Greek Crisis

mercredi 27 février 2013

Poubelle locale




Loin d’Athènes, certains visages humains de la crise grecque peuvent se montrer encore alertes et souriants. Au moins, telles sont les apparences les mieux cultivées en certains lieux et dates. Hier soir (26/02) par exemple, c’était le petit... grand monde qui assistait au conseil municipal de la Ville de Trikala (Thessalie - au centre du pays entre Athènes et Thessalonique), qui avait le sourire plutôt facile. En séance plénière, les élus locaux, plus brillants que jamais on dirait, s’apprêtèrent durant un long moment à débattre et à délibérer en présence du public alors fort nombreux. Le conseil faisait salle comble. Quant à l’ambiance de la soirée, elle était électrique, en d’autres termes, suffisamment animée par ce vieux courant des clientélismes et des liens... patents et transparents, tous deux, grands intégrateurs de la... démocratie locale. Les sourires, les échanges, les regards ou les gestes, tout transpirait la “démocratie de proximité”, autrement-dit... le royaume du lien.

Region de Trikala 26/02

Quelques instants précédant l’ouverture de la séance, un élu du district de Kipaki s’adressant aux nombreux Roms présents, a tenté de les rassurer et de se rassurer lui-même... sur la meilleure gestion possible des faits et surtout des gestes: “Eh les gars, pas d’insultes, pas de cris ici, en plus, il y a des enfants dans la salle qui assistent au conseil, nos enfants, les enfants de l’école primaire de Kipaki. Vous allez exprimer votre mécontentement lorsque je vous le dirai, je vous donnerai le signal, si besoin. Restez calmes alors et suivez bien les débats”. Un chef Rom prit la parole juste après l’élu, pour en rajouter: “Vous avez compris alors, pas une seule insulte aujourd’hui ici...”, tandis que les parents (non-Roms), encouragèrent leurs enfants à exhiber... correctement les petites pancartes auto-fabriquées qu’ils tenaient si fièrement: “Non à la pollution automobile à Kipaki”.

Parmi les élus, Mihalis Tamilos a incontestablement volé la vedette, maire sortant (2009), conseiller municipal et surtout, nouveau député... Nouvelle démocratie depuis juin dernier (2012). C’est ainsi que les figures locales finissent par faire leur entrée triomphante au théâtre nationale des ombres, le “Parlement”, Place de la Constitution à Athènes. De nombreux habitants étaient présents, car motivés par l’examen de “leur affaire”, à l’image de ceux de Kipaki, très remontés et pour cause: la nouvelle rocade périphérique en voie d’achèvement... depuis cinq ans, risque de passer près de l’école primaire, coupant en deux le district et isolant par la même occasion le campement Roma, de la ville et de l’école. Les habitants aussi de la bourgade de Kefalovrysso (administrativement absorbée par la ville comme tant d’autres depuis la réforme de 2009) ont fait le déplacement, car ils viennent d’apprendre que le projet d’installation d’une usine à proximité de leur localité est réactivé. De surcroît, désormais rattaché à la nouvelle loi-cadre issue du mémorandum III régissant les “investissements Fast-Track”.

Emplacement destiné initialement à l'installation de l'usine. Kefalovrysso, le 26 février

Il y avait donc urgence, d’autant plus, que ce projet a été jugé déjà indésirable par l’Assemblée populaire de Kefalovrysso en mai 2012. Il faut dire que comme maintenant, et comme en mai, les habitants ont été informés en dernier, car les élus locaux depuis la reforme de 2010 (regroupement des communes), sont de... moins en moins locaux, puisqu’ils agissent parfois dans la plus grande discrétion, imposant aux populations, des décisions sans aucune consultation préalable. Comme je l'écrivais en commentaire sur un billet précédent de ce blog, et y compris au niveau local, le processus décisionnel devient de plus en plus... catastrophique et "lointain". C’est ainsi que le maire (PASOK) de la ville de Trikala, avait déjà menacé ouvertement les habitants de Kefalovrysso, village de 1300 habitants, de représailles économiques implicites, depuis que ces derniers, s'opposent au projet de l'usine "biogaz" (en recyclant des déchets organiques et végétaux), pour la construction de laquelle, le maire et le Président de Région (Nouvelle Démocratie) avaient déjà paraphée tous les contrats et accords possibles et... inimaginables, sans en informer les habitants bien entendu.

En mai dernier, les habitants se sont réunis en assemblées populaires, et ensuite, ils s’étaient présentés devant le maire pour s'exprimer. Eh bien, le maire avait tout simplement expliqué et avec que “toute autre représentativité (que la sienne) comme les assemblées populaires sont illégitimes et illégales”. Je précise que la reforme imposée suite au Mémorandum I, avait obligé à l'unification forcée des communes. Ainsi, un département comme celui-ci (Trikala) et pour une population d'environ 130.000 habitants, “on a conservé” en tout, quatre hyper municipalités. Je note également qu'un projet analogue dans le Péloponnèse dans la région de Tripoli, rencontre la même opposition des habitants, également dépourvus de municipalités à la taille des communes et des localités. C'est aussi cela le Mémorandum...

Place Centrale (slogan anti-austérité). Trikala, le 27 février

Aux dires des habitants qui l’avaient rencontré, le maire de Trikala, Christos Lappas aurait exprimé l’idée suivant laquelle “les communautés locales sont finalement bien rétrogrades et conservatrices”. Ce qui est déjà certain, c’est que l’argumentaire politique ou... écologique des habitants trouve bien ses limites parfois: “Nous ne devons pas dire que nous sommes totalement opposés au projet, à cet investissement... Car à partir du moment où le Conseil municipal décidera son installation sur un autre terrain de la commune étendue de Trikala nous délivrant ainsi du fardeau, alors... nous pourrons en être satisfaits, nous ne voulons pas devenir la... poubelle locale du département...”, expliqua V., membre actif du collectif anti-usine.

Le maire a enfin ouvert la séance: “Je vous remercie d’être présents, ce soir il y a en plus des enfants parmi le public citoyen, ce qui nous touche profondément, ces enfants sont venus protester contre la pollution automobile me semble-t-il (...) Pour ce qui est de l’utilisation de la biomasse dans la production d’énergie, je me trouvais récemment à un colloque au Nord de la Grèce, dans la région d’Amyndeo, nous avons pu apprendre que ce type de procédé nous ferait gagner plus de 30% pour ce qui est du coût énergétique de notre ville et tel est le sens du projet que nous souhaitons faire réaliser par le promoteur et l’investisseur de cette usine. D’ailleurs, le financement sera européen et vous savez, en Europe des usines de ce type fonctionnent sans problème. Nous avons même pris connaissance d’un projet analogue, réalisé par une commune du Sud de l’Allemagne, on a même fait appel aux habitants, lesquels se sont organisées en collaboration-coopérative. Là aussi, c’était la Banque européenne d’investissement qui a cofinancé le projet (...) Chez nous, c’est à partir de la biomasse d’origine animale et végétale que nous comptons produire du biogaz, sauf que comme vous savez, le projet fut stoppé en juin dernier, suite aux réactions hostiles des habitants de Kefalovrysso, déjà assez nombreux dans cette salle ce soir. Je dois vous informer que récemment, j’ai reçu un coup de fil de la part du promoteur du projet. Il voulait prendre la mesure de l’état d’esprit qui règne chez les habitants, autrement-dit, la position de la communauté locale. Je pense alors lui proposer un autre lieu et terrain appartenant à la commune, en dehors des limites de la localité de Kefalovrysso”.

Trikala - commerces fermés - 27/02

Les membres du collectif anti-usine n’ont pas dissimulé leur inquiétude. “Mais c’était une décision prise à l’unanimité par l’Assemblée populaire, tout le village fut mobilisé, nous ne voulons pas que cette usine s’installe chez nous... Nous sommes là, ainsi mobilisés une nouvelle fois car nous avons appris que cette affaire revient en force, puisque l’investissement a été inscrit dans la récente loi-cadre (législation liée au Mémorandum III, dite “Investissements Fast Track”) Nous avons appris par la même occasion que nous ne pouvons réagir que jusqu’au 1er mars... C’est alors nous mettre devant le fait accompli...”.

Effectivement », répondit le maire, “c’est urgent, car le projet relève désormais de la nouvelle législation, et il va falloir répondre et s’y positionner rapidement”.Le député Tamilos a alors demandé la parole: “Je vous rappelle que les décisions des Assemblées populaires et de la dite communauté de Kefalovrysso, n’ont aucune valeur du point de vue juridique, contrairement aux décisions du Conseil municipal, et celles-ci même de manière exclusive”. Aussitôt, Costas Tassios, conseiller municipal communiste, a rétorqué: “Depuis la dernière Assemblée populaire rien n’a changé. Les habitants s’y opposent et c’est une forme de démocratie directe, donc le conseil municipal qui avait en quelque sorte avalisé à l’époque cette décision des habitants doit réitérer sa délibération de mai, et ceci dès ce soir. Il faut comprendre qu’agir autrement, c’est... laisser Kefalovryso se faire violer” (sic)

Trikala 26/02 - Service de la voirie

L’élu Pasok Thanassis Vavilis (frère de l’ex-députée Pasok du département, Soula Merenditi) est intervenu pour “fustiger ces gens (de la gauche) qui font alors fuir les investisseurs de chez nous”, finalement une séance extraordinaire du Conseil municipal, entièrement dédiée à la question, aura lieu dans quelques jours: “ Nous y inviterons aussi les investisseurs, pour qu’ils nous présentent leurs arguments”, a dit le maire, avant de passer à l’examen des sujets suivants, tant attendus:

C’est vrai que les gitans de Kipaki ne peuvent même plus se rendre chez eux, les nids-de-poule dans la chaussée à proximité de leur campement sont remplis d’eau depuis les pluies diluviennes de la semaine dernière. Sauf que la Municipalité ne peut pas remédier à tout, nous sommes en crise, nous n’avons même pas les moyens de remplir les réservoirs des camions à ordures en ce moment. Je rappelle qu’en espace de moins de deux ans, notre ville a déjà versé plus de 11,5 millions d’euros, rien qu’en intérêts liés à sa lourde dette. Par conséquent, certaines ampoules des lampadaires ainsi que les nid-de-poule attendront un peu...

Une élue de la majorité municipale (Pasok), répondant à une question a tenu à préciser “ qu’il n’y a pas de problème de chauffage dans les écoles de Trikala, les chaudières fonctionnent trois heures par jour, ce qui est suffisant... d’ailleurs de nombreux enfants trouvent qu’à l’école il fait bien meilleur que chez eux, car chez eux précisément il n’y a presque plus de chauffage”.Décidément, la crise est omniprésente à chaque débat. Mihalis Tamilos a fait remarquer “que l’argent européen destiné à financer l’aide à domicile pour les personnes âgées ou souffrantes n’ayant pas suffisamment de moyens, va s’arrêter (sic) fin mars (2013)”, tandis que les élus Syriza se sont exprimés “en faveur d’un vote, exigeant le maintien du programme”.

Transport de bois - Trikala 27/02

Les conseillers communistes ont alors exprimé leur souhait de poursuivre le programme mais “pas n’importe comment, car désormais, et après avoir licencié les employés temporaires qui s’occupe de mille foyers environ, temporaires depuis onze ans... le but de la manœuvre consiste à faire travailler les chômeurs, proches et parents des bénéficiaires, car il n’y a plus de foyer en Grèce sans chômeur, le tout dans une nuée “gestionnaire” et administrative (financement européen vers des ONG spécialisées, comme déjà à Athènes) Les employés doivent être au contraire embauchés (...)”.

Trikala 27/02 - odeur de café !

Finalement, seuls les habitants de Kipaki ont obtenu gain de cause. Le Conseil municipal a rejeté le plan de l’actuel tracé de la rocade, exigeant de la Région Thessalie une nouvelle étude de faisabilité. “Par contre, certains vieux arbres par contre sur la place centrale en face du pont historique seront coupés, ils avaient été plantés trop près les uns des autres à l’époque” a précisé le maire.

Trikala, ville paisible sous le mémorandum III, même une tentative d’évasion par hélicoptère depuis sa prison, a échoué la semaine dernière !

Région de Trikala 26/02 - Les Méteores

Trikala 27/02




* Photo de couverture: Conseil Municipal. Ville de Trikala, le 26 février

lundi 25 février 2013

Solidarité et protestation




Depuis trois ans, nous sommes en train de vivre une paranoïa totale. Embourbés comme nous sommes dans les eaux saumâtres de la crise, nous nous battons alors pour la survie. Le courage nous manque, l’espoir nous fait défaut, ainsi que nos rêves, liés au futur. Dans leur écrasante majorité, les Grecs vivent cette situation toute nouvelle de l’annulation, à tous les niveaux: vie privée, univers professionnel ou réalité économique. Toutes nos croyances, toutes nos notions du monde et de notre place dans celui-ci, sont renversées et de manière dramatique. Notre conscience collective est constamment sous le feu des attaques, (d’où cette) politique insistante et éhontée, afin de nous convaincre que pour cette situation, nous sommes les seuls et uniques responsables.

Manifestation à Skouries - 24/02 - Elefterotypia 25/02

D’habitude, cette “désinstallation” qui a anéanti tout confort... des certitudes d’antan, intervient alors sur notre psychisme de manière négative. Elle conduit les hommes vers l’apathie. Elle provoque des phénomènes de démission collective, les sujets désertent alors la vie, ainsi que sa sphère de l’action encore possible. Des attributs vitaux de notre destinée individuelle se trouvent désamorcés, et parmi eux notamment, la joie de créer, la quête de l’innovation. Sauf que cette règle n’est pas absolue. Car chez certains, la crise et ses conséquences, provoque ce renouveau de la délivrance, ou en tout cas, ne les empêche pas de s’en occuper. Telle est précisément la situation de ces cinq jeunes étudiants, dont Elefterotypia dresse aujourd’hui le portait. Ils appartiennent tous à cette génération dite “perdue”. Sauf qu’ils ont décidé de ne pas se laisser abattre. Parmi eux, ce jeune âgé de 19 ans, qui vient de rapporter l’Olympiade de l’Astronomie.

Il a déjà transformé la terrasse de sa grand-mère en mini-Planétarium, il consacre alors ses nuits à l’observation des planètes et des galaxies. Malheureusement pour lui, il sera peut-être obligé de partir à l’étranger puisque les opportunités offertes dans le domaine de la recherche en Grèce sont nulles. Un autre étudiant à l’École Polytechnique d’Athènes, vient d’élaborer avec le concours de ses amis, une plate-forme web destinée aux programmeurs. Son invention, déjà utilisée par de milliers d’usagers, intéresse paraît-il Silicon Valley. Tous ces étudiants, déjà primés à trois reprises pour leur inventivité, se préparent enfin pour le grand rebond. Sans doute ce sera encore à l’étranger, puisque la Grèce et comme à son habitude, elle dévore ses propres enfants. Ces jeunes Grecs ne sont pas les seuls à quêter sur la voie de sortie depuis notre univers contemporain, et qui serait alors sans issue.Pourtant, pour que ces jeunes puissent poursuivre dans cette voie qui est la leur sans se décourager et pour ainsi (bâtir) une société renouvelée, il va falloir que nous fassions plus d’efforts. Tous ensemble.” - (éditorial du quotidien Elefterotypia, 25/02 ).

Le kiosque - 25/02

Le ton est ainsi donné... en plus du printemps (qui est de saison). Notre presse anti-mémorandum (ou supposée telle) “travaille” alors notre psychisme au même titre que nos “syllogismes collectifs”, au moyen de la... gouge de l’espoir. Il en faut, certainement et urgemment. Le reportage du jour rapporte également les faits marquants du week-end: d’abord la manifestation très massive à Skouries contre l’exploitation des mines d’or, ensuite la réorganisation du mouvement “Je ne paie pas” quartier après quartier, les rassemblements populaires en Espagne contre l’austérité et pour “finir”, l’expulsion du ministre Portugais Miguel Relvas (il est depuis 2011 ministre des relations avec le Parlement portugais sous le gouvernement de Pedro Coelho), expulsion d’un forum par des étudiants en colère. La nouvelle rubrique: “éphéméride du Sud (de l’Europe)”, comble déjà un manque cruel d’information sur les mouvements populaires ailleurs que chez nous, mais toujours depuis le même... subcontinent de l’austérité. Il était plus que grand temps.

Nous réaliserons désormais (et) ensemble, combien ce temps du nouveau totalitarisme économique et politique imposé par les élites méta-démocratiques de l’Union Européenne, du vaste monde et bien de chez nous, pays après pays, risque d’être long et “définitif”... par conception. Les peuples du Sud de l’Europe connaîtront alors le sort des nations “introduites” dans l’U.E. élargie... vers la “Chine nouvelle” pour ce qui est déjà des salaires de subsistance. L’Europe... vivrière étant déjà née, sauf que la... supernova de l’Euro en tant qu’arme anti-sociétale totale, aura longtemps (et suffisamment) brouillé les pistes du... contre-possible. Les Grecs, les Portugais, les Espagnoles ou les Italiens commencent tout juste à réaliser... l’étendue et la taille de l’astéroïde tandis qu'en France on évoque désormais la "crise"... à ciel ouvert. De même que nos amis Bulgares pour qui le ciel est déjà tombé sur leurs têtes.

L’expulsion du ministre Portugais Miguel Relvas - Elefterotypia 25/02

La semaine dernière, des manifestants exprimant leur écœurement face à l’augmentation du prix de l’électricité, ont été agressés et réprimés violement par les policiers de leur pays, ce qui a conduit à la démission du gouvernement. “C’est un scandale pour un pays démocratique que d’admettre cette violence contre ses propres citoyens”, a déclaré le premier ministre bulgare. “Nous avons de la dignité et de l'honneur. Le peuple nous a donné le pouvoir, aujourd'hui, nous le lui rendons.” Boïko Borissov, le charismatique premier ministre bulgare, a théâtralement annoncé au Parlement, mercredi 20 février, la démission de son gouvernement de centre droit (...) Mercredi matin, (note le journal Le Monde - 20/02 ) l'inflexible Borissov, ancien responsable d'une société de sécurité privée, au pouvoir depuis 2009, a fini par craquer, acculé. "Nous avons fait de notre mieux depuis quatre ans, mais chaque goutte de sang versé est une honte pour nous tous", a lancé le premier ministre au Parlement. "Je ne veux pas faire partie d'un gouvernement sous l'autorité duquel les policiers battent le peuple", a-t-il encore dit, assurant qu'il ne participerait pas à un gouvernement transitoire qui serait chargé d'exécuter les affaires courantes d'ici aux élections législatives prévues en juillet.
Chez nous, de nombreux éditorialistes ont aussitôt souligné la symbolique de cette démission: “En Grèce, la répression est la seule politique possible d'après le gouvernement Samaras, un régime de la terreur prétendument démocratique qui est devenu la règle depuis 2010... il n’y a pas de doute, la Bulgarie voisine est encore une démocratie, pas la Grèce” (Yorgos Trangas Real-FM, semaine du 18/02). La Bulgarie est aussi ce pays de l’U.E. où le salaire moyen ne dépasse pas 400 euros par mois, et où les retraités doivent se contenter de moitié moins pour survivre. Sauf pour les nantis, les grands nantis, cela semble aussi si évident.

Athènes 02/2013

Du temps où je pouvais encore voyager “librement”, (c'est-à-dire, ayant une certaine existence économiquement... taxinomique), j’avais rencontré dans une résidence pour écrivains sur l’île de Paros, une équipe universitaire des traducteurs Bulgares. Je me souviens qu’à part la poésie d’Elytis (les paysages cycladiques finissent souvent par impose de fait ce genre de discussions), les échanges portèrent également sur le fait politique alors vécu et pratiqué “d’en bas”, en Bulgarie et en Grèce:

L’effondrement du communisme pour nous c’était comme de l’écroulement... du système astral. Nous n’avions pas de reflexes politiques, “on” nous a alors expliqué que le démentiellement de tout, allait de pair avec l’U.E. et la démocratie de type occidental... c'est-à-dire la consommation. Nous avons ainsi laissé faire les autres et les politiciens durant plus de vingt ans, sans réagir. Nous avons été dépossédés de tous nos biens publics, ainsi que d’un certain niveau de vie... et de dignité même. Nous nous réveillons tout doucement à présent mais c’est trop tard, tout est allé trop loin et finalement trop vite, ne nous laissant pas le temps nécessaire à la réaction. Et pour ne pas sombrer ou mourir de faim, de nombreux Bulgares ont émigré, plus de 40% de la population de notre pays. Un drame sans précédent et en même temps, un véritable scandale de dimension historique. Pourtant, je ne dirais pas que notre pratique du politique soit déjà plus brillante... après tout ce que nous avons subi. L’histoire restante à imaginer pour nous... elle est bien lente, pas pour eux. J’ai l’impression qu’avec la crise ils vous feront subir le même sort. Disons que ce fichu siècle est déjà perdu pour nous tous ici, dans ce petit coin des Balkans...”.

Athènes 02/2013

C’était en 2010, après seulement quatre mois de mémorandum. Les Grecs se faisaient encore des illusions, la propagande aidant bien entendu. Plus maintenant. En tout cas pour la majorité, tantôt silencieuse et tantôt en colère dans les rues... certes par échantillons représentatifs pour l’instant. “La politique criminelle du Mémorandum - écrit Yannis Triandis dans Elefterotypia de ce lundi (25/02) - a été un choix central et délibéré, décidé par les créanciers de la Grèce. Ils misent toujours sur la transformation de l’Europe du Sud en une zone franche au profit des investisseurs, et ceci, à l’image des pays de l’ex-Socialisme “réellement existant”. Ils sont évidement, parfaitement conscients des conséquences: dévaluation économique interne, récession de longue durée, salaires de la faim, pulvérisation des droits sociaux liés au travail et démolition de l’État social. Autrement-dit, et pour l’immense majorité des “sujets”, cela veut dire “vivre à la limite” (ou aux limites), survivre, et ceci, à l’unique gloire de la logique du profit pour les investisseurs, dépossédant également et de manière forcée les habitants, des ressources du pays, et ceci pour de nombreuses décennies. La seule inquiétude chez les promoteurs de cette politique réside finalement dans l’incontrôlable potentiel pour ce qui est de la réaction sociale, voire du changement politique qui peut alors s’avérer... drastique dans ce pays. Ils font alors tout pour contrôler et si possible canaliser cette colère populaire “pandémique”, tantôt en marquant une pause dans le processus, tantôt en distribuant des miettes ici ou là. S’ils y parviennent, ils auront vraiment raison de célébrer une si grande réussite”.

Athènes 02/2013

La société grecque est déjà brisée (au moins) en deux morceaux. Il y a d’une part, les porteurs de cette politique, toujours plus sadiques que jamais, puis les autres. L’élite politique de la junte actuelle instrumentalise la peur, l'individualisme et la terreur à tous les étages. C’est ainsi que nous devenons insensibles à nos mendiants, à nos suicidés, à nos sans-abri. Par peur de sombrer à notre tour, tôt ou tard. La barbarie nouvelle est arrivée au moyen de cet univers concentrationnaire de type nouveau, à savoir, la “gouvernance” de l’Union Européenne, plus... Hartz XII désormais pour tous. Elle mettra - me semble-t-il - cinq à dix ans à se généraliser un peu partout à travers l’Euroland sciemment dépourvu de toute pratique démocratique (même timide), avec néanmoins, certaines “faveurs”, éventuellement accordées aux citoyens et aux travailleurs-chômeurs dans certains pays, jadis métropolitains de la vieille C.E.E. à six.
Nous voyons loin, bien loin depuis notre mer Égée, mais pas encore très nettement. Une amie et commentatrice de ce blog (et d’Okeanews également), avait remarqué récemment combien elle l’insupporte désormais cette phrase si souvent entendue en Grèce en ce moment: “Ti na kanoume...” (“Alors que faire... (...) il y a juste une phrase que je ne supporte plus entendre, "ti na kanoume ?", j'aimerais tellement à la place un gros yes, we can !” (Commentaire sur “Mystères et Martyres”), et elle a raison.

Athènes 25/02

Et à l’instant presque où Maria Damanaki, membre de la Commission Européenne, laisse entendre à destination de la presse (et à destination de nous tous) combien “la Commission considère que la question du salaire de base demeure ouverte, contrairement à ce que déclarent les ministres du gouvernement Samaras” (Elefterotypia, 25/02), certains agents du fisc intègrent le mouvement “Je ne paie plus”, à Athènes et dans l’agglomération. Selon le reportage du même quotidien, hier dimanche (24/02), “ tous ces îlots de la résistance depuis les quartiers d’Attique, se sont retrouvés en assemblée plénière dans l’amphithéâtre du syndicat des électriciens, afin de coordonner leurs prochaines actions. Leur volonté: imposer un défaut de paiement interne et massif envers l’État et ceci dès mars prochain. Plus de cent mille affiches seront imprimées par exemple. “Nous traversons une période où désormais toutes nos illusions ont été pulvérisées. Nous sommes des travailleurs au même titre que les autres, et nous subissons le même sort que les autres citoyens de ce pays, - explique Yannis Toundas, agent des impôts - nous aussi, nous n’arrivons pas à payer nos impôts” (Elefterotypia, 24/02).

Au même moment, le “gouvernement” prétend s’attaquer à ses propres agents... fraudeurs et corrompus, il vise d’ailleurs en premier les agents du fisc, c’est sans doute... un hasard. Ces corrompus existent évidement, sauf qu’ils ne sont pas à l’origine de la “crise”, comme veut nous faire croire la propagande du temps exécrable et de la (si) pluvieuse... suspicion.

Mercredi prochain (27/02), les manifestants de la ville d’Ierapetra en Crète traverseront la mer jusqu’à Athènes, afin de protester contre l’abandon de leur région par les services de l’État, hôpitaux, écoles, université. Ils distribueront à cette occasion vingt tonnes de légumes aux athéniens, “La solidarité peut être aussi protestation”, remarque à ce propos le quotidien Elefterotypia ce lundi, c’est possible... et ce n’est pas tout.

Printemps - 02/2013




* Photo de couverture: Printemps. Février 2013

vendredi 22 février 2013

Mystères et martyres




Dieu merci comme on dit, ce matin à Athènes c’était le déluge. Enfin, les cieux se sont ouverts et nos avenues ont été transformées aussitôt en rivières au point de dérouter, à la fois les automobilistes et nos journalistes créatifs... Pour une fois, le temps “entier”, celui de la météo, a effacé le temps événementiel troïkan, au moins pour quelques heures. Nous apprécions alors toujours davantage, ces moments ainsi “blanchis” par le vide... pluviométrique ou sinon le cas échéant, offerts en... bonus par nos journalistes en grève, comme l’autre jour, au moment de la visite de François Hollande à Athènes.

mercredi 20 février 2013

Le muet et le parlant




La journée d’hier, 19 février 2013, était pluvieuse et... bien curieuse. En fin de matinée les (rares) téléspectateurs branchés sur la chaîne publique NET ont découvert ces séquences surréalistes de la visite du Président Hollande à Athènes: descendre la rue Hérode Atticus en compagnie d’Antonis Samaras à pied, pas de voix off, aucun commentaire ni analyse pour cause de grève des journalistes. Un rare moment de... vérité, deux hommes politiques seuls, le bruit de la ville, le chant des oiseaux du jardin botanique d’en face, enfin une belle image, à notre portée et à la hauteur du monde, c'est-à-dire la nôtre. En début d’après-midi, vers 15h, la grève des journalistes des médias publiques déjà jugée... illégale, les commentaires ont aussitôt repris sur la chaîne NET, les dernières heures de la visite du Président français ont ainsi été couvertes, dont son allocution prononcée devant la communauté française au Lycée franco-hellénique.

François Hollande et Antonis Samaras, le 19 février 2013

François Hollande à Athènes et... le muet à la télévision - Caricature - quotidien - Ta Nea 20/02

François Hollande a, à juste titre remarqué, combien ses interlocuteurs grecs issus du monde politique se sont exprimés en français, tous sauf un: le ministre des Finances Yannis Stournaras, il a préféré la langue des marchés (d’après ses propres explications saisies sur le vif) et... des banques du vaste monde dont il est issu. Pour le reste, les mesures de sécurité ont été visiblement draconiennes, ce qui est normal, les automobilistes compatissants l’ont bien compris sans trop broncher. Certes, le Président français n’avait rien à craindre (des habitants du territoire en tout cas), il n’y a pas eu une seule manifestation ou rassemblement, comme lors de la visite d’Angela Merkel en Octobre dernier, ce qui en dit déjà... assez long du sens commun à propos de la géopolitique de l’Europe actuelle, vue d’ici-bas: nous ne sommes pas dupes, nous savons (et à nos dépens) qui dirige véritablement en ce moment l’astéroïde de l’U.E... car nous devenons ses débris.

"Non à l'euro" - Place de la Constitution - 20/02

Malgré les efforts du “gouvernement” Samaras dans la communication (et on peut le comprendre), la visite de François Hollande est presque passée inaperçue, car "déjà manquant d’originalité", telle fut le (non) ressenti chez nous hier. La presse de gauche (et anti-mémorandum) souligna tout simplement que la France s’intéresse évidement à la grande... braderie des bijoux de la baronnie chemin de fer, distribution d’eaux, prospection pétrolière, régie d’électricité... derrière l’Allemagne bien entendu, rien de très original en somme (par exemple To Pontiki sur son portail internet - 20/02).Paradoxalement (!) la pluie a cessé cette nuit, et c’est sous un soleil radieux que notre vie... normale a pu reprendre ce matin, un mercredi, décrété de surcroit, journée d’action nationale par tous les syndicats, décidément, le pays bouge (encore) comme il peut.

Notre ville, nos écrans du vivant se sont alors préparés en vue de cette transition... vers le “parlant”, après les séquences du “muet relatif” de la veille. J’ai d’abord croisé ces innombrables policiers et autres RoboCop sur le trottoir, devant la centrale de la police athénienne. Ils s’apprêtèrent à prendre du service, et d’ailleurs bien souriants, en attente de cette grosse journée de grande manifestation. Jeunes hommes, très jeunes et visiblement conscients d’appartenir à une variante entomologique bien spécifique dans la taxinomie des choses et des êtres sous le régime de la... “Gouvernance”, ils s'amusaient entre eux sous le regard ahuri des autres. Pauvres gens finalement, au sens propre et figuré: “J’ai loué un 37m2 depuis peu depuis que je suis fait muter à Athènes. Le coût reste exorbitant... pour mes 800 euros de salaire par mois... c’est dur”, expliquait à ses collègues un jeune policier. Effectivement. Et “nos” policiers aux 800 euros, ils ont été nombreux ce matin au centre-ville (et par la suite devant le "Parlement"), à laisser passer les piétons sous surveillance et bien souvent, non sans un certain... frottement avec eux. Nos trottoirs sont si étroits en ce moment, au même titre que la démocratie je dirais.

Devant le "Parlement" - 20/02

J’avais déjà lu quelque part, sans doute à travers un récit littéraire, combien ce “frottement” avait déjà connu ses heures de gloire jadis. Lors des grandes manifestations des démocrates et des gens de gauche dans ce pays, vers 1965 par exemple. On connait la suite: la dictature des Colonels en 1967. Pavlos, rencontré peu après au beau milieu du cortège à la grande manifestation entre Pedion Areos et la place de la Constitution, m’a alors posé cette même question devenue récurrente: “Je crois que nous vivons un temps pré-dictatorial, pas toi ?”. Le frottement y est sans doute...pour quelque chose. Peu avant, place Omonia dans un café, un jeune homme n’a pas eu d’autres mots plus... démocrates pour exprimer son désarroi: “Demain monsieur c’est mon anniversaire, j’ai tout juste trente ans et je n’ai pas de travail... j’ai honte d’être là, assis dans ce café accompagné de ma maman, surtout parce que c’est elle qui paye mon café”. Devant le café et sur la place, avait lieu le rassemblement organisé par le syndicat du KKE (parti communiste), se séparant volontairement des autres forces syndicales et politiques. Le rassemblement pro-KKE fut pourtant bien moins nombreux que d’habitude, tandis que l’autre rassemblement, a été suivi par des dizaines de milliers de personnes.

"Jadis les Colonels, à présent les banquiers" - Athènes 20/02

"Déjà tôt ce matin des militants de l’extrême-gauche" - 20/02

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Le rassemblement pro-KKE - Place Omonia - 20/02

Déjà tôt ce matin des militants de l’extrême-gauche, postés devant le musée archéologique préparaient leur manifestation, banderoles, drapeaux, sonos et petite librairie... marxiste - léniniste. On n’effacerait pas si facilement les références d’une certaine vieille gauche européenne, vieilles d’un (si) bon petit siècle... qu’elle-même. Au moins, l’ambiance y était. Malgré la résignation et la peur, si savamment inculquées d’en haut et d’en bas (et... par frottement), c’est la joie qu’elle prédominait. Plus la colère: “Non, nous ne sommes pas morts et nous ne nous rendrons pas. Sauf que nos chefs (chez Syriza) n’ont pas réalisé combien la base, voire certains cadres du mouvement se radicalisent jour après jour. Nous leurs briserons les os... aux nôtres aussi, nous n’avons pas d’autre choix... sinon nous mourrons... comme déjà nos illusions ; les plus naïves parmi elles en tout cas. Il en faudrait dix fois plus de monde dans les manifs déjà, et des actions plus ciblées. Passer et revenir sans cesse devant le Parlement n’a plus de sens. C’est connu, c’est balisé... c’est nous mettre dans la gueule du loup. J’ai 57 ans, je suis ouvrier métallo et syndicaliste. Je n’ai plus de temps, je ne peux plus attendre... les gens sont responsables de leur destin, ils doivent bouger, de même que nos chefs syndicalistes et politiques des partis de la gauche...” (Yannis, rencontré parmi les manifestants, 20/02).

Athènes, le 20 février

Devant le musée archéologique, le 20 février 2014

Sous le Parthénon. Athènes, le 20 février

Nous nous radicalisons, peut-être parce que nous réalisons désormais la maigre distance qui nous sépare des... concitoyens-mendiants. Eux, la tête baissée ne regardent même plus les manifestants qui défilent. Nos univers sociaux se croisent sans se rencontrer parfois. Comme lorsque deux journalistes d’un hebdomadaire de la droite populiste ont questionné en pleine manifestation un retraité sur... l’éventualité de ses difficultés: “Vous rigolez ou quoi Madame, d’où venez-vous, de quelle planète ?”.

Vous rigolez ou quoi Madame...", le 20 février

Dans un café, le 20 février




"Peuple en avant - Hors UE" - Athènes, le 20 février

"Eux, la tête baissée ne regardent même plus les manifestants qui défilent". Athènes, le 20 février

Une question à poser plutôt à Antonis Samaras. Sous le titre: “Les investissements étrangers arrivent”, une nouvelle affiche nous informe que “désormais c’est en Grèce qu’on va construire les vaisseaux de l’Empire Galactique. Un grand accord commercial vient d’être signé entre la Grèce et l’Empire Galactique, et ceci, grâce aux efforts titanesques du premier Ministre Antonis Samaras, lequel vient de rencontrer Dark Vador au siège même de l’Empire Galactique. Cet accord prévoit la construction des navires et autres vaisseaux de l’Empire en Grèce, puisque selon les déclarations de Dark Vador, après les reformes du monde du travail chez nous, la main d’œuvre est moins chère en Grèce que sur la planète Tatooine. Bravo la Grèce”.

Les investissements étrangers arrivent ”.Athènes, le 20 février

C’est vrai que depuis tous ces derniers événements qui n’en finissent pas, nous avons tout perdu sauf notre sens de l’humour: “La liberté ou Photoshop” voit-on sur un mur place de la Constitution, là où précisément un militant Syriziste paresseux a abandonné l’étendard de son mouvement à la dispersion de la manifestation.

La liberté ou photoshop”. Athènes, le 20 février

"La place a aussitôt repris ses habitudes". Athènes, le 20 février

Place de la Constitution, terminus. La place a aussitôt repris ses habitudes... de temps de paix, sauf pour ce qui est des pertes sur le champ de la guerre sociale, ou plutôt faite contre la société. Un jeune homme, un tout nouveau mendiant a pris procession de l’angle, situé à droite sur l’embouchure du métro. Bien habillé et propre, visiblement il n’est pas un sans-abri, Il exhibe sa pièce nationale d’identité, sa carte d’inscription au chômage, ainsi qu’un autre document, attestant de son licenciement: “Je suis grec, je suis au chômage, aimez-moi s’il vous plaît”. La Grèce, la vraie vie... muette et parlante.

Je suis grec, je suis au chômage, aimez-moi s’il vous plaît”. Athènes, le 20 février




* Photo de couverture: Grande manifestation syndicale unitaire. Athènes, le 20 février 2013

lundi 18 février 2013

Entrepôts




L’hiver grec déjà, est bien sur le déclin. Les amandiers fleurissent, nos félins “adespotes” s’agitent... par nature, et avec eux, les despotes de l’Etat d’Athènes, apparents ou non. Le pâtissier du quartier ne supporte plus d’avoir froid chez lui, nous autres nombreux “desposés” non plus. Vivement le printemps. Vendredi midi chez nos amis et habitants du vieux centre-ville, personne n’a osé se dévêtir... nous sommes restés habillés comme sortant de chez nous. Visiblement, certaines barrières... vestimentaires entre le “dehors” et le “dedans” sont en train de tomber aussi après tant d'autres, depuis le mémorandum. Et pour finir, c’était un jour de pluie (vendredi), ce que les athéniens détestent le plus. Mémorandum, froid, humidité. “Ce vieux 120 m2 qui date des années 1930, devient franchement impossible à chauffer. Quelle décadence mes amis... après plus de quarante ans de vie active. Le quartier est mourant... mais en même temps... si vivant, évidemment d’une autre façon. Depuis mes fenêtres qui donnent sur la rue, je ne manque plus un seul instant, contemplant ce nouveau spectacle du 21ème siècle Troïkan”.

"Nos félins “adespotes” s’agitent... par nature". Athènes, le 15 février

Dans la rue effectivement, les rares passants nourrissaient simultanément les chats et les pigeons, tandis que certains immigrés, pressés et toujours méfiants, poussèrent leurs caddys débordants de cet amas devenu habituel: objets récupérés, et jusqu’aux portes de nombreux “entrepôts décrétés” du quartier. Tout le monde a gardé je crois un œil sur la rue et sur sa circulation, qui brusquement s’est vidée brièvement, au passage de quatre motos de la police. Athènes un jour “normal”, Athènes tout court. Mais le... pays agissant et agité (ou "agité"), c’est parfois ailleurs qu’il va falloir le découvrir. A Chalkidiki par exemple, où hier, dimanche (17/02), des inconnus ont incendié des véhicules et du gros matériel sur l’entrepôt de l’entreprise exploitante des mines d’or à Skouries, un consortium gréco-canadien, et dont la présence est largement contestée par la population locale depuis deux ans.

La vieille gauche du pays, le KKE (PC grec) estime “qu’il s’agit d’un coup monté” (quotidien Elefterotypia, 18/02 - enet.gr), et en tout cas, la presse mainstream comme le quotidien Ta Nea (résolument pro-mémorandum) de ce lundi n’a pas raté l’occasion. Dans son éditorial (selon sa version des faits) sous le titre: “Ils lancent des cocktails Molotov sur les investissements”, le quotidien estime que “(cette) attaque sauvage contre l’entrepôt (et) parking de l’entreprise “Or Grec”, ce qui fut l’œuvre d’individus cagoulés, comporte deux dimensions. La première, est relative à la violence qui s’impose à une part toujours grandissante de la société grecque. Aucune sensibilité environnementale ne peut justifier l’acte d’asperger un employé d’essence ! La deuxième dimension renvoie aux conséquences négatives d’un tel acte: certes, le Président Hollande dans son interview exclusive accordée à notre quotidien, lance un appel aux entrepreneurs de son pays, afin qu’ils investissent en Grèce, sauf qu’un pays où les entrepôts se font ainsi brûler, n’est pas une destination attirante aux yeux des investisseurs étrangers. Les auteurs de telles actes doivent être recherchés et punis de manière exemplaire. Car sinon, le taux de chômage - déjà immense - ne cessera de croître, menaçant la société grecque d’effondrement”.

"Dans la rue effectivement". Athènes, le 15 février

Évidement, même les perroquets du pouvoir troïkan n’arrivent plus à (se) dissimuler la triste vérité: la société grecque est sur le point de s’effondrer... et elle devient violente, bonne blague. Sauf que les “investisseurs” savent qu’ils peuvent compter désormais sur un “gouvernement” méta-démocratique qui après avoir détruit le travail et les salaires avec, ne gouverne que par la terreur, la militarisation du régime et la répression violente, en dehors de tout contrat social ni Constitution d’ailleurs. C’est ainsi que nous nous acheminons vers les salaires autour de 300 euros par mois, lorsque le coût de la vie est pratiquement plus élevé qu’à Paris (hors coût de l’immobilier): On peut boire son café à plus de trois euros à Athènes en règle générale, puis mettre du SP-95 au prix... de l’uranium (hier, j’ai acheté 20 euros d’essence, c'est-à-dire 11,7 litres).

Ta Nea - 18/02

Et ce matin, le 18 février, devant le ministère des Finances, ses “nettoyeuses” comme on dit ici, autrement-dit, les techniciennes de surfaces ont dignement manifesté leur colère... motivée par les 325,88 euros gagnés en net par mois, voilà ce qui peut par contre... rassurer les “investisseurs”. Malheureusement, et en même temps, on peut penser que Giorgos Mergos, Secrétaire générale au ministère du Travail, peut ne pas être rassuré. Ce matin, d'après le reportage (Real-Fm et Real-news ), “une enveloppe postée depuis la Crète et contenant une balle lui fut adressée, faisant suite à un autre colis similaire adressé il y a seulement quelques jours, à Yannis Stournaras (ministre des Finances)”. Pour rappel, Giorgos Megros avait récemment déclaré que le salaire minimum en Grèce (580 euros en net par mois) peut encore baisser, sans doute pour faire plaisir aux “investisseurs” étrangers et surtout à ceux, bien de chez nous, qui pratiquent déjà le régime... chinois sous l'Acropole. On dira au moins, que le Président Hollande visitera demain... un deuxième pays en guerre (et) en si peu de temps après le Mali, les deux situations étant évidement bien différentes.

Devant le ministère des Finances. Athènes, le 15 février

Car la guerre chez nous elle est hybride, elle serait de type nouveau et de géométrie sociale et symbolique variable. Il s’agit d’une guerre, d’abord réelle sur le terrain de l’économie qui s’effondre, non pas à cause de la dette, mais conséquemment à une attaque d’envergure, en premier lieu sur secteur privée de l’économie et sur la (petite et moyenne) propriété privée alors menacée de disparition. En ce sens, le méta-capitalisme des “funds”, le seul possible et imaginable désormais, impose à (pratiquement) tous les autres, le servage, l’émigration forcée et la mort. La classe dite laborieuse (et à juste titre) du pays fut sa première victime mais elle n’est pas la seule. Nos structures économiques et politiques sont en cours de démantèlement pour ainsi se voir remplacées par la “gouvernance” méta-coloniale, imposée de force par l’Union Européenne à “ses” peuples (de manière certes variable), autrement dit par la “constellation” du Nord, et en premier lieu, l’Allemagne (c'est-à-dire ses élites pseudo-moralisatrices), grandes “adaptatrices” de la mondialisation sur le continent européen, sans évidement épargner les citoyens allemands eux-mêmes.

C’est sous cet angle sans doute, que l’analyste du jour sur la principale radio d’information du pays, Real-Fm, a estimé “que la visite de François Hollande en Grèce n’est pas de très grande importance dans la mesure où la France certes, est une puissance au sein de l’Europe, sauf, qu’elle suit la politique de l’Allemagne, donc il n’y aura rien de très nouveau à attendre de cette visite” (grand journal Real-Fm, 14h-15h, 18/02, cité de mémoire).Et plus, et comme souvent depuis 2011, à la veille de chaque grève générale (et de celle du 20/02), l’ensemble des syndicats des journalistes du pays et d'abord de ceux d’Athènes, lancent un appel à la grève (pour le 19/02), donc, pas de bulletin d’information, ni à la télévision, ni à la radio demain. Le porte-parole du “gouvernement” Samaras, Simos Kedikoglou, a déjà exprimé sa colère publiquement, “inadmissible, lorsque le Président de la République Française sera chez nous en visite officielle”... mauvais calendrier sans doute.

Les affiches des syndicats appellent à manifester

Ce midi au centre-ville, personne ne s’occupait de la journée de demain, c’est plutôt de l’après-demain qu’il fut question et encore. Les affiches des syndicats appellent à manifester, tandis que parmi les boutiquiers du centre historique, il y en a qui se préparent pour une journée de repos. Même nos mendiants habituels ayant “investi” les terrasses des cafés en faillite, s’absentèrent parfois dans la journée et dans la foulée, laissant leur "stand" grand-ouvert: “S’il vous plait, j’ai faim, merci”.

Au même moment, les habitants de Lassithi en Crète orientale, ont distribué hier un tract - “Passeport” de leur “République” autoproclamée, car “il y en a assez. Ils nous dépossèdent de la faculté, de l’hôpital, des services de l’Etat, de la marina, des salaires, des retraites et des allocations chômage... pour nous apporter des impôts, du chômage, de la pauvreté et de la déprime. Il y en a assez. Nous alons prendre le présent et le futur des nos enfants entre nos mains”.

“Passeport” de leur “République” autoproclamée

Heureusement que nos terrasses athéniennes sont encore remplies, surtout par ce temps ensoleillé déjà apprécié des premiers touristes de la saison, ou des derniers de l’hiver (c’est selon), aperçus ce matin par exemple, place de Monastiraki.

"J’ai faim..."

Le Président François Hollande ne verra pas la Grèce (et en si peu de temps de surcroît). Espérons au moins qu’il bénéficiera de ses dernières douceurs de saison et de toujours. Loin des entrepôts du temps présent... et de ceux de notre âme (blaisé) blessée (!)

Place Monastiraki. Athènes, le 18 février




* Photo de couverture: Dans la rue. Athènes, 18 février

vendredi 15 février 2013

Le pouvoir zoomorphe



Après les éclaircies des derniers jours, la semaine s’achève sous la pluie. Dans nos appartements mal chauffés, nos vieux... se montrent de plus en plus pédagogues envers nos générations de la civilisation... chaude et trahie: “Patience, nous, nous avons déjà vécu tout cela...” Jeudi soir (14/02) place de la Constitution le parapluie était forcement de saison, les passants alors... décimés par l’orage, se précipitaient comme ils le pouvaient tout droit dans la bouche du métro. Imperméables à tout temps, les hommes des MAT (CRS) s’y trouvaient également, ils étaient certes postés de façon quelque peu inhabituelle, leur car était garé à l’opposé du “Parlement”. Le matin même (14/02), certains jeunes Syrizistes avaient symboliquement occupé le bureau tout proche du Secrétaire général au ministère du travail, Giorgos Mergos.

mercredi 13 février 2013

Aux visiteurs de la Grèce



Chers visiteurs du pays... enfin réel. En voyageant en Grèce, vous pénétrez dans une zone de non-droit, vous pénétrez surtout cette époque de l’anthropophagie alors devenue régime politique de la Global Financial Governance, en d’autres termes... le “changement du monde” (occidental). Armez-vous de courage car vous découvrirez le premier grand territoire de l’U.E. (d’avant l’élargissement), alors sciemment administré en camp de concentration de type nouveau, en mouroir à bas voltage sous l’irresponsabilité et l’immoralité entières de la politique “macroéconomique” menée par les élites locales, puis celles de l’Allemagne (mais pas uniquement). “We've basically had an unethical experimentation on human beings going on across the world right now,” a récemment déclaré Paul Krugman prix Nobel d’économie. C’est précisément cette crise humanitaire sans précédent en Europe Occidentale depuis les années 1940, que vous verrez derrière la vitrine brisée des Cyclades ou de la Crète. Renseignez-vous bien avant de partir, lisez les guides, vous y admirerez nos plages certes, mais lisez par contre aussi, une certaine presse qui à juste titre s’alarme sur... nous, comme The Guardian , hier par exemple.

dimanche 10 février 2013

Fiasco



Le mémorandum c’est le rigorisme... plus le fiasco. C'est dire combien... l'art de l’austérité ne s'improvise pas en communiquant, et en Grèce en ce moment, la “communication pédagogue” ne passe plus... suffisamment paraît-il. Le seuil létal de notre économie réelle est désormais atteint, et de nombreux sujets de notre baronnie s’interrogent même sur l’autre seuil létal... à atteindre, le leur tout simplement, car celui de la démocratie semble déjà dépassé depuis juin dernier (2012). Le régime méta-démocratique de la... Polynésie athénienne prend déjà la forme de cet hybride... caractérisé et caractéristique de la grande “gouvernance impériale” préparatoire dans sa variante néo-locale, autrement-dit, à l’échelle (visiblement arbitraire) de l’U.E. Mais au moins, notre pays devenu territoire, entre enfin dans l’ère de la politique hors-fiction. La Troïka nous a promis de “l’observation participante” jusqu’à la mort (la nôtre), et elle l’a fait. C’est à partir de là, que tout peut sérieusement commencer, ou peut-être bien, finir.

jeudi 7 février 2013

Amarres larguées



Notre pays-péninsule a bien largué ses amarres, il navigue déjà... au large de la dignité. Parfois de manière brutale, au sens propre ou figuré, peu importe, les amarres ont été ainsi larguées, voire sectionnées à la scie et de nuit. Hier, au centre d’Athènes des agriculteurs ont distribué des fruits et de légumes à titre gratuit provoquant une telle cohue, jamais égalée jusque là en pareilles circonstances. “Images d’Occupation” précise Elefterotypia (07/02). La “Une” du quotidien est d’ailleurs explicite quant à l’autre nouvelle du jour, à savoir la diminution “surprise” des montants issus des Fonds structurels de l’UE et destinés à la Grèce cette année: 11 milliards d’euros au lieu des 20 milliards, attendus par “nôtre” gouvernement Quisling de l’hybris tripartite. “Bruxelles nous coupe le souffle” titre Elefterotypia, ce qui ne relève plus tellement d’une si grande découverte. Tout comme pour la politique Samaras. Dans la nuit du mardi au mercredi, les unités des MAT (CRS) et des gardes-côtes ont investi le port du Pirée, pour ainsi “signifier” aux marins grévistes, l’ordre de leur mobilisation, autrement-dit la réquisition dont ils ont été frappés (comme les salariés dans les transports auparavant), depuis que notre gouvernance Troïkanne a réalisé qu’elle n’a pas d’autre arme politique, autre que celle de la terreur.

mardi 5 février 2013

Retouches



L'homme retouche la création parfois en bien, parfois en mal”, écrivait en son temps Victor Hugo dans “ L'Homme qui rit ”. Depuis, les allégories (ou les vérités) de nos mutilations “instituantes”, le monstrueux et le grotesque, n’ont cessé de croître et de se sophistiquer. Sauf que désormais... notre homme rit jaune, et que les procédés techniques de la “retouche” ont atteint des sommets car cette dernière devient gouvernance. Il y a deux jours, la police grecque a publié sur son site officiel, des photos retouchées des quatre “combattants anarchistes” (selon leurs dires, dont l'un Nikos Romanos, 20 ans, s'est déclaré “prisonnier de guerre” et non pas victime, d’après son avocat Frangiskos Ragoussis), ou “terroristes” (suivant la terminologie officielle et d’usage). Certes, les faits sont en partie en tout cas avérés, les quatre jeunes âgés de 20 à 25 ans, ont été arrêtés vendredi au cours d'un double hold-up dans des banques de la commune de Velvedos, près de la ville de Kozani (Nord-Ouest). Dans leur véhicule, les policiers ont découvert deux fusils d'assaut kalachnikov, une mitraillette Scorpion et deux autres revolvers, et depuis, ils sont soupçonnés de liens avec le groupe extrémiste d'obédience anarchiste “Conspiration des Cellules de feu” (voir également le reportage sur Okeanews ). Voilà que la guerre sociale en Grèce relève désormais... de la retouche, ce qui n’arrange plus grand-chose, de très éclairant en tout cas.

samedi 2 février 2013

Il était une fois à Athènes...




Fumée
Fin 2012. Autour d’une table, dans un café du centre-ville, des retraités, des actifs et des chômeurs évoquent le scrutin qui les préoccupe tous: celui qui se tiendra d’ici quelques jours dans leur immeuble. Faut-il remplir les cuves de fioul ? Doit-on mettre en marche le chauffage collectif ? Voilà les questions du moment à Athènes, où la démocratie palpite moins au gré des débats sur la dette que sur la question du froid — qui revient — et du prix du combustible — dont les prix ont pratiquement triplé depuis 2010.

vendredi 1 février 2013

Fins de mois



Dans notre pays, les fins de mois sont de moins en moins arrondies. Derrière la vitrine de la normalité, Athéna devient presque aveugle. Nos sans-abri s’installent durablement dans le décor, et avec eux, tout leur petit quotidien usuel: livres, icones, pots de fleurs, objets certainement à vocation historique. C’est ainsi que nos histoires se fixent désormais pour un temps suffisamment long, avant de dévisser sans doute et peut-être bien pour toujours. Notre ville qui respire encore à travers ses débris humains en plus des “gens normaux”, hurle pourtant encore. Comme ce jeudi (31/01), jour de grève générale (mais qui n’en était pas une), sauf que nos manifestants étaient bien là, certes plutôt par branche, en hurlant: “basta”. Ce n'était certes pas une grande journée de mobilisation, mais rien n'est vraiment grand en ce moment en Grèce, sauf l'imposture et la pauvreté.