Greek Crisis

vendredi 9 mai 2014

Tourisme politique



La saison avance. Incontestablement déjà, celle du tourisme, de même que cette autre nouvelle saison des opportunités électorales. Georges, mon ami de Chios, en... séjour médical à Athènes récemment, restitue les faits et gestes, ou plutôt gesticulations sur l’île: “Dimitris, ami intègre comme on dit parfois, se représente et pour la première fois aux élections locales. Lui, qui a toujours fustigé ces conduites du népotisme. Il prend sa retraite cette année, désormais trop juste pour assurer une certaine décence. Il doit en plus assumer les études de sa fille...”. En effet.

Visiteurs d'Athènes et d’Attique, mai 2014

Cette année... pluri-électorale, une myriade de candidats, plus locaux que jamais, sollicitent l’esprit prétendument citoyen, lui promettant des jours meilleurs, les leurs surtout. Les petits candidats, ceux qui “se sacrifieront pour le bien commun” rien que pour un strapontin de conseiller municipal, font déjà preuve de ce “professionnalisme” mêlé au lifestyle du (tout) dernier charme et de l’ultime chance.

Leurs atouts... politiques égaleraient leurs réalisations professionnelles présumées réussites études comprises. Essentiellement, leurs matériaux de campagne dans les faits et par leur forme, ce sont de véritables CV avant embauche... réussie. Ils sont alors architectes, médecins, acteurs même, enseignants confirmés. Ou sinon, ils appartiennent à cette jeunesse la trentaine bien entamée, aux études brillantes, de préférence de management, et dont la seule expérience professionnelle se résume à leurs trois passages prolongés par les bureaux d’un quelconque ministre ou ministrion, du temps toujours actuel de la “gouvernance” historique du PASOK et de la Nouvelle démocratie.

Certains d’entre eux, iront même jusqu’à exhiber leur expérience et expertise pour ce qui est de la gestion des fonds structurels de la funeste UE... alors si chère à tous ces gens. Donc, on les comprend aisément... les règles du marketing en plus. Ce siècle, qui marquera rapidement assez tôt la fin effective et autant formelle des démocraties semi-oligarchiques dans toute la petite galaxie occidentale, est d’emblée celui de la pornographie civilisationnelle, et ensuite politique. Époque en somme brouillon et terriblement assourdissante. Dans une interview accordée à notre Manos Hadjidakis vers 1986, Nathalie Sarraute avait prédit la fin des démocraties occidentales. “Je crains ce moment, celui de leur disparition car le ressens très proche”

Marketing des candidats aux élections municipales et locales. Athènes, mai 2014

Kiosque électoral de l'ancien maire d'Athènes Kaklamanis. Mai 2014

L’engouement... politique est si général, jusqu’à susciter les vocations les plus inattendues. Dans un café de la capitale, un policier exposait à son collègue sa vision du futur proche: “Tu sais, je suis candidat aux élections municipales pour un mandat de conseiller, ou peut-être bien d'adjoint au maire, au village bien entendu. Ma famille... réalise ma candidature sur le terrain, en cas de réussite je abandonnerai alors le service et ciao !”.

Cette... sociologie politique renouvelée, ne passe pas inaperçue du grand nombre des intermittents... de la citoyenneté par un jour de vote en premier lieu. Les moins lotis, les chômeurs, les travailleurs restants et spoliés de presque tout, se sentent ainsi fort dépassés... par l’outrage qui leur est infligé. Des interrogations persistent alors, et même certains éditorialistes de la presse écrite posent donc cette question ouvertement: “D'où provient cet argent ainsi dépensé par les candidats ?

Mystères... expérimentés. En Attique, mai 2014

Le mystère est comme souvent tout relatif. Car devant les incertitudes de la crise, certains risqueront leurs dernières billes ou ils recycleront... financements occultes et variés. Des entrepreneurs visibles ou invisibles financent tant certains candidats, au Pirée par exemple ou en Crète. Et les carrières de l’après-crise, seront... démocratiquement désignées ou elles ne seront pas. Pour d’autres, c’est la poursuite du népotisme par d’autres moyens, et certainement... leur dernière chance avant le chômage ou l’émigration. Ils compteront donc sur la complicité compréhensible de tous les autres, électeurs... para-citoyens, et qui attendent quelque chose en retour.

Finalement, la crise, la paupérisation, voire, la raréfaction de la masse monétaire en circulation, auront ingurgité nos solidarités naissantes (par césarienne). L’homme... nouveau tardera, ou sinon, il serait dès lors terriblement discret. Déjà qu’en temps normal, c'est-à-dire avant la crise, une bonne partie des supposés acteurs sociaux se trouvèrent exclus du fait politique (ou plutôt de sa parodie)... alors maintenant c’est bien pire. D’autant plus que cela (enfin) se voit.

Mémoire historique des luttes sociales et politiques depuis 50 ans. Cycle de conférences. Athènes, mai 2014

Tel est d’ailleurs l’embarras de SYRIZA notamment, et des partis de la Gauche plus généralement. Le parti d’Alexis Tsipras a du mal à convaincre, quant à sa... vocation (en tout cas affichée) d’incarner la voix des... gueules socialement cassées de l’Europe actuelle, puisque la candidature très politique d’Alexis Tsipras pour le poste du chef de la Commission européenne prétend incarner “l'altra Europe con Tsipras”. Mais avec la crise, le temps des incarnations s’achève ; notre époque devient alors sèchement monnayée et monnayable. Pertes et surtout profits.

