Greek Crisis

mercredi 17 septembre 2014

Mémoire collectée



La Grèce du moment commémore les siens, trépassés récents ou alors du temps d’avant. Certaines radios ont ainsi et enfin évoqué mardi 16 septembre la mémoire de Maria Callas, décédée à Paris il y a tout juste trente-sept ans, tandis que dans l’atmosphère déjà chargée de notre ville, les affiches, les manifestations et les concerts de la semaine ne feront certainement pas oublier qu’il y a un an, et plus précisément le 18 septembre 2013, le musicien et chanteur Pávlos Fýssas tombait assassiné de la main de l’Aubedorien Yórgos Roupakiás. Pays... privée de musique en quelque sorte.

Maria Callas, 1923-1977

Les affiches, très nombreuses, incitent à participer à cette première commémoration supposons désormais annuelle, en conséquence, une certaine presse pro-gouvernementale s’inquiète “du risque des débordements, voire des frappes terroristes”. Certes, l’atmosphère est bien orientée à l’orage du côté de la météo et pas uniquement, sauf que le plus grand nombre ne se sent pas il faut dire particulièrement concerné par ces mises au point de la mémoire.

Les Grecs aurait peut-être la mémoire courte ou sinon saturée depuis ces événements si épais et ainsi inlassables des derniers quatre ans sous le troïkanisme intégral. Et quant à Maria Callas, n’en parlons plus, rares sont ceux qui de temps à autre, évoquent encore sa mémoire, musiciens ou alors simplement navigateurs, navigants et passagers, en route près de la zone où ses cendres ont été dispersées en 1980 en mer Égée (ou ce que l'on pense être comme telles), au large des côtes de l’Attique.

Concert dédié à Maria Callas. Athènes, septembre 2014

Orages sur Athènes, “To Pontíki” le 16 septembre

Et les débordements ont déjà eu lieu comme parfois... du côté de certaines unités de la Police. Des participants à une manifestation et concert dédiés à la mémoire de Pávlos Fýssas ont été molestés sans raison, comme on dit parfois avec naïveté, par les forces de l’ordre appartenant aux unités dites d’intervention mobile, “DIAS”.

Ces unités agissent en dehors de tout contrôle” a déclaré à la presse le Maire de Víronas (près d’Athènes), Ákis Katopódis, victime... collatérale de cette même violence et blessé à la jambe mardi 16 septembre. Dans un entretien accordé à la radio 105.5 (17 septembre), il a voulu préciser que lorsqu’il s’est rendu par la suite au Poste de Police de sa ville, le Commissaire compatissant aurait ainsi exprimé son aporie: “Je n'en étais pas informé et je n'ai aucunement donné de tels ordres à ces unités”.

Affiches et manifestations commémorant la mort de Pávlos Fyssas. Athènes, septembre 2014

La crise, c’est à dire la transformation radicale de notre régime politique se poursuit alors nuit et jour. Le flou policier accompagne alors le... jaunissement démocratique, un pêle-mêle de formes grises, effacées et anesthésiées, pour paraphraser le grand écrivain (Émile Zola, “Le Ventre de Paris”). “Le capitalisme actuel n'a pas besoin de la démocratie” explique dans un entretien récent accordé au journal “Drómos tis Aristerás” (“Voie de la Gauche”), l’historien Spýros Asdrachás (il a également enseigné à l’École Pratique des Hautes Études à Paris) et tel est effectivement le sens profond quant à nos nouveaux régimes déjà en Europe, européiste et occidentale.

Pour l’historien: “Il se passe alors quelque chose de radical en ce moment, sauf que les gens ne le réalisent pas suffisamment. Autrement-dit, la prolétarisation de la classe moyenne en Grèce et d’ailleurs, n’est pas encore vécue, ni imaginée, surtout comme telle par ceux qui sont les premiers concernés, c’est à dire le plus grand nombre. Les Grecs sont donc devenus les premier cobayes de ce nouveau monde et en même temps régime politique, façonnés par les banquiers et plus amplement par les élites financières. J’ai comme l’impression que nous nous trouverions dans un moment historique analogue à 1789 ou à 1917”.

J’ai déjà souligné que la faillite de la Grèce entraîne fatalement son amputation territoriale, sauf que les tenants du pouvoir ont trouvé la parade. Cela ne passe plus par la guerre disons à l’ancienne, mais par la vente obligée... du pays, lequel est en ce moment bradé, morceau par morceau. De plus, une perte territoriale brutale, c’est à dire bien plus visible, irait aussitôt unir les Grecs contre les conquérants”.

