Greek Crisis

mercredi 8 janvier 2014

Présider au mouroir



La dite présidence européenne de la Grèce a été inaugurée en grande pompe mercredi 8 janvier en présence de l'ensemble des commissaires européens au palais Zappion à Athènes. Derrière les barrières de sécurité et sous une protection policière qui a mobilisé plus de deux mille agents, les Grecs du matin, plus indifférents que jamais, n’avaient aucune envie de commenter les faits. La méta-démocratie du régime de la Troïka fait encore semblant “donnant dans l'image”, sauf pour interdire toute manifestation contre l’Union européenne de 6h du matin à minuit.

Surveillance policière devant le Parlement. Athènes, le 8 janvier

Pourtant, les rassemblements du jour et surtout de la soirée, organisés par certains mouvements et partis de gauche, dont ANTARSYA et le Plan-B ont été maintenus. SYRIZA, ainsi que le KKE (le PC grec) n’appellent pas à manifester, toutefois Alexis Tsipras de la Gauche radicale, Fotis Kouvelis de la Gauche démocratique ainsi que Panos Kammenos des Grecs indépendants (droite), ont boudé les cérémonies circonstancielles du régime de Samaras.

La circulation fut interdite au centre-ville, certains graffitis ont été effacés à la hâte tandis que les sans-abris et autres mendiants et débris aux temps de l’imposture européiste ont été dissimulés durant toute cette journée du simulacre. Pauvres politiciens !

Place de la Constitution. Athènes, le 8 janvier

Une certaine presse grecque n'ira pourtant pas par quatre chemins pour commenter cette dernière bringue... (terme) à l'étymologie suffisamment allemande: “Les technocrates haïs de l'UE et le gouvernement tremblent alors devant la rage populaire” et “L'UE a transformé l'Europe en une prison antidémocratique et autoritaire”, par exemple sur le site d’information de la mouvance gauche de SYRIZA. Et presque partout ailleurs, même lorsqu’on évoque à travers la presse progouvernementale cette “présidence pauvre de la dignité perdue”. Belle... époque enfin finissante !

Circulation déviée. Athènes, le 8 janvier

Le smog au loin. Athènes, le 8 janvier

La présidence grecque. “Quotidien des Rédacteurs” du 5 janvier

La Grèce dans ses cartons made in Germany. “Quotidien des Rédacteurs” du 5 janvier

Rien qu’en regardant au loin et en face de la dite Assemblée nationale, on observera toujours ce smog d’Athènes et de la Grèce aux années de la Troïka, notre ultime pollution, suite au choix... démocratiquement imposé en matière de bois de chauffage après le triplement du prix du fioul domestique. La seule concession et encore, du “gouvernement” cette semaine, fut l’annulation de la récente mesure obligeant à verser la somme de 25€ désormais par... unité, et pour toute admission à l’hôpital public.

Au pays où un tiers des sujets qu’y habitent encore “se retrouvent” alors hors système de santé, donc en plein mouroir, c’est alors la goutte qui a fait déborder... la perfusion de la Troïka. C’est ainsi qu’en lieu et place de cette mesurette, le prix du tabac augmentera de cinq centimes d’euros par paquet de cigarettes. Magnifique enfumage !

La place à bord est à 25 euros. “Quotidien des Rédacteurs” du 7 janvier

D’où ce dessin paru dans la presse, représentant un hélicoptère posé sur la toiture du Palais du Premier ministre: “La place à bord est à 25 €”, et tout le monde comprendra le sens ainsi que les attentes des Grecs alors dans leur immense majorité. C’est autant en cela qu’à nos yeux, les festivités de la journée de la dite présidence grecque à l’univers néo-concentrationnaire de l’UE, sonnent si faux: On dirait un rituel de mariage représenté par un mimodrame d’extra-terrestres lors d’un enterrement. Pauvre Europe morte et indubitablement, risque d’effondrement !

Risque d'effondrement. Athènes, le 8 janvier

Toutefois notre journée du 8 janvier fut ensoleillée et bien clémente à Athènes. Nos animaux “adespotes” (sans maîtres) nous accompagnèrent dans nos apories, tel ce chien qui a trouvé porte close devant la clôture du jardin botanique pour raisons de sécurité. Heureusement du moins... il ferait toujours bien vivre pour les siens, sous l’Acropole.

