Greek Crisis

mardi 31 décembre 2013

L'heure juste du crépuscule



Moments dits des vœux en tout genre. L’année 2013 enfin nous abandonne dans cette “futilité fleurie du monde”, d’après notre poète Tasos Livaditis et de son remarque qui appartient à un dernier recueil de textes, écrits seulement quelques mois avant sa disparition physique en 1988, publiés post mortem.

Athènes, le 31 décembre

Athènes saluera cette quatrième année sous l’occupation par le régime de la dette sans soulagement ni trop d’espoir d’ailleurs. Juste ce qu’il faut seulement ! Dans la journée du 31 décembre on respirait encore le smog des cheminés et des autres émanations de la crise, l’odeur de la poudre en plus, après l’attentant impressionnant de la veille. Car d’après la presse du jour, “la résidence de l'ambassadeur d'Allemagne à Athènes a été visée lundi par des tirs de kalachnikov, un attentat condamné par les responsables politiques grecs inquiets pour l'image du pays qui prend mercredi la présidence tournante de l'Union européenne. (...) Dans une interview au quotidien allemand Bild publiée lundi et réalisée avant l’attentat, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble assure que les Européens ‘ne laisseront pas tomber’ la Grèce sur le plan économique, ouvrant la porte à de nouvelles aides. Il a qualifié de ‘grande chance’ pour le pays la présidence de l’UE.”.

Sauf que d’après ce que j’entends dans les rues et les cafés d’Athènes la doxa commune, aurait plutôt tendance à se satisfaire de cet attentat, surtout et dans la mesure où heureusement, il n’y a pas eu de victimes. En clair, les Grecs et en majorité, souhaiteraient que ces “Européens”, Allemagne comprise, laissent enfin tomber la Grèce. “Tomber”, c'est-à-dire se relever pour si possible corriger cette corruption de langage et corruption tout court.

L'attentat contre la résidence de l'ambassadeur de l'Allemagne. “Kathimerini” du 31 décembre

Les pots-de-vin allemands et politiciens grecs. “Quotidien des Rédacteurs” du 30 décembre

La supposée bonne presse internationale oubliera comme à son habitude que de rappeler alors le contexte dans lequel a eu lieu cet attentat. Pas la presse grecque, laquelle ces derniers jours enquête sur ces affaires pas si veilles de corruption germano-hellénique aux nombreux comparses.

Tel Dimitris Papachristos, ancien représentant de la société allemande WEGMANN actuellement sous contrôle judiciaire. Il aurait ainsi... offert 750.000 euros à Antonis Kantas, alors à la tête de la cellule “Achats d'armes” au ministère de la Défense, c’était en 2001 et le contrat entre la Grèce et la société KRAUUS - MAFFEI WEGMANN s’élevait à presque deux cent millions d’euros. Cette semaine, Dimitris Papachristos et Antonis Kantas ont été placés en détention. Le fameux contexte... s’y prête aussi pour cette raison, d’autant plus que les donneurs de leçons depuis Berlin, ont fait de leur mieux pour ainsi imposer à la Grèce ce régime politique dit de la nouvelle Occupation. On se rappellera autant que notre “Temple des Muses, le bâtiment historique du cercle intellectuel et littéraire Parnasse, fut transformé par l'occupant nazi en Tribunal militaire, à la mémoire des Grecs alors condamnés”. Contexte toujours, je remarque que ces plaques commémoratives passent moins inaperçues qu’auparavant.

Place St Georges. “Ce Temple des Muses transformé par les nazis”. Athènes, le 31 décembre

Athènes, le 31 décembre

Par stoïcisme ou par lassitude nous n’avions, il faut le dire, plus envie d’évoquer ces affaires en cette dernière journée de 2013, année qui restera dans les annales, déjà pour ses fumisteries en tout genre. Dans la journée du 31 décembre du moins, j’ai remarqué avec soulagement combien les librairies du centre-ville avaient été bien fréquentées, prix cassés ou pas. La dite crise nous entraînerait déjà vers l’essentiel, la survie, la quête de la nourriture et ensuite celle des livres. Pour certains d’entre-nous en tout cas.

Rue Stadiou,“Bonne chance”. Athènes, le 31 décembre

Rue Stadiou, une composition récente résume alors le sens entier des vœux encore possibles en Grèce et en ce moment: “Bonne chance”. Dans le même ordre d’idées mais avec davantage de précision, les nouvelles affiches du parti du Plan B, collées sur chaque vitrine des magasins en faillite furent très bien accueillies des passants: “Ouverture prochaine, dès notre sortie de l'euro”. Devant une telle affiche, un affamé des temps d’après... déjà accomplis compléta le texte ainsi que le... meilleur du contexte: “J'ai faim”. Ce qui veut dire que 2014 sera peut-être et enfin une... bien autre année.

Au centre-ville. “Ouverture prochaine” et “J'ai faim”. Athènes, le 31 décembre

En attendant les ouvertures prochaines, les Grecs et ceci pour la quatrième année consécutive déposent alors par milliers auprès des Préfectures, les plaques d’immatriculation de leurs (trop) chers véhicules, ne pouvant plus supporter d’abord le coût de la vignette et ensuite tout ce qui suit. Dans un sens... c’est de la décroissance, et de ce fait, le ministère des Finances ne percevra de taxes à hauteur de 150 millions d’euros, mais passons, et surtout passons-nous d’analyses en ce moment.

Les Grecs déposent les plaques d'immatriculation. Hebdomadaire “To Pontiki”

En attendant 2014, nous avons pris le métro... et bu un café entre amis peu avant “l'heure juste du crépuscule”, celle qui d’après Tasos Livaditis, “concède alors de l’importance aux affaires les plus humbles avant la tombée de la nuit”. Artémis, l’adespote des lieux mais connu des tous, nous observa je suppose dans notre “futilité fleurie du monde” et du temps. Moments dits des vœux en tout genre. 2014... et bonne chance.

Artémis, l'animal adespote. Athènes, le 31 décembre




* Photo de couverture: Temple de Poséidon au cap Sounion, décembre 2013