L'entretien de Spýros Asdrachás

Territoires de la Grèce bradés via le TAIPED. Septembre 2014

En ce moment et ce non pas par hasard, la Société Ornithologique grecque propose une cartographie du pays bradé de la sorte via le TAIPED, s’agissant des territoires et des biens immobiliers dont la propriété est transférée au TAIPED, le “fonds grec chargé de valoriser et vendre les biens publics grecs” dans le cadre du large plan de privatisation exigé et planifié par les créanciers. On y découvre de tout, plages, monuments classés, sites naturels reconnus, hôtels ou même îlots, parfois dans ces zones classées Natura2000, le fameux réseau européen de sites naturels reconnus pour leur grande valeur patrimoniale du fait de la faune et la flore exceptionnelles qu'ils contiennent... indigènes compris.

C’est en cela qu’un nouveau statut... de l’indigénat général et généralisable se met alors en place, ici et ailleurs. Au même moment, nos médecins sont certainement très bien reçus en Westphalie, où d’après les déclarations du ministre de la Santé du Lander: “Les médecins Grecs sont très bien formés, ainsi, ils pourront contribuer à l'amélioration du niveau de prestations de système de santé en Allemagne” (Deutsche Welle et quotidien “Eleftherotypía”). Les morts ainsi que nos autres mourants des hôpitaux ici (ou dépourvus de Sécurité Sociale, un... petit tiers de la population en Grèce), salueront le... progrès ainsi que le postmodernisme de cette Europe très certainement ultime.

Médecins Grecs en Westphalie. “Eleftherotypía” du 16 septembre

L’automne arrive, le “gouvernement” semble paniquer devant l’influence renforcée de SYRIZA dont le chef, Alexis Tsípras sera reçu par le Pape François (Jorge Mario Bergoglio) jeudi 18 septembre au Vatican... en somme, une première.

D’après les reportages de la presse grecque et italienne parmi les thèmes abordés, celui de la pauvreté sera au centre de la rencontre. Je dirais que quelque chose se prépare du côté de SYRIZA, déjà, une partie de la presse grecque estime que Samarás et les siens auraient perdu... tout crédit auprès des “créanciers” de la Grèce. C’est autant vrai que par les temps qui courent, la Grèce... n’a plus de prix.

Alexis Tsípras au Vatican

En temporisant fatalement avec la paupérisation, Arístos, responsable marketing entame un procès contre “sa” maison d’édition où il travaillait. Son salaire étant de nouveau paupérisé, il fut ainsi... retardé de six mois et tout récemment, il vient d’apprendre qu’il souffre d’un cancer. Lui comme son salaire.

L’été grec, dont celui de Jacques Lacarrière n’est visiblement plus. Amoureux du grec ancien, de la Grèce ainsi... refaite de l’après-guerre et de la mythologie, son essai “L'Été grec” (1976) lui vaut un succès immense, il avait connu les saisons difficiles d’une autre Grèce mais cela, avant la... nouvelle ère intergalactique.

Décédé le 17 septembre 2005 à Paris, sa mémoire et son œuvre furent évoquées lors d’une émission de la radio culturelle et musicale, le légendaire “Troisième Programme” enfin revenu en 2014, après plus de six mois de silence, et c’est tout de même une bonne nouvelle.

Soleil levant, golfe Saronique, septembre 2014

Automne en Grèce, Péloponnèse, septembre 2014

Une autre bonne nouvelle c’est cette manière anticonformiste de vendre et d’acheter certains produits et denrées de tous les jours, en passant par ces nouvelles structures, dites, d’épiceries solidaires et coopératives proposant uniquement ce qui est produit en Grèce. “Nous sommes là depuis quelques mois, c'est inédit et c'est autant un lieu de rencontres” assurent les gérants d’une telle enseigne au nom légendaire de “Pandore”.

Pandore, Athènes, septembre 2014

Cependant, et aux dires de tous, note sociabilité poursuit alors sa chute vertigineuse hors Pandore. Temps de crise, paupérisations et rencontres parfois impossibles derrière les vitres du repli. Sauf lorsque le lien passe enfin par le collectif réinventé. Tout un programme... de ce nouveau monde et d’un certain Printemps à refaire.

La Grèce retrouvant sa musique en quelque sorte.

Rencontres parfois impossibles. Athènes, septembre 2014




* Photo de couverture: Athènes, septembre 2014