de l’européisme métropolitain pour affaiblir le gouvernement SYRIZA/ANEL et cela, jusqu’à sa chute... si besoin et si possible. Attendons donc juin peut-être, puisque “nous avons arraché enfin un accord qui ne nous oblige plus à pratiquer l'austérité”, dit le communiqué officiel du gouvernement grec.
Sauf que deux femmes sont mortes, l’une à Athènes et la deuxième en Grèce du nord vendredi 20 février, suite au fonctionnement... erratique de leurs moyens de chauffage et des émanations, comme on dit... depuis que le mémorandum de l’Eurogroupe 2010 et 2012 a fait disparaître le chauffage central pour un bon nombre de foyers en Grèce (journal radiophonique de 105,5, le 21 février). Elles ne connaîtront pas d’autre Eurogroupe et elles n’attendront pas juin prochain.
Athènes, février 2015 |
Mon ami Th., chômeur et dépité, voit les choses un peu autrement: “Depuis ce soir, nous avons un nouveau gouvernement. Une coalition SYRIZA/ANEL/Dijsselbloem ! Espérons qu’en juin... Dijsselbloem ne fera plus partie du gouvernement”. Et pour Pablo Iglesias de Podemos, “à défaut d'un accord avec la Grèce, peut-être dans quelques mois, ils auront à négocier avec Marine Le Pen”, interview accordée à la chaîne de télévision CNBC aux États-Unis. Une première grande fissure en tout cas, apparait désormais dans le mur européiste.
En d’autres temps aussi hésitants, les accords de Locarno, en 1925, avaient suscité un immense espoir. D’après un article de l’époque paru dans le “Times”: “Austen Chamberlain, le ministre des Affaires étrangères britannique, tremblait et pleurait de joie, de même que le ministre des Affaires Étrangères français, Aristide Briand. Benito Mussolini baisa la main de Mme Chamberlain. La fanfare jouait. Toute la foule assemblée sur la place dansait”.
Pour Aristide Briand, ces accords devaient apporter à l’Europe d’après-guerre une nouvelle ère: “Si les accords de Locarno ne correspondent pas à un esprit nouveau, s'ils ne marquent pas le début d'une ère de confiance et de collaboration, ils ne produiront pas ce grand effet que nous en attendons. Il faut que de Locarno, une Europe nouvelle se lève. L’accord de Locarno que nous consacrons par nos signatures a ceci d’encourageant: il procède d’un autre esprit ; à l’esprit de précaution, de soupçon, se substitue l’esprit de solidarité. ”.
La suite est connue mais l’histoire ne se répète pas. Donc... satisfaction.
Greek Crisis s’accorde (enfin) trois jours de repos. Le lundi pur (23 février cette année), marque le début du grand carême orthodoxe. Quarante jours... comme quatre mois !
Athènes, 2015 |
* Photo de couverture: Athènes, février 2015