Porte close devant le jardin botanique. Athènes, le 8 janvier

Il ferait bien vivre sous l'Acropole. Athènes, le 8 janvier

Au quartier de Plaka on préparait déjà certaines façades et boutiques pour la prochaine saison touristique, tandis qu’une petite moitié de la population active travaille encore dans ce pays tourisme ou pas.

Au quartier de Plaka. Athènes, le 8 janvier

Au quartier de Plaka. Athènes, le 8 janvier

Nous admirons donc... et de plus en plus, nos concitoyens qui ne chôment pas encore. D’autres par contre, s’y perdent et peut-être hélas à jamais. P.K. qui est le collègue d’un ami se trouve dans le coma depuis un mois déjà. Il avait réclamé en vain des arriérés de salaire sur cinq mois à son employeur. Le même soir “il a été victime” d’une hémorragie cérébrale. Cette semaine, c’est notre ami Sakis D. qui “est tombé” dans une pareille léthargie. Même hémorragie alors survenue après une accélération dans les cadences au travail comme on dit “car la crise exige des sacrifices et que les chômeurs dehors sont alors légion”.

Travailleur. Athènes, le 8 janvier

Sur un mur. Athènes, le 8 janvier

Envie de vie libre. Athènes, le 8 janvier

Les murs d’Athènes dégoulinent alors d’envie de vie enfin libre. La dite présidence européenne de la Grèce, certes est inaugurée en grande pompe mercredi 8 janvier en présence de l'ensemble des commissaires européens au palais Zappeion à Athènes, mais ces gens n’y distingueront rien de tout cela.

La Grèce “préside” alors le mouroir commun des peuples de l’Europe. Une affiche dans une station du métro donne l’alerte du jour quant à la disparition d’un homme âgé. Personne n’y prêtera la moindre attention. Les passagers ne regardent qu’ailleurs, c'est-à-dire nulle part. C'est-à-dire en Grèce.

Disparition. Athènes, le 8 janvier

Quatre stations plus loin, une photographie historique agrandie, montre les travaux du percement des galeries, c’était en 1895. L’État grec avait fait faillite comme on sait en 1893 déjà, et on sait aussi que la guerre de 1897 fut une guerre orchestrée et d’opérette, visant à imposer à la Grèce le contrôle financier international (par les prêteurs étrangers du pays), une sorte de Troïka de l’époque qui avait pris ses... fonctions en 1898.

Le métro d'Athènes, travaux de 1895. Athènes, le 8 janvier

Nourriture pour animaux adespotes. Athènes, le 8 janvier

À Athènes on nourrit alors l’espoir de la délivrance face à la Troïka de 2013 et des escrocs internationaux et en attendant... certains arrivent encore à nourrir nos adespotes, animaux comme humains.

Dans le métro encore, certains évoquaient cette nouvelle junte de Samaras, de la Troïka et de l’Union européenne. Au soir du 8 janvier, les manifestations athéniennes ont été violement réprimées par les forces de l’ordre nouveau, celui des commissaires, des banquiers, des fraudeurs et des pillards de ce qui était jadis une certaine culture de l’Europe et de la démocratie.

Manifestation anti-UE. Athènes, le 8 janvier

Drapeau de l'UE brûlé lors de la manifestation. Athènes, le 8 janvier

Pavlos Antonopoulos enseignant et manifestant menotté. Athènes, le 8 janvier

La méta-démocratie du régime de la Troïka a fait encore semblant “donnant dans l'image”, sauf que la manifestation interdite contre l’Union européenne a bien eu lieu.

Interrogé par un ami français venu nous rendre visite à Athènes lors des fêtes, Theodoros qui ne chauffe plus son appartement depuis 2011, lui a dit ceci: “Quoi qu'il arrive nous survivrons à la Troïka et à l'Union européenne. Même à cinq millions d'habitants au lieu de dix. Nous sommes d’ici depuis si bien longtemps pour disparaître ainsi, et c'est plutôt l'UE dans sa toute dernière mouture qui est déjà morte, d'abord à travers la conscience des peuples, puis dans les faits tôt ou tard”.

Finalement cette journée athénienne du 8 janvier a été bien douce et lumineuse, à l’exception notable... des activités humaines. Certaines âmes ont même bien profité du soleil ainsi que des splendeurs de l’insignifiant. Pas nous.

Certaines âmes. Athènes, le 8 janvier




* Photo de couverture: Palais Zappion. Athènes, le 8 janvier