Greek Crisis

lundi 18 février 2013

Entrepôts




L’hiver grec déjà, est bien sur le déclin. Les amandiers fleurissent, nos félins “adespotes” s’agitent... par nature, et avec eux, les despotes de l’Etat d’Athènes, apparents ou non. Le pâtissier du quartier ne supporte plus d’avoir froid chez lui, nous autres nombreux “desposés” non plus. Vivement le printemps. Vendredi midi chez nos amis et habitants du vieux centre-ville, personne n’a osé se dévêtir... nous sommes restés habillés comme sortant de chez nous. Visiblement, certaines barrières... vestimentaires entre le “dehors” et le “dedans” sont en train de tomber aussi après tant d'autres, depuis le mémorandum. Et pour finir, c’était un jour de pluie (vendredi), ce que les athéniens détestent le plus. Mémorandum, froid, humidité. “Ce vieux 120 m2 qui date des années 1930, devient franchement impossible à chauffer. Quelle décadence mes amis... après plus de quarante ans de vie active. Le quartier est mourant... mais en même temps... si vivant, évidemment d’une autre façon. Depuis mes fenêtres qui donnent sur la rue, je ne manque plus un seul instant, contemplant ce nouveau spectacle du 21ème siècle Troïkan”.

"Nos félins “adespotes” s’agitent... par nature". Athènes, le 15 février

Dans la rue effectivement, les rares passants nourrissaient simultanément les chats et les pigeons, tandis que certains immigrés, pressés et toujours méfiants, poussèrent leurs caddys débordants de cet amas devenu habituel: objets récupérés, et jusqu’aux portes de nombreux “entrepôts décrétés” du quartier. Tout le monde a gardé je crois un œil sur la rue et sur sa circulation, qui brusquement s’est vidée brièvement, au passage de quatre motos de la police. Athènes un jour “normal”, Athènes tout court. Mais le... pays agissant et agité (ou "agité"), c’est parfois ailleurs qu’il va falloir le découvrir. A Chalkidiki par exemple, où hier, dimanche (17/02), des inconnus ont incendié des véhicules et du gros matériel sur l’entrepôt de l’entreprise exploitante des mines d’or à Skouries, un consortium gréco-canadien, et dont la présence est largement contestée par la population locale depuis deux ans.

La vieille gauche du pays, le KKE (PC grec) estime “qu’il s’agit d’un coup monté” (quotidien Elefterotypia, 18/02 - enet.gr), et en tout cas, la presse mainstream comme le quotidien Ta Nea (résolument pro-mémorandum) de ce lundi n’a pas raté l’occasion. Dans son éditorial (selon sa version des faits) sous le titre: “Ils lancent des cocktails Molotov sur les investissements”, le quotidien estime que “(cette) attaque sauvage contre l’entrepôt (et) parking de l’entreprise “Or Grec”, ce qui fut l’œuvre d’individus cagoulés, comporte deux dimensions. La première, est relative à la violence qui s’impose à une part toujours grandissante de la société grecque. Aucune sensibilité environnementale ne peut justifier l’acte d’asperger un employé d’essence ! La deuxième dimension renvoie aux conséquences négatives d’un tel acte: certes, le Président Hollande dans son interview exclusive accordée à notre quotidien, lance un appel aux entrepreneurs de son pays, afin qu’ils investissent en Grèce, sauf qu’un pays où les entrepôts se font ainsi brûler, n’est pas une destination attirante aux yeux des investisseurs étrangers. Les auteurs de telles actes doivent être recherchés et punis de manière exemplaire. Car sinon, le taux de chômage - déjà immense - ne cessera de croître, menaçant la société grecque d’effondrement”.

"Dans la rue effectivement". Athènes, le 15 février

Évidement, même les perroquets du pouvoir troïkan n’arrivent plus à (se) dissimuler la triste vérité: la société grecque est sur le point de s’effondrer... et elle devient violente, bonne blague. Sauf que les “investisseurs” savent qu’ils peuvent compter désormais sur un “gouvernement” méta-démocratique qui après avoir détruit le travail et les salaires avec, ne gouverne que par la terreur, la militarisation du régime et la répression violente, en dehors de tout contrat social ni Constitution d’ailleurs. C’est ainsi que nous nous acheminons vers les salaires autour de 300 euros par mois, lorsque le coût de la vie est pratiquement plus élevé qu’à Paris (hors coût de l’immobilier): On peut boire son café à plus de trois euros à Athènes en règle générale, puis mettre du SP-95 au prix... de l’uranium (hier, j’ai acheté 20 euros d’essence, c'est-à-dire 11,7 litres).

Ta Nea - 18/02

Et ce matin, le 18 février, devant le ministère des Finances, ses “nettoyeuses” comme on dit ici, autrement-dit, les techniciennes de surfaces ont dignement manifesté leur colère... motivée par les 325,88 euros gagnés en net par mois, voilà ce qui peut par contre... rassurer les “investisseurs”. Malheureusement, et en même temps, on peut penser que Giorgos Mergos, Secrétaire générale au ministère du Travail, peut ne pas être rassuré. Ce matin, d'après le reportage (Real-Fm et Real-news ), “une enveloppe postée depuis la Crète et contenant une balle lui fut adressée, faisant suite à un autre colis similaire adressé il y a seulement quelques jours, à Yannis Stournaras (ministre des Finances)”. Pour rappel, Giorgos Megros avait récemment déclaré que le salaire minimum en Grèce (580 euros en net par mois) peut encore baisser, sans doute pour faire plaisir aux “investisseurs” étrangers et surtout à ceux, bien de chez nous, qui pratiquent déjà le régime... chinois sous l'Acropole. On dira au moins, que le Président Hollande visitera demain... un deuxième pays en guerre (et) en si peu de temps après le Mali, les deux situations étant évidement bien différentes.

Devant le ministère des Finances. Athènes, le 15 février

Car la guerre chez nous elle est hybride, elle serait de type nouveau et de géométrie sociale et symbolique variable. Il s’agit d’une guerre, d’abord réelle sur le terrain de l’économie qui s’effondre, non pas à cause de la dette, mais conséquemment à une attaque d’envergure, en premier lieu sur secteur privée de l’économie et sur la (petite et moyenne) propriété privée alors menacée de disparition. En ce sens, le méta-capitalisme des “funds”, le seul possible et imaginable désormais, impose à (pratiquement) tous les autres, le servage, l’émigration forcée et la mort. La classe dite laborieuse (et à juste titre) du pays fut sa première victime mais elle n’est pas la seule. Nos structures économiques et politiques sont en cours de démantèlement pour ainsi se voir remplacées par la “gouvernance” méta-coloniale, imposée de force par l’Union Européenne à “ses” peuples (de manière certes variable), autrement dit par la “constellation” du Nord, et en premier lieu, l’Allemagne (c'est-à-dire ses élites pseudo-moralisatrices), grandes “adaptatrices” de la mondialisation sur le continent européen, sans évidement épargner les citoyens allemands eux-mêmes.

C’est sous cet angle sans doute, que l’analyste du jour sur la principale radio d’information du pays, Real-Fm, a estimé “que la visite de François Hollande en Grèce n’est pas de très grande importance dans la mesure où la France certes, est une puissance au sein de l’Europe, sauf, qu’elle suit la politique de l’Allemagne, donc il n’y aura rien de très nouveau à attendre de cette visite” (grand journal Real-Fm, 14h-15h, 18/02, cité de mémoire).Et plus, et comme souvent depuis 2011, à la veille de chaque grève générale (et de celle du 20/02), l’ensemble des syndicats des journalistes du pays et d'abord de ceux d’Athènes, lancent un appel à la grève (pour le 19/02), donc, pas de bulletin d’information, ni à la télévision, ni à la radio demain. Le porte-parole du “gouvernement” Samaras, Simos Kedikoglou, a déjà exprimé sa colère publiquement, “inadmissible, lorsque le Président de la République Française sera chez nous en visite officielle”... mauvais calendrier sans doute.

Les affiches des syndicats appellent à manifester

Ce midi au centre-ville, personne ne s’occupait de la journée de demain, c’est plutôt de l’après-demain qu’il fut question et encore. Les affiches des syndicats appellent à manifester, tandis que parmi les boutiquiers du centre historique, il y en a qui se préparent pour une journée de repos. Même nos mendiants habituels ayant “investi” les terrasses des cafés en faillite, s’absentèrent parfois dans la journée et dans la foulée, laissant leur "stand" grand-ouvert: “S’il vous plait, j’ai faim, merci”.

Au même moment, les habitants de Lassithi en Crète orientale, ont distribué hier un tract - “Passeport” de leur “République” autoproclamée, car “il y en a assez. Ils nous dépossèdent de la faculté, de l’hôpital, des services de l’Etat, de la marina, des salaires, des retraites et des allocations chômage... pour nous apporter des impôts, du chômage, de la pauvreté et de la déprime. Il y en a assez. Nous alons prendre le présent et le futur des nos enfants entre nos mains”.

“Passeport” de leur “République” autoproclamée

Heureusement que nos terrasses athéniennes sont encore remplies, surtout par ce temps ensoleillé déjà apprécié des premiers touristes de la saison, ou des derniers de l’hiver (c’est selon), aperçus ce matin par exemple, place de Monastiraki.

"J’ai faim..."

Le Président François Hollande ne verra pas la Grèce (et en si peu de temps de surcroît). Espérons au moins qu’il bénéficiera de ses dernières douceurs de saison et de toujours. Loin des entrepôts du temps présent... et de ceux de notre âme (blaisé) blessée (!)

Place Monastiraki. Athènes, le 18 février




* Photo de couverture: Dans la rue. Athènes, 18 février