Touristes à Athènes, mai 2014

Devant le “Parlement”, mai 2014

Heureusement dans un sens que nos touristes ne remarqueront pas grand-chose de tout ce vacarme. Manolis le Crétois remarquera quant à lui que sur son île, les touristes de mai “sont socialement plus pauvres et culturellement moins intéressants que ceux de la capitale”. Mais l’essentiel est accompli, la saison est lancée. En outre, Antonis Samaras et son gouvernement distribuent quelques miettes du prétendu excédent primaire aux paupérisés du pays (200.000 personnes environ), opération entreprise cette semaine.

De même, notre Constitution sera bientôt “modernisée” aux dires du premier ministre, “car il est grand temps”. Et voila que déjà, le semi-mémorandum IV, vient d’être adopté par le “parlementaires” vendredi 9 mai. D’après la presse du moment, l’Union des industriels demande l’abolition d’un certain nombre d’articles jugés “gênants pour la libre économie”, lorsque ce ne sont pas les Troïkans qui interviennent directement dans le même sens.

Une part de la presse écrite (semaine du 5 mai), ainsi que WWF-Grèce, expliquent que le dernier projet du projet de loi du ministre des Finances Stournaras, déjà conçu en violation de la Constitution et autant des réglementations par exemple Natura 2000, projet lequel défigurera le littoral, ce texte aurait donc été directement rédigé (en anglais) par ses amis et conseillers... œuvrant pour le bon compte des fonds vautours. Les masques tombent sauf que la société aurait déjà perdu sa tête avant.

Fruits, Athènes, mais 2014

Les touristes et les animaux adespotes. Athènes, mai 2014

Ce printemps est déjà le mois des fruits avancés et de la crise mûre. Nos touristes admireront les adespotes avant une première baignade, ou la taverne rénovée des bords de mer. Mais la crise sait se montrer sous divers visages. À Rhodes déjà, et d’après la presse locale, les touristes achètent peu, hors alimentaire bien entendu.

À Rhodes toujours, mon cousin Sotiris a été enterré ce vendredi suite à son malaise du jeudi soir. À l’hôpital, ils n’ont pas su ou pu déterminer la gravité de son ultime urgence. Il était imprimeur. Dans la famille, on pense que “c'est sans doute parce que le personnel manque cruellement”. Mais peu importe ce que les familles pensent parfois. De toute évidence, la saison avance et incontestablement déjà celle du tourisme et des opportunités électorales. Sotiris (le Sotère...) qui ne fut pas sauvé avait 62 ans.

La presse locale de Rhodes publie la nécrologie de mon cousin, tandis que celle de l’île de l’Eubée, en fait autant se penchant sur le cas de l’instituteur de la bourgade de Kimi. Le ministère lui avait refusé un départ à la retraite et l’intéressé avait mis (de nuit), le feu à son école il y a un mois. Il vient de se suicider.

Publicité pour un certain vin. Mai 2014

La Grèce souffre de cette clef qui tourne dans ses entrailles, comme sur cette publicité pour un vin... disons inqualifiable. Ainsi prendre la mer, c’est déjà une mise à distance nécessaire. Ou presque. Naviguant entre l’île de Patroklos et la côte d’Attique nous pensions à ces 4.000 “caduti”, soldats Italiens perdues à jamais lors du terrible naufrage de l’Oria et de l’année 1944, lorsque nous avons reçu un message PAN-PAN sur le canal 16 de la VHF.

Nous avons baissé notre voile, puis scruté la mer pour ainsi dire sous le temple de Poséidon. Un hélicoptère de l’Armée avait fait son apparition dans le secteur prouvant ainsi... que notre État ne serait pas définitivement perdu. Enfin, le surfeur d'une soixantaine d'années porté disparu en fin d'après-midi, a été retrouvé sain et sauf sans sa planche.

D’autres... surfeurs, ceux des migrations, des flux de la mondialisation et de ses guerres... si bien initiées et autant initiatrices paraît-il des périodicités des historiens, n’ont pas toujours cette chance, en mer Égée ou ailleurs. Lundi 5 mai, à quelques encablures de l’île de Samos, 22 migrants ont péri noyés après le chavirage du yacht de 12 mètres sur lequel avaient embarqué depuis la Turquie, les garde-côtes grecs ont repêché en mer et sauvé 36 d’entre eux. Même la... très grande presse en faisait sa Une. Époque décidément... trop fluide.

La tragédie de Samos à travers la presse. Mai 2014

Les lieux approximatifs du naufrage de l'Oria près de l'île de Patroklos

Nous avons franchi le Cap Sounion sous un vent assez fort et dans une mer déjà formée, laissant derrière nous ses touristes... et par la même occasion, les opportunités électorales de nos touristes de la politique.

La Grèce, ses vents réels et ses mystères... ainsi respirés par les trépassés et par ces autres qui encore naviguent pendant que la saison avance.

Mystères, Athènes, mai 2014




* Photo de couverture: Cap Sounion, mai